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Référendum au Portugal : ni pour, ni contre, bien au contraire

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SociétéPolitique

La campagne pour le referendum sur la dépénalisation de l’avortement qui aura lieu le 11 février reste très contrastée. Les pro-choix cèdent progressivement du terrain aux tenants du ‘Non’.

« Nous sommes à la traîne comme toujours ». Vera, 23 ans, partage depuis septembre dernier le même appartement que son petit ami. La cohabitation a d’abord scandalisé leurs familles respectives. Car au Portugal, qui reste traditionaliste et où l’influence religieuse s’avère déterminante, le mariage reste la règle.

Mais les choses changent peu à peu et la dépénalisation de l’avortement, prévue par le référendum du 11 février représente pour beaucoup une chance à ne pas laisse passer.

Suite à des grossesses non désirées, Véra a vu plusieurs de ses amies de lycées contraintes d’abandonner l’école et de se marier. D’autres, comme Ana, 50 ans, divorcée et deux enfants, ont choisi de passer la frontière et de filer en Espagne pour y subir une IVG. Elle a ainsi jugé impossible d’élever un troisième enfant avec son SMIC [environ 400 euros minimum].

Et puis, il y a les plus démunies, celles qui subissent l’enfer des opérations clandestines dans des situations hasardeuses et peu hygiéniques. Un médecin ou une sage-femme si elles sont chanceuses, une ‘faiseuse d’ange’ pour le reste.

Selon le Planning familial portugais, il y aurait entre 18 000 et 20 000 avortements illégaux chaque année dans le pays. Selon cette même source, 14,5% des femmes entre 18 et 49 ans auraient déjà avorté.

Législation répressive

La loi portugaise possède l’une des législations les plus restrictives en Europe en matière d’avortement. L’IVG n’est autorisé qu’en cas de danger de mort, de malformation congénitale du foetus, de viol ou encore si la grossesse est source de déstabilisation psychique et psychologique pour la mère. À la différence des autres pays européens où l’IVG est prohibé tels que la Pologne, Malte, l’Irlande ou encore Chypre, la loi lusitanienne considère l’avortement comme un crime.

Le Code pénal portugais prévoit ainsi une peine de prison pouvant aller jusqu’à trois ans pour les femmes ayant avorté ; huit pour les praticiens les ayant aidées. En 2002 et en 2004, les procès de Maia et d’Aveiro, dans le nord conservateur du pays, ont remis la question de l’avortement sous le feu des projecteurs. A Maia en janvier 2002, suite à des dénonciations, une sage-femme accusée d’avoir aidé une centaine de femmes depuis les années 80, a écopé de 8 ans et demi de prison. A Aveiro en février 2004, ce sont 17 personnes qui se sont vues inculpées pour avortement illégal.

Débat à chaud

Le 11 février prochain, les 8,4 millions d’électeurs portugais se prononceront donc par référendum sur la dépénalisation de l’IVG, jusqu'à 10 semaines de grossesse. L’actuel gouvernement socialiste, dirigé par José Socrates, ne s’est pas risqué à passer en force en choisissant la voix législative. L’issue de cette consultation populaire demeure incertaine.

43,7 % des Portugais auraient l'intention de voter 'non', contre 51,3 'oui', selon une enquête réalisée du 31 janvier au 2 février publié par le Correio da Manhã, soit une hausse de 14 points en deux semaines pour le camp de la Vie.

Le taux d’abstention reste la principale inconnue de cette consultation dont le résultat ne pourra entrer en vigueur que si la participation atteint 50%.

Des Portugais indécis

Selon le quotidien o Diario das Noticias, l’abstention découle « d’une campagne démagogique, morale, éthique et surtout réductrice.» La campagne en mettant d’un côté de la balance le choix du droit et de l’autre la vie, crée un sentiment d’indécision parmi les Portugais qui se refusent à prendre parti. Lors du dernier référendum de 1998, les Portugais avaient, à une courte majorité, refusé la dépénalisation (50,6%) avec un taux d’abstention de 68,1%.

Le débat fait actuellement rage dans le pays, dans la presse, parmi les politiques et au sein même des familles. Guidées par l’Eglise, les associations « Pro-Vies » mènent ardemment campagne sur le caractère sacré de la vie. Un extrait de la populaire émission ‘Pros e contras’ diffusé par la chaîne publique RTP1 circule ainsi sur Internet, montrant une jeune trisomique 21 qui proclame, larme à l’œil, que si l’IVG avait été permis, elle ne serait jamais venue au monde.

A Lisbonne, le 25 janvier, une marche contre l’avortement a réuni des figures éminentes des démocrates-chrétiens, le Premier secrétaire du parti d’opposition, CDS-PP et d’anciens ministres des Finances, Ernâni Lopes et Bagão Félix. Ana Gonçalves, membre de l’Associação Portuguesa de Famílias Numerosas [associations pour les familles nombreuses] est convaincue que le ‘non’ doit l’emporter parce que « le Portugal est un pays pour la vie, qui doit protèger la vie ».

Une position ardemment combattue par le Planning familial portugaise ou l’Associação de Mulheres Juristas [associations des femmes juristes]. Le camp favorable à l’avortement peut compter sur les partis de gauche et le gouvernement de José Socrates. Dans un communiqué diffusé sur le site du PS portugais, celui-ci encourage les électeurs à voter pour une loi qui « permettra un nouveau consensus social, ou tous, de manière naturelle, pourront vivre avec leurs convictions, mais où chacun aura la liberté d’avoir sa propre vision du monde et de la vie ». Mais la bataille est loin d'être gagnée.

Avortement en Europe : où, quand, comment ?

Si la plupart des pays européens laissent aux femmes le choix d’avoir ou non un enfant, dans certaines limites, d’autres ont strictement limité l’IVG.

L’Irlande du Nord, le Portugal et l’Espagne ont légalisé l’avortement mais dans des conditions prévues par la loi : quand la grossesse représente un risque pour la santé psychologique de la mère ou en raison d’une malformation du foetus (Portugal et Espagne). La situation socio-économique des femmes peut en outre parfois jouer un rôle (Angleterre et Finlande).

Les législations polonaise et irlandaise sont les plus restrictives. L’IVG n’est autorisé que si la grossesse met en jeu la santé ou la vie de la mère ou lorsque la grossesse résulte d’un viol. (Pologne)

Ailleurs, le délai limite pour avorter est de 12 semaines. En Grande-Bretagne, l’IVG peut être pratiqué jusqu’à 24 semaine. En Suède, Hollande, Allemagne et Grèce, la date limite pour avorter peut être étendue à 18, 20 voire 24 semaines pour certaines situations. Dans ce cas, une justification médicale et des tests sont obligatoires.

Article écrit par Maria Kwiatkowska