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Roumanie, le cercle sans fin de la corruption

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Petite attention, dessous-de-table, bakchich…en Roumanie, la corruption endémique menace de mettre en péril l’adhésion de Bucarest à l’UE en janvier 2007.

En Roumanie, 42% des ménages avouent avoir déjà versé des pots-de-vin et 38% des fonctionnaires en avoir touché, selon un rapport de la World Bank. Le Roumain face à l'Etat met la main à sa poche, c’est un réflexe de base. Une corruption « de survie » qui est le symptôme d'une normalité maladive – que ce soit à l’hôpital, à l’école, dans l’administration publique ou ailleurs.

D’après l’écrivain Mircea Cartarescu, la solution au problème aurait été d’éliminer immédiatement après 1989 les anciens proches du régime communiste de la classe politique. Aujourd’hui, le débat sur une loi de 'lustration' pour dénoncer les collaborateurs du régime communiste ne fait que commencer et les remèdes juridico-législatifs sont lentement évoqués. Guidé par un réflexe d’autoprotection, Ion Iliescu, Président durant la transition, reste immobile face à la corruption qui se consolide dans les esprits et dans la réalité. L’alternance politique qui suit, malgré des discours prometteurs lors de la campagne électorale, est incapable d'enrayer une lutte effective contre le problème. Le mandat d’Emil Constantinescu est ensuite marqué par plusieurs scandales liés à des privatisations ou à du trafic de cigarettes.

Des gouvernements hésitants

En 2002, un Parquet national anti-corruption est créé mais ne s’attaque pas véritablement aux racines du mal. Traian Bsescu, ancien maire de Bucarest et l’actuel Président roumain, n’a pas hésité à présenter la corruption, lors de sa campagne électorale, comme une menace pour l’adhésion du pays à l’UE et pour la sécurité nationale. Un thème porteur qui l’a aidé à recueillir les suffrages de ses compatriotes. Le Département National Anticorruption (DNA) a depuis enfin acquis l’autonomie exigée par l’UE et recueille la confiance de près de 39% des Roumains. Le travail de l’actuelle ministre de la Justice Monica Macovei a remporté l’adhésion des observateurs internationaux. Autre point fort du gouvernement actuel : la mise en place d’une Stratégie Nationale Anticorruption pour la période 2005 - 2007. Mais l’efficacité des mesures anti-corruption reste à prouver. Reprenant la théorie du chercheur bulgare Ivan Krastev pour qui la phase post-communiste serait perçue comme plus corrompue que le régime du national-socialisme, le juriste Sever Voinescu a démontré que le « paradoxe de la corruption » s’applique aussi à la Roumanie.

En 2001, un sondage Gallup affirmait que 94% des Roumains jugeaient la corruption « forte », voire « très forte ». Selon une étude plus récente réalisée en février 2006 par le Bureau de recherches sociales roumain, les employés les plus corrompus sont ceux de la justice, de la douane, de la police, des hôpitaux, des autorités locales, des administrations financières, des syndicats, des écoles, des banques et de la presse. Selon un bilan du DNA, seulement 17% des 744 personnes poursuivies en 2005 pour corruption occupaient des fonctions importantes. Les gros requins échapperaient donc au filet de la justice ? Presque la moitié des personnes interrogées dans le précédent sondage pensent ainsi que le parti social démocrate (PSD), au pouvoir précédemment, a été plus préoccupé par l’enrichissement de ses leaders que par le bien-être de la population.

Déclarations d’intention

Dans son dernier rapport, la Commission européenne a appelé le gouvernement roumain à lutter essentiellement contre la corruption de haut niveau et celle au sein des instances chargées d’appliquer la loi anticorruption. C’est ce que Daniel Morar, le procureur en chef du DNA, assure faire : il enquête actuellement sur un certain nombre de parlementaires, dont l’ancien Premier ministre Adrian Nastase, considéré comme la personnalité la plus corrompue du pays et sur le vice-président du gouvernement George Copos.

D’après le journaliste et politologue Emil Hurezeanu, ce sont les pressions de l’UE et le danger imminent d’une explosion sociale qui dictent à présent la lutte anticorruption, considérablement renforcée depuis le 1er janvier 2006. Le message des campagnes de sensibilisation est clair : ne graisse pas la patte ! Cependant, si dénoncer publiquement aide à la prévention, c’est poursuivre en justice qui contribue à miner la corruption endémique. Les réquisitoires ne sauraient d’ailleurs remplacer les sanctions, comme le souligne le directeur de Transparency International Roumanie, Victor Alistar. Ajoutant que « les gouvernants roumains devraient modérer leurs attitudes triomphalistes ». Dans son rapport national sur la corruption en 2005, rendu public le 1er mai dernier, l’antenne roumaine de Transparency International déplorait que la corruption soit toujours aussi forte à tous les niveaux malgré les réaménagements institutionnels. Ce rapport souligne la nécessité de maintenir la pression sur le gouvernement et d’insister sur une relation saine entre citoyen et Etat. Tout en recommandant l’adhésion de la Roumanie à l’UE pour le 1er janvier 2007.