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Sexe, Sartre & Rock n' Roll

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Culture

Mercredi 20 juillet dernier s’est tenue la première de la pièce Huis clos de Jean Paul Sartre (1944), au théâtre Lucernaire de Paris. Ceux qui s’attendaient à un ennui mortel se sont clairement fourvoyés!

Le metteur en scène français, Vladimir Steyaert, surprend en effet ses spectateurs – majoritairement jeunes – en proposant une version contemporaine, ironique et réelle de l’œuvre classique, inévitablement interprétée par une troupe internationale.

La pièce a été réinterprétée par la Comédie de Saint Etienne et le metteur en scène, Vladimir Steyaert.Plus de 200 à l'heure en direction de notre descente aux Enfers. Mais en arrivant dans la salle du dernier étage du théâtre Lucernaire, la « Highway to hell » ne saute pas directement aux yeux, surtout lorsqu’on voit la scène habillée de trois canapés blancs surmontés d’un lustre majestueux. Une chose est claire : les apparences sont trompeuses ! Car tout le monde sait que la célèbre pièce de Sartre se passe en Enfer. Tour à tour, Garcin, Inès et Estelle se retrouvent dans les abîmes. Tous confinés entre quatre murs, les interminables nuits blanches vont les pousser à bout, jusqu’à ce qu’ils admettent enfin leurs faiblesses et se rendent compte que l’Enfer n’est pas un lieu, l’Enfer, c’est les autres. Jusque là tout va bien.

Toutefois, les spectateurs se trouvent vite désarçonnés par l’entrée en scène du diable vêtu d’un peignoir en flanelle blanc, les très en vogue lunettes Ray Ban Clubmaster sur la tête, des néons verts et de la musique rock style AC/DC en toile de fond. L’enfer d’une discothèque ? Dans ce cas, j’en suis ! De toute façon, qu’on le veuille ou non, on ne se trouve pas seulement dans une discothèque mais littéralement au cœur de l’action, tant et si bien que des lambeaux d’étoffe frôlent à l’occasion les oreilles d'un public ahuri.

Sartre: un mec cool

L’ingénieur du son Fabrice Drevet, membre de la Comédie de Saint-Etienne (ce théâtre créé en 1947 à Saint-Etienne est l’un des premiers centres dramatiques nationaux de France), donne voix à la pièce entière en faisant retentir un bruit monotone à l’image du malaise ambiant. Les « cloches de l’Enfer » (Hell Bells) résonnent quant à elle au début et à la fin pour donner à la pièce une touche rock et diabolique – que le public jeune n’est pas sans apprécier.

« Dans le milieu théâtral qui est le mien, Sartre est considéré comme un vieux machin, un auteur démodé. Qui plus est, son langage a mal vieilli. Nous nous sommes donc efforcés de surmonter cette barrière que constituait le dialogue en plaçant trois canapés blancs, qui donnent tout de suite une impression d’espace de discussion, bien que ce ne soit en fait qu'un leurre. C’est du théâtre, une pièce loquace, voire même érotique », déclare à juste titre le metteur en scène. Son Sartre à lui est intemporel, il parvient à se défaire de la vision classique et carrée de Jean Paul Sartre. « À Saint Etienne, nous avons plusieurs fois joué devant des lycéens pour voir comment ils appréhenderaient la pièce. Et finalement, la pièce leur a parlé. Bien sûr, il y a eu du bruit lorsque les acteurs se sont dénudés, mais ils ont vraiment bien réagi et je n’en attendais pas autant. » Aux portes de l’Enfer, pas étonnant que les scènes deviennent elles aussi de plus en plus torrides !

L’Enfer, un melting-pot?

Ici : Garcin, Inès et Estelle. La distribution très internationale des rôles à des acteurs du Togo, de Roumanie, de Croatie et d’Allemagne truffe la pièce d’accents naturels qui connectent directement le public à la pièce. Il entre ainsi par la même porte que l’acteur – mais attention, mieux vaut ne pas être claustrophobe. C’est la dure réalité d’un Huis clos.

« Le français n’est pas simple. Je l’ai appris à l’école mais je n’ai jamais vécu en France. Je ne suis ici que depuis septembre. »

Vladimir Streyaert a déjà travaillé avec Roger Atikpo, l’interprète de Garcin, mais il admet que la composition internationale n’était pas vraiment prévue. La Comédie de Saint-Etienne lui a attribué les acteurs, ce qui – en dépit d’une barrière linguistique initiale – c’est avéré tout à fait bénéfique. « Le français n’est pas simple. Je l’ai appris à l’école mais je n’ai jamais vécu en France. Je ne suis ici que depuis septembre. », confesse l’actrice roumaine Adela Minae, dans le rôle d’Estelle. Chapeau! Car les rôles ne représentent pas seulement un challenge linguistique mais aussi physique. Malgré leurs origines diverses, l’harmonie règne entre eux, et cela se voit sur scène aussi. Cependant, si Minae assure vouloir jouer cette pièce « toute sa vie », ce n’est pas uniquement en raison de cette harmonie, c’est un tout.

Les pétages de plombs occasionnels et les remarques des acteurs dans leur langue maternelle confèrent à la pièce son caractère authentique et transportent le public dans une autre dimension, rire inclus. Finalement, la température reste le seul élément qui rentre dans l’image traditionnelle que l’on se fait de l’Enfer. Et plus la température monte, plus les acteurs se mettent à nu, au sens propre du terme. Ce n’est qu’une fois le maquillage foutu, les vêtements en lambeaux et les cheveux en pagaille qu’apparait enfin leur Moi profond : les apparences s'avèrent trompeuses, en réalité « l’Enfer, c’est les autres ! »

La pièce se joue au théâtre du Lucernaire, 53 rue des notre-dame des champs, 75006 Paris du mardi au vendredi à partir de 21h. Et ce jusqu'au 10 septembre 2011. Plus d'information sur le site du théâtre des Déchargeurs.

Photos: Titelbild (cc) lord marmalade/flickr; dans le texte ©Pôle Presse

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