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Pourquoi le mouvement des « indignés » ne prend pas en Belgique

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Bruxelles

Par Pauline Michel

Initialement lancé le 15 mai sur la Puerta del Sol de Madrid, le mouvement des indignés n'a cessé de prendre de l'ampleur dans les pays du sud de l'Europe. Le mouvement est très suivi principalement au Portugal, en Espagne, en Grèce et en Italie. Par contre, il peine à mobiliser en France, en Allemagne et chez nous, en Belgique.

Le 15 octobre, les marches de manifestation du mouvement avaient lieu un peu partout dans le monde mais à différents niveaux de participation. On dénombrait par exemple 600.000 personnes à Barcelone quand ils n'étaient que 3500 à Paris. Le même conclusion été faite le 11 novembre, deuxième journée mondiale des indignés. De manière générale, l'indignation est plus forte là où les effets de la crise se font le plus sentir, mais aussi principalement où la gauche nationale au pouvoir n'a pas pu répondre aux questions urgentes que cette crise pose.

Le mouvement ne prend pas en Belgique

A Bruxelles, entre 3000 et 7000 personnes, selon les sources, étaient dans les rues le 15 octobre à l'occasion de la journée mondiale des indignés. C'est une mobilisation modeste si l'on tient compte du nombre d'indignés étrangers venus rejoindre la capitale européenne pour l'occasion. Différentes explications peuvent être avancées.

Premièrement, la situation politique belge. Après de longs mois de blocage, la situation semble enfin avancer. Preuve que la démocratie, même si elle demande du temps, de la patience et des compromis, fonctionne. Autre point important, c'est le parti socialiste qui a partiellement dégager la voie pour les négociations, quand dans d'autres pays – principalement en Espagne et en Grèce- la gauche n'a pas pu remplir son rôle dans la crise et s'est en quelque sorte discréditée. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si au lendemain des élections du 20 novembre, toute la presse donne la droite largement en tête à Madrid. Troisièmement, la situation sociale en Belgique n'est certes pas idyllique, mais elle est de loin bien meilleure qu'en Espagne. En septembre 2011, le taux de chômage de la population active en Belgique s'élevait à 6,7% quand en Espagne il était de 22,6%. Si le chômage chez les moins de 25 ans monte jusqu'à 17,4% chez nous, il atteint encore 48% au pays de Zapatero ou encore 43,5% en Grèce.

Le système social belge, parmi les plus performants du monde, protège tant bien que mal les citoyens du plat pays contre les effets néfastes de la crise. Les allocations de chômage, familiales, les CPAS ( les centres publics d'action sociale, présents dans chaque commune), les mutuelles ou encore l'indexation des salaires sont autant des barrières de protection uniques qui jusqu'ici limitent le drame social.

La Belgique, initiatrice du dialogue social

Comme les mécanismes de protection sociale, les syndicats et les partis politiques ont des fondements très profonds dans l'histoire belge. Le pays s'est bâti sur ces piliers et les syndicats ont dès leur début mobilisé une large partie de la population.

Étant donné l'histoire de l'économie du pays, longtemps fondée sur l'industrie, les conditions de vie des ouvriers -entre autres- sont rapidement devenues problématiques. Pour pallier ces problèmes, et éviter que le mouvement et ses grèves n'empêchent toute évolution constructive ou financière, le dialogue social est devenu un mécanisme reconnu. Encore aujourd'hui, les commissions paritaires, les délégations syndicales, les commissions interprofessionnelles sont autant d'armes pour lutter contre la situation précaire des travailleurs. C'est pourquoi aujourd'hui encore, le soutien des syndicats aux revendications sociales limite l'influence que des mouvements sociaux tels que celui des indignés pourraient avoir.

L'épisode du campement belge

Une explication supplémentaire au peu d'attrait pour le mouvement est l'épisode du campement belge. La semaine précédant la manifestation du 15 octobre, le bourgmestre de Koekelberg, Philippe Pivin (MR) avait autorisé les indignés à occuper le rez-de-chaussée de la HUB (Hogeschool - Universiteit Brussel), inoccupée depuis peu. A la fin de la semaine, le bâtiment a été récupéré dans un état lamentable par les autorités. Des tags sur les huit étages que compte l'immeuble, des excréments, la bibliothèque ravagée, toutes sortes de manque de respect total qui coïncident très peu avec les idées pacifistes et positives que le mouvement souhaite véhiculer. Cet épisode n'a que très peu servi l'image des indignés en Belgique.

Une erreur de stratégie

Les raisons invoquées pour l'absence d'engouement en Belgique sont en grande partie valables pour la France et l'Allemagne. Mais une des explications les plus plausibles sur ce manque d'engagement réside dans l'absence de cohérence dans les revendications du mouvement. Celles-ci sont tellement floues et peu officielles qu'il est difficile de comprendre où le mouvement veut réellement arriver. En Espagne, les indignés demandent de l'emploi, en Grèce de l'espoir, en Israël des logements, aux Etats-Unis un moins grand monopole de la finance sur la politique et la vie sociale.

Les indignés ont du mal à parler d'une seule voix, ils ne sont pas visibles et ont donc des difficultés à se faire entendre. Ils prétendent représenter toutes les facettes de la société quand une étude démontre que les indignés se définissent en grande majorité de gauche. En refusant de rentrer dans le système politique, ils se décrédibilisent eux-mêmes . Comment prendre au sérieux un mouvement sans leader, sans image, sans revendications ? Les indignés critiquent la société actuelle sans y proposer d'alternative.