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PIIGS : l'Europe n'est pas un abattoir

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Cécile Vergnat

Culture

[OPINION] Que s’est-il vraiment passé en Europe suite à la crise de 2008 ? Quelles ont été les conséquences des politiques de l’Union sur les pays qui ont le plus souffert de la crise ? Trois réalisateurs italiens ont tenté de répondre avec un film coup de poing consacré aux fameux PIIGS.

PIIGS – Ou comment j’ai appris à m’inquiéter et à combattre l’austérité est un documentaire indépendant réalisé par trois metteurs en scène italiens Adriano Cutraro, Federico Greco et Mirko Melchiorre. Le titre, à la fois captivant et provocateur, fait référence à la situation des pays européens qui ont le plus souffert de la crise de 2008 (PIIGS est l’acronyme de Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne, ndlr). L’acronyme est provocateur, il rappelle volontairement le mot anglais « pigs », porcs.

Un défi envers la pensée économique dominante

« Nous nous sommes engagés corps et âmes pendant plus de 5ans pour ce documentaire, précise Federico Greco. Ceci, pour faire passer un message important : il existe un autre système pour faire de la politique, un système qui est centré sur l’économie réelle et qui ne se contente pas de compromis avec les lobbies et les grandes banques d’investissement. Nous devons juste nous rendre compte qu’il est possible de changer de voie. » Le film est un véritable défi envers la pensée économique dominante en Europe. On y trouve ceux qui luttent et s’engagent civilement pour montrer qu’une Europe différente existe. Le film déroule son argumentaire à travers les interviews et les images de citoyens européens lambda qui font quotidiennement face aux pires difficultés.

D’illustres personnalités dans le domaine économique et littéraire ont participé au projet : du philosophe et linguiste Noam Chomsky, à l’ancien ministre grec des Finances Yanis Varoufakis, en passant par Stephanie Kelton conseillère de Bernie Sanders sur l'économie ou l’écrivain italien Erri De Luca. La voix off, quant à elle, est assurée par Claudio Santamaria, l'acteur italien du film On l'appelle Jeeg Robot pour lequel il a reçu un David di Donatello (équivalent du César du meilleur acteur en Italie, ndlr).

Le documentaire fait également apparaître des acteurs amateurs, en l’occurrence les travailleurs de la petite (mais grande) Coopérative Sociale de Monterotondo (dans la région de Rome, ndlr) qui s’occupe de la protection et de l’insertion professionnelle de personnes handicapées. « Nous avons choisi une réalité universelle, précisent les metteurs en scène, parce que l’expérience de la coopérative fait écho à de nombreuses autres réalités présentes en Europe. Le cinéma est un moyen de communication qui unit, nous voudrions qu’il en aille de même avec notre documentaire ». Selon les auteurs, la coopérative représente un modèle vertueux, indubitablement éloigné des jeux de pouvoir des mafias locales mais pas suffisamment soutenu au niveau financier, comme beaucoup d’autres entreprises et associations européennes. La Coopérative Sociale de Monterotondo n’est pas en mesure de s’assumer financièrement et, malgré un chiffre d’affaires annuel de deux millions d’euros, elle ne parvient pas à se libérer des problèmes budgétaires qui l’oppriment.

« Nous ne sommes pas des porcs »

Avec la crise de 2008, les gouvernements des pays qui ne respectent pas les mesures d’austérité dictées par l’Union européenne (le rapport dette/PIB qui ne dépasse pas 60% et le rapport déficit public/PIB inférieur à 3% annuel, ndlr) sont contraints d’effectuer des coupes budgétaires dans les secteurs publics de la santé, l’éducation et de confier des service d’assistance sociale à des organismes privés. « Ce documentaire est une dénonciation non conventionnelle de la mauvaise gestion administrative au niveau européen et national, expliquent les trois réalisateurs. Il n’est pas conventionnel parce qu’il s’oppose à l’information des médias traditionnels qui occultent souvent les vérités dérangeantes du système ».

PIIGS est un voyage dans l’Europe des contradictions, dans l’Europe qui entend réparer les dégâts occasionnés par l’économie réelle. Il entend dénoncer un système composé de femmes et d’hommes qui chaque jour doivent faire face à des problèmes financiers concrets et qui, la plupart du temps, ne parviennent pas à joindre les deux bouts. Dans une Europe à deux vitesses, la culture joue un rôle important : et c’est justement par le biais d’un produit culturel « qui explose comme une bombe médiatique » que les trois metteurs en scène veulent faire irruption dans le panorama européen afin d’éveiller les consciences. Fort d'un récit impitoyable et d'un montage frénétique, le docu-film PIIGS tente d’expliquer avec un langage simple ce qui se passe dans notre économie jusqu'au porte-feuille des citoyens européens.

La crise est un sujet d’actualité qui intéresse et intéressera chacun d’entre nous pendant les prochaines années à venir. Même si nous ne sommes pas en mesure de fournir des réponses immédiates pour la dépasser, nous ne sommes pas impuissants. Nous pouvons au contraire travailler main dans la main pour essayer de trouver des solutions. Le documentaire n’offre pas de remèdes à la crise. Mais il propose une réflexion sur certaine alternative comme la fameuse « croissance durable » qui tendrait non plus à satisfaire des mesures d’austérité, mais à soigner le bien-être du citoyen et de l’environnement. Sachez que certains y sont prêts car comme le dit le film : « Nous n’avons pas le sentiment d’être des porcs et nous avons hâte de le démontrer ».

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Voir : PIIGS – Ou comment j’ai appris à m’inquiéter et à combattre l’austérité (en salles le 27 avril)

Translated from PIIGS: perchè l'Unione non è un mattatoio