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Santiago Sierra, artiste critique : "Nous évoluons vers une société fasciste"

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Gaëlle CERRUTI

Controversé, polyvalent, critique et à contre-courant. L'artiste espagnol Santiago Sierra, Prix national d'arts plastiques 2010, nous reçoit pour parler d'art, de politique et de son nouveau projet, CMX 04.

Stommeln, Alemania. Marzo de 2006.Santiago Sierra artiste critique (né à Madrid en 1966) s'est formé en Espagne, en Allemagne, au Mexique et en Italie. Son travail ouvre des débats et soulève des controverses. En 2003,  le gouvernement espagnol lui confie un projet pour le pavillon espagnol de la Biennale de Venise, il y cache le mot «Espagne» avec du plastique noir et empêche l'accès au Pavillon à tout visiteur n'ayant pas présenté de passeport espagnol. En 2010, le Ministère de la culture lui décerne le Prix National d'Arts Plastiques d'Espagne, un prix que Santiago Sierra a publiquement rejeté en déclarant «l'art m'a accordé une liberté à laquelle je ne suis pas prêt de renoncer. Par conséquent, mon bon sens m'oblige à rejeter ce prix. Il instrumentalise le prestige des récompenses "au profit de l'Etat"». Son parcours initial intégre de multiples projets artistiques dans lesquels il utilise des objets tels que du ruban d'emballage, de l'asphalte, des murs, des déchets de légumes, du pain, des affiches, des toiles, de l'essence ... Après avoir parcouru le monde avec le "No, Global Tour"- dont le protagoniste était un grand "non" sculpté - Santiago Sierra présente CMX 04, un projet qui porte le nom d'une opération de l'OTAN

CMX (Crisis Management Exercise) sont les acronymes que l'OTAN utilise pour se référer aux exercices de gestion de crise qu'il programme chaque année dans ses pays membres. Le 4 mars 2004, l'OTAN rend public dans un communiqué de presse qu'une opération de gestion de crise appelée CMX 04 serat lancée entre le 4 et le 10 mars. Par "une terrible coïncidence", selon l'ancien secrétaire général de l'OTAN Jaap de Hoop Scheffer, l'attaque terroriste menée par Al-Qaïda simulée dans l'opération CMX O4 contre une usine chimique située aux Pays-Bas et qui aurait causé 200 morts et un millier de blessés, s'est terminée quelques heures avant l'attentat qui se déroula à Madrid le 11 mars 2004.

cafebabel.com: Après "No, Global Tour", qu'est-ce qui vous a poussé à présenter le projet CMX 04 à Madrid?

Santiago Sierra: J'ai été poussé par l'horreur de l'attaque fasciste qui a mis fin à la vie de 191 travailleurs madrilènes plus les blessés. Mais aussi la répugnance devant l'impunité de ses auteurs et complices. L'horreur devant la preuve que de véritables groupes criminels ont pris le pouvoir mondial et local. Ma surprise devant le silence général de mes compatriotes, aussi candide que suicidaire m'y a également poussé. Je suis poussé par la peur de la disparition du journalisme et de son remplacement par la propagande. La force du mensonge, l'immense capacité de contrôle social, la mort industrialisée frappant à nouveau aux portes de nos maisons. La peur, parce que l'OTAN, la toute puissante l'OTAN, le successeur du Troisième Reich a de nouveau brûlé le Reichstag et cela fait peur.

cafebabel.com: Vous présentez CMX 2004 sept ans après le 11 mars 2004, cela a-t-il quelque chose à voir avec le moment de crise que nous vivons?

“DE VeritableS GROUPES CRIMINELS ONT PRIS LE POUVOIR MONDIAL ET LOCAL”

Santiago Sierra: Sept ans de silence c'est très long. Pendant ces sept années  nous avons assisté à l'épanouissement de l'alliance de l'Union européenne privatisée, l'OTAN et l'EU pour la domination globale. Un scénario dangereux dans le monde entier avec la multiplication des tueries dans lesquelles l'utilisation des armes nucléaires ne fait plus de doute. Il n'est pas conseillé d'aller en vacances en Libie pour les prochains 14 000 ans. Nous avons également vu le pillage et la disparition du publique, le vol devient le système économique et le facisme se met en place lentement pour n'effrayer personne. La vie quotidienne est réprimée comme l'étaient avant les crimes d'opinion, le citoyen est constamment surveillé, on lui fait comprendre qu'il n'est rien, que nous sommes des merdes dont on peut se dispenser, que nous sommes nombreux. Et bien, eux : militaires, banquiers, politiciens, hauts dignitaires de l'église et autres crapules, eux ils sont nombreux, trop nombreux pour coexister avec la société. Sept ans de silence c'est beaucoup, alors brisons le silence une bonne fois pour toute. C'était l'OTAN.

cafebabel.com: Dans votre travail vous avez abordé des questions telles que la situation des travailleurs exploités et autres groupes discriminés ou défavorisés, les crimes d'Etat, les politiques d'immigration ... avec un impact médiatique toujours important, est-ce qu'il s'est passé la même chose avec CMX 2004?

Santiago Sierra: Non, cette fois la presse n'est pas très intéressée, ils sont trop occupés par le joueur de handball.

cafebabel.com: Plusieurs des galeries d'art qui représentent votre travail sont basées en Allemagne, en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni. En tant qu'artiste, quelle vision avez-vous de l'évolution du projet politique européen?

Santiago Sierra: nous évoluons vers une société faciste, militarisée, avec un pourcentage de chômage élevé pour que personne ne se battent pour ses intérêts, vers un contrôle social qui nous dégrade, euh, je ne sais pas, je le vois très négatif: soit nous faisons quelque chose, soit nous sommes foutus. J'ai vu comment ils ont commencé la guerre au Mexique, c'est très facile.

Fotos: portada, página oficial de La Moncloa; texto: autorretrato, cortesía de ©Santiago Sierra, CMX 04, salonkritik.net

Translated from El artista crítico Santiago Sierra: “Evolucionamos hacia una sociedad fascista”