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Rencontre avec Teddy Lussi-Modeste

Published on

Bruxelles

Par Benedetta Pagotto Parmi les réalisateurs présents au Brussels Film Festival, Cafebabel a décidé de rencontrer le jeune Teddy Lussi-Modeste, en concours pour le Golden Iris Award avec le film “Jimmy Rivière” (2010).

Premier long métrage du français, ce film nous raconte l'histoire de passion et d’apprentissage d'un jeune gitan grenoblois (Guillaume Gouix), qui se convertit au pentecôtisme tout en ayant du mal à renoncer à ses passions plus intimes : la boxe, une copine (Hafsia Herzi), les fêtes avec les amis.

Comment est née l'idée de mélanger des thématiques apparemment si différentes: la boxe, la religion et la communauté des gens du voyage?

Au départ, il y avait simplement l'idée de raconter l'histoire de quelqu'un qui se sent étranger à sa famille et à sa communauté et de comment il va négocier son appartenance. En quelque sorte, je voulais montrer comment on peut appartenir tout étant différent à sa propre communauté. Je suis aussi un voyageur et j'ai voulu placer cette histoire dans un milieu que je connais bien, dont je connais les règles. La question de la foi, de la spiritualité est venue après, car en ce moment c'est une question très importante pour le voyageurs en France : la moitié se sont convertis au pentecôtisme alors que l'autre moitié est restée catholique. En plus, il s'agit d'un mouvement évangélique, qui veut porter la bonne nouvelle aux autres voyageurs, par exemple venant de la Belgique, de l'Italie ou de l'Espagne. Quant à la boxe, passion du protagoniste, c'est une question plus personnelle voire familiale, car mon père est boxeur et entraineur.

Guillaume Gouix est Jimmy dans ce film, un personnage à la fois violent et doux, dévoré par ses passions, mais qui cherche aussi à maitriser...

Jimmy est un personnage qui aimerait se conformer: il aimerait tout simplement être comme les autres jeunes de sa communauté. Sauf qu'il se rend compte qu’il est attiré par l’extérieur, sa place ne lui suffit pas. Et ça est aussi une question plus générale où tout le monde peut se retrouver: est-ce que dans notre famille, dans notre communauté tout est à apprendre ou bien y a-t-il des choses avec lesquelles il faut négocier? Tout au long du film, Jimmy va travailler à ses questions, jusqu'à trouver une place dans sa communauté.

Le thème de l'intégration dans la France d'aujourd'hui est aussi présent dans le film.

Pour moi, il était très important de représenter dans le film à la fois le cercle de la famille de Jimmy, de la communauté des voyageurs, mais aussi la communauté républicaine, la société française dans son ensemble. Dans une scène, Jimmy est au café avec sa copine et des amis (dont une d'origine africaine, l'autre maghrébin, etc.) : des jeunes qui représentent la France d’aujourd’hui. Et là l'expression “Pauvre France” par un de ces jeunes, est en réalité un hommage à cette France multiculturelle que j'aime bien car elle se construit, elle cherche son identité et c'est aussi aux gitans de faire évoluer son identité. La question du racisme est aussi présente dans le film, lorsqu'il est question d'un terrain pour une rencontre spirituelle dont le Préfet nie l'utilisation aux voyageurs.

Est-ce que d’après vous la France réussit mieux que d'autres pays européens dans cette intégration?

Sur cette question c'est le voyageur français qui vous parle... Je pense avoir eu beaucoup plus de chances en vivant en France qu'en vivant en Roumanie par exemple. Je pense que la France a permis à quelqu'un comme moi, qui vient d'un milieu où il n'y avait pas de cinéma, pas de culture au sens livresque ou scolaire, d'avoir accès à tout ça. Je pense donc qu'il faut construire ce parcours aussi dans les autres pays européens. Jimmy Rivière n'est pas un film politique car je ne fait pas l’éloge des voyageurs, mais j'ai fait le choix de raconter une histoire qui concerne tout le monde, avec un gitan comme protagoniste. C'est un gitan qui vit une histoire qui peut arriver à tout le monde, et cela c'est déjà combattre les méfiances et idées reçues sur l'autre.

J'ai l'impression que les femmes jouent un rôle bien précis dans le film: elles donnent l'impression d'avoir plus de courage de comprendre et écouter Jimmy....

Oui, absolument. Cela correspond peut être a ma façon de voir le monde car je fais davantage confiance aux femmes qu'aux hommes. Dans le film, on voit bien que l'émancipation vient des femmes, que ce soit la copine, la sœur, la mère...tout ces personnages féminins permettent à Jimmy de se libérer, de s'émanciper. Notamment Sonia (Hafsia Herzi), la copine de Jimmy qui se rend compte qu'il n'est pas avec elle seulement pour une relation de désir, mais aussi d'amour, et c'est ça qu'il doit accepter aussi.