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Robert Cooper : travailleur acharné au service de l'Union européenne

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C'est avec panache que Robert Cooper, diplomate britannique, dirige les affaires externes de l'UE à Bruxelles. Personnage controversé, partisan de « l'impérialisme postmoderne », il est bien loin de l'image du terne bureaucrate.

Avec une once de retard, Robert Cooper se hâte d'arriver à notre rendez-vous. D'une main, il traîne sa valise à roulettes et tient, de l'autre, un journal. Le parfait cliché du haut fonctionnaire bruxellois au rythme de vie effréné. Je lui demande poliment si sa semaine a été chargée, ce à quoi il répond avec un sourire d'autodérision : « je crois savoir qu'il existe une directive nous interdisant de travailler plus de 48 heures par semaine. Cette semaine, j'ai atteint ce quota en trois jours. »

Modestie aigüe

Il n'est guère surprenant que Cooper consacre autant de temps à sa fonction. Diriger les Affaires extérieures et politico-militaires au Conseil européen n'est pas tâche facile, comme en témoignent les évènements de l'année qui s'achève : détérioration des relations commerciales avec la Chine, frictions au sujet de la Constitution européenne, relations tendues avec des Etats candidats à l’adhésion. La liste des problèmes auxquels est confronté Cooper est loin d'être exhaustive. S’il ne conteste pas l'existence de ces difficultés, il n’hésite pas à minimiser l'importance de son poste. « Ce titre est ridicule. Mon rôle consiste à travailler à la fois pour le Conseil et pour Javier Solana, tentant de faire en sorte que l'Europe se dote d'une politique étrangère ».

Le fait qu'il incarne l'une des figures les plus éminentes du Royaume-Uni dans le domaine des relations internationales se voit démenti par sa modestie. Décrit comme le « gourou de Tony Blair en matière de politique étrangère » par le quotidien britannique The Observer, Cooper est chargé de bâtir et mettre en œuvre les politiques internationales de l'UE. Dans son dernier ouvrage, La fracture des nations, il plaide pour une nouvelle conception de l'ordre mondial.

Une passion pour l'Europe

Face à la passion de Cooper pour le projet européen, j'ai parfois l'impression de jouer les eurosceptiques en dénonçant la gangrène qui caractérise les institutions bruxelloises. S’il rejette totalement l'expression de « pagaille bureaucratique », il ne nie pas l'existence des problèmes auxquels l'Europe doit faire face. « Il y a un petit et un gros problème. Le petit, c'est la façon dont nous fonctionnons à Bruxelles avec d'un côté, le Conseil et, de l'autre, la Commission. Le gros problème, c'est la difficulté que nous avons pour mettre en place une politique multinationale. Nos politiques ont essentiellement un caractère national, et c'est là le principal problème politique du 21ème siècle ». Envisage-t-il des solutions face à un dilemme politique aussi aigu ? « Rappelez-vous qu'au 18ème siècle, personne n'imaginait de démocratie ailleurs que dans les villes. La démocratie représentative fut inventée aux 18ème et 19ème siècles. A présent, il nous faut créer une démocratie multinationale, ce qui n'est pas tout à fait la même chose qu'une démocratie nationale ».

L'UE comme modèle

Il est clair, toutefois, que Cooper refuse de céder au pessimisme lorsqu'il lit l'avenir de l'Europe dans sa boule de cristal. Même si l'UE ne devient pas la prochaine superpuissance du monde, elle sera un exemple remarquable pour les autres nations. « Je ne crois pas que l'Europe dirigera le monde, mais il est possible que ce qui a été réalisé sur le continent serve de modèle et soit copié dans d'autres parties du monde. Beaucoup d'endroits voudraient ressembler à l'Europe. Prenez, le Mercosur en Amérique Latine et l'Union africaine. »

Alors, quelle est la recette secrète du succès de l'Europe ? Selon Cooper, le continent européen possède l'avantage relatif de se trouver dans une situation de paix. « L'Afrique est en guerre permanente, la Chine connaît des tensions à ses frontières et les Etats-Unis ont des bases militaires partout dans le monde. Le Moyen-Orient a déjà des problèmes et est susceptible d'exploser d'une minute à l'autre. Le fait que l'Europe soit en paix est un bien pour tout le monde. On a tendance à oublier que, durant la seconde guerre mondiale, environ 17.000 personnes étaient tuées par jour. Et ceci a duré six ans. C'est vraiment une bonne chose de connaître la stabilité. »

L'autorité de la loi

Selon le diplomate européen, c'est grâce à cette coexistence paisible que l'Europe peut être enfin gouvernée par la loi et non par la force. « La loi est une valeur fondamentale de l'Europe qui, seule, peut offrir une vie décente aux personnes. L'histoire montre que nous avons d'abord créé une loi pour les Etats – que maintenant, nous cherchons à bâtir entre les Etats. Ce modèle fonctionne pour l'Union européenne mais peut ne pas marcher dans certains pays. J'ai conscience que nous sommes tous différents. L'Europe possède sa propre histoire et sa propre culture. Et elle ne peut les imposer au reste du monde. Toutefois, on peut toujours apprendre les uns des autres. »

Selon M. Cooper, les autres nations peuvent apprendre énormément de l'Europe. Comme il l'a écrit dans The Observer, « l'Union européenne postmoderne offre la vision d'un empire de coopération doté d'une liberté et d'une sécurité communes (…) mais dépourvu d'exclusivité ethnique - marque des Etats nations – ce qui serait inapproprié dans un espace sans frontières. » De fait, il n'est guère surprenant que M. Cooper trouve son nouvel environnement de travail extrêmement stimulant. « J'ai longtemps travaillé au Ministère des affaires étrangères britannique et cette expérience m'a beaucoup plu. Mais, de façon étrange, je trouve que les personnes avec qui je travaille maintenant à Bruxelles sont, d'une certaine façon, plus patriotiques. On sent leur engagement vis-à-vis de l'Europe ; elles savent pourquoi elles sont là. Une attitude qui me plaît. Ici, les gens travaillent pour une organisation qui a apporté paix et prospérité non seulement à l'Europe occidentale mais aussi à l'Europe centrale. Et cela me rend fier. »

Translated from Robert Cooper, working hard for the EU