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Pour un petit tour de scrutin européen

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Strasbourg

Par Lucie Dupin

Il y avait un brin de soleil ce matin à Strasbourg sur les affiches électorales du bureau de vote de la place Broglie. Certaines s’étaient refait une petite beauté après les quelques traits de maquillage au feutre noir de ces derniers jours. Autour de la place, pas plus d’effervescence qu’un dimanche matin comme les autres. Est-ce un dimanche comme les autres ?

Comme celui que l’on commence par une petite baguette sous le bras et un passage au kiosque pour choisir sa lecture de la journée ? Comme celui que l’on commence tard après une grosse soirée ? Comme celui qui commence par une averse de pluie et préfigure le programme du jour ? Comme celui que l’on passe chez la grand-mère entre une tranche de gigot et un café-liqueur ? C’est un dimanche comme les autres, à ceci près que les autres dimanches électoraux, il faudra les attendre pendant cinq ans. Alors, tant qu’à faire, autant aller tamponner sa carte d’électeur pour les uns, et jouer à fond, jusqu’au dernier moment, la représentation ou la projection de la fonction présidentielle pour les autres. Et c’est bien ce qu’ont dû se dire les candidats à l’Elysée cette semaine. Trois d’entres eux occupent aussi le fauteuil bleu d’Eurodéputé. Pourtant, ils ont joué la carte de l’absence pendant la dernière session plénière strasbourgeoise. Pour la candidate FN et le candidat du Front de Gauche, cela aura été une absence de plus parmi d’autres en tant qu’eurodéputé. La candidate EELV n’est pas la plus présente de son groupe politique au Parlement européen, et cette absence à la session d’avril risque aussi de lui coûter quelque points négatifs en termes d'assiduité. Pour les habitués du jeu politique français, le siège d’Eurodéputé est presque vu comme un standby avant un retour sur la scène politique nationale. Alors qu’à l’inverse, dans les nouveaux pays de l’Union, il s’agirait d’un accélérateur de carrière sur la scène nationale.

D’une Révolution française à un « hyperprésident »

Délaisser une fonction d’Eurodéputé pour celle de Président, cela vient peut-être aussi de la pratique de la cinquième République. Le jeu électoral personnifie et renforce l’image du Président depuis son élection au suffrage universel direct, il y a 50 ans. Cette pratique de la cinquième fait régulièrement objet de débats pour les défenseurs d’une sixième République. Et si l’on se penche sur les systèmes politiques de nos voisins, il n’est pas toujours évident de retrouver une figure aussi centrale incarnée par un président lui-même. Une diversité de régimes politiques se côtoie en fait en Europe. Quand notre chef d’Etat a affaire à ses homologues européens, il se retrouve parfois en face de chefs de gouvernement. C’est le cas de la Chancelière allemande. Le président de la République fédérale d’Allemagne a des fonctions plutôt honorifiques et passe assez inaperçu. Sauf lors de démissions entachées de scandales politico-médiatiques. Ce fut le cas ces deux dernières années avec les départs successifs d’Horst Köhler et de Christian Wulff. De même, en Italie, la figure importante est le président du Conseil et non pas le président de la République italienne. Et si chez nous, une Révolution aura largement contribué à faire oublier la monarchie à la française, on n’y pense pas toujours, mais sept monarchies subsistent en Europe. La Belgique, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Espagne, la Suède, et le Royaume-Uni font partie des monarchies parlementaires de l’Union européenne. Les familles royales y restent très populaires malgré leur fonction là aussi représentative. Les réels pouvoirs reviennent à un premier ministre.

Vous avez dit sondage ?

Toujours est-il qu’à midi, les Français étaient 28,29 % à s’être rendus aux urnes, un peu moins nombreux qu’en 2007 (année exceptionnelle pour la participation à la mi-journée à 31,21%). Et rien ne semble ébranler l’intérêt des médias francophones pour les élections françaises, à en croire les débats autour de la publication des premières estimations avant 20h en Suisse et en Belgique. Mais lorsque les élections n’ont pas lieu dans ce nombril du monde à la Française, comment les médias dealent-ils avec les sondages dans leur propre pays ? En France, les sondages et la diffusion d’estimations du résultat des votes sont encadrés depuis 1977. Les sondages d'opinion ne sont plus diffusés 24h avant chaque tour de scrutin. La France ne fait pas exception en Europe, mais les règles divergent selon les pays. L'Espagne applique un embargo de cinq jours avant le scrutin. Durant cette période, aucun sondage ne peut être publié dans les médias. En République-Tchèque, c'est une semaine avant le scrutin. La législation italienne est l’une des plus restrictives puisque qu'aucun sondage n'est publié dans les deux semaines précédant le scrutin. A l'inverse, certains pays ont une plus grande liberté dans la diffusion des sondages. En Grande-Bretagne par exemple, la publication des sondages pré-électoraux ne fait l'objet d'aucune restriction. Les grands médias comme la BBC possèdent même leur charte interne concernant publication des sondages. En Suède et en Scandinavie, il n'existe pas de restriction formelle pour la publication de sondages électoraux. Pourtant, dans la pratique, les médias n'en publient pas la veille des élections. Et les premières estimations ne sont publiées qu'après la fermeture de tous les bureaux de vote.

Enfin, si les voisins s’intéressent à notre présidentielle, c’est aussi car des visions qui s’affrontent dans cette course au fauteuil, dépendra une partie de l’Europe. Les sociaux-démocrates en Grèce attendent par exemple de voir si un président à tendance gauche pourrait contraindre l’Union à revoir sa politique budgétaire et la règle d’or. Sans pour autant vraiment connaître nom et visage des challengers. Vu de l’extérieur, il est en fait plus facile de connaître l’image d’un président-candidat sortant, de celle de neuf autres, présents, pour la plupart, davantage sur la scène politique nationale.

Image : s.media / pixelio.de