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Royaume-Uni : Corbyn passe le test

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Voici ce qui s'est réellement passé lors de l'élection partielle à Oldham : la population a ignoré les médias. Bien que les élections partielles soient légèrement moins prévisibles que les élections normales, rien n'indiquait que le Parti travailliste risquait de perdre ce siège. Sauf les médias, bien sûr. Opinion.

Jeudi dernier s'est présentée la première occasion de prendre le pouls du Parti travailliste de Jeremy Corbyn. Nigel Farage - le chef de file du parti anti-immigration UK Independence - l'avait même étiquetée de « referendum sur Corbyn » lui-même. On reconnait bien là UKIP essayant de s’incruster à une fête où on ne les a pas invités.

Pendant quelques jours, le pays a eu les yeux rivés sur Oldham, une ville du nord de l'Angleterre, près de Manchester. Jadis, ses usines textiles en avait fait l'un des centres industriels les plus importants du monde et l'un des moteurs de la révolution industrielle anglaise.

« En temps normal, on ne ferait pas de direct sur une élection partielle à Oldham, mais cette fois-ci, c'est différent. » Le sentiment était partagé par de nombreux médias britanniques la semaine dernière, alors qu'une élection était organisée pour remplacer Michael Meacher, député travailliste de longue date, décédé en octobre dernier. Alors pourquoi avoir couvert l'événement ?

Cela n'avait probablement rien à voir avec le fait que la presse britannique sape la position de Corbyn depuis qu'il s'est présenté aux primaires du Parti travailliste. Depuis son élection à la tête du parti, Corbyn a été critiqué pour ne pas avoir chanté l'hymne national, pour ne pas s'être assez incliné devant un mémorial de guerre et, plus récemment, il a été accusé d'avoir de « sympathie pour les terroristes » après avoir douté du fait que bombarder la Syrie pouvait régler quoique ce soit.

Je suppose que la presse s'ennuie, tout simplement. En effet, le gouvernement ne lui donne absolument pas de grain à moudre... Tout ce que font les Conservateurs, c'est paralyser la Sécurité Sociale, essayer d'abolir les droits de l'Homme et abandonner les objectifs de réduction de la pauvreté infantile, pour ainsi ne pas s’embêter à les atteindre. « Mais, eh, attendez ! Le leader de l'opposition pense qu'on ne devrait pas atomiser un pays étranger. Faisons un article là-dessus... »

Quoi qu’il en soit, les habitants d'Oldham ont refusé de surfer sur cette vague et ont obstinément envoyé au Parlement un nouveau député travailliste, Jim McMahon, avec encore plus de suffrages. Nigel Farage, qui avait un instant cru que son parti aurait pu l'emporter, était effondré.

Dieu seul sait pourquoi. Oldham West et Royton sont des bastions du Parti travailliste et cela fait 45 ans qu'y sont élus des députés de gauche. Michael Meacher avait représenté Oldham depuis 1970 jusqu'à sa mort le 20 octobre dernier, peu après avoir été réélu avec une avance de 14 738 voix aux élections du mois de mai.

Tout ceci n'a pas empêché Farage d'imputer la défaite de son parti au « fort taux d'électeurs qui ne parlent pas Anglais ». J'ai peur d’encourager Farage en lui donnant trop d'importance, je serai donc bref. Quand, pour gagner, on a besoin de presque trois fois plus de suffrages que ce qu'on a récolté, on n'a pas le droit de se plaindre. Personnellement, je ne suis pas sûr que ça aiderait son parti, de demander aux électeurs de parler correctement anglais.

Je ne dis pas que les journalistes n'avaient pas de raisons pour couvrir cette élection partielle. La prise de pouvoir de Corbyn a profondément changé le Parti travailliste. Il l'a bouleversé, en mettant à des postes clés des gens qui avaient passé leur carrière politique à la marge. À 75 ans, Meacher était l'un des seuls députés travaillistes à avoir choisi Corbyn comme leader en espérant qu'il gagne et non pas seulement pour « élargir le débat ».

Selon la plupart des médias, ceci reflète une dégradation de la situation. Je n'ai franchement pas la moindre idée de si ce Parti travailliste est « inéligible », comme on nous le répète continuellement. Ce que je sais c'est qu'une élection partielle à Oldham ne devrait probablement pas être considérée comme un test réel.

Ce n'était pas une élection législative, c'était une élection partielle dans une circonscription où les gens ont élu 12 fois d’affilée des députés de gauche. Meacher était un proche collaborateur de Tony Benn, qui a un jour déclaré : « Si on peut trouver de l'argent pour tuer des gens, on peut trouver de l'argent pour en aider d’autres ». C'est exactement le contraire de la devise du gouvernement britannique actuel. Les Conservateurs réduisent joyeusement le budget de la santé - ou n'importe quel budget, en fait - pour retrouver un « équilibre financier » et ensuite dépenser leur supposées économies en bombes.

Le fait est que, dans une ville comme Oldham, les Conservateurs sont aussi populaires qu'en Écosse, où, comme me l'a fièrement déclaré un ami, il y a plus de pandas que de députés conservateurs. Un leader travailliste qui prend le risque de s'opposer à David Cameron n'est donc pas vu d'un mauvais œil là-bas.

Alors dire que les travaillistes ont poussé un soupir de soulagement serait un chouïa exagéré. Ceci dit, le parti a raison d'être content de ce succès électoral. Les Corbynistes y verront un « vote de confiance » concernant le nouveau cap du Parti. Les centristes accueilleront dans leurs rangs un collègue en accord avec leurs idées et en faveur des entreprises.

Cependant, je ne crois pas que cette élection nous apprenne quoique ce soit sur le Parti travailliste de Corbyn. Pendant la dernière ligne droite avant le vote, les médias ont imaginé qu'Oldham pourrait être la première ville à rejeter Corbyn. A mon avis, si les travaillistes perdent des villes à cause de lui, Oldham serait plutôt la dernière d'entre elles.

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    Cet article a été publié par l'équipe de cafébabel Londres

Translated from Corbyn’s first election "test" in Oldham was a formality