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Phoenix : l'expat touch

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Culture

Le groupe pop-rock français est sur le point de sortir Bankrupt! prévu pour le 23 avril. Attendu par les fans comme les birders attendent l’oiseau-lyre, ce cinquième album illustre et parachève à la perfection l’ascension foudroyante d’une bande de 4 potes assez fantastiques. Reste toutefois à savoir si Phoenix aussi peut se brûler les ailes.

On se demande bien comment aujourd’hui des aspérités puissent encore naître de la nasse de l’industrie musicale qui semble, à mesure que la musique se pixellise, nous bourrer le mou avec de plus en plus projets marquetés. On l’a dit, l’issue au clic frénétique sur YouTube pour éviter d’écouter « le son de la journée » se trouve dans les vieux pots. Si le son de la guitare des vieux a quelque fois un goût d’aubépine, il a au moins le mérite de concentrer l’attention des grands et des petits sur un album entier.

« Le meilleur groupe français du monde à l’étranger »

Pourtant, il arrive aussi que des groupes sans rides contraignent l’auditeur à l’intérêt et par la même à l’empêcher de s’empiffrer de mélodies lasses, fatalement destinées à garnir la bande-son des émissions de prime-time. C’est le cas de Phoenix. Formé dans un lycée français au milieu des années 90, Phoenix est un groupe qui dure. Près de 20 ans après sa naissance, le groupe français sort son cinquième album, Bankrupt!, le 23 avril prochain et prépare logiquement une tournée internationale entre le Far-West, l’Allemagne, l’Angleterre, le Portugal et la France.

En bas : Thomas Mars et Christian Mazzalai.Depuis la sortie de leur premier album, United, en 2000, on peut même carrément affirmer que Phoenix est un groupe qui monte. En l’espace d’une dizaine d’années, les quatre membres de la formation - Thomas Mars, Laurent Brancowitz, Deck D'Arcy et Christian Mazzalai - se sont vus attribuer un Grammy Award en 2010 (distinction très rare pour un groupe de rock français) ainsi que le sûr-nom de « meilleur groupe français du monde à l’étranger ».

Oui, car un peu comme le prestidigitateur David Jones, Julie Delpy ou le Commandant Cousteau avant eux, Phoenix a d’abord cartonné hors de l’Hexagone. Pendant que la mère Michel boudait les productions des Versaillais (commune de la région Ile de France, ndlr), le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Suède en faisait les porte-étendards d’une French Touch retrouvée après les avances de Air et de Daft Punk. Il aura fallu attendre leur quatrième (et peut être moins bon) album, Wolfgang Amadeus Phoenix, pour que les Français deviennent prophètes en leur pays. Qu’importe. Pendant que la métropole s’entiche de Damien Saez et autres révoltés frelatés, les Frenchies font suer l’Amérique, s’y installent. Et Phoenix de passer comme par miracle de la salle des fêtes de Ramonville au Madison Square Garden de New York.

La vérité c’est que les trompettes de la renommée jouent parfois à l’envers. Après leur dépucelage dans le landerneau de la musique versaillaise et tout ce qu’elle comporte de stars branchouilles (Daft Punk, Sébastien Tellier et Air qu’ils ont accompagnés sur scène à leur début), Phoenix produit ce qui se fait de mieux dans la France pop-rock des années 2000. Le premier opus, United - acclamé par la critique, incompris par le public - reste encore aujourd’hui le meilleur album du groupe. Bien poli par les musiciens invités comme Camille Bazbaz, Thomas Banglater (moitié de Daft Punk) ou le fidèle Philippe Zdar (moitié de Cassius qui continue à produire leurs albums), le disque sera surtout porté par deux singles, « If I Ever Feel Better » et « Too Young » que Sofia Copolla (la copine du chanteur, Thomas Mars) utilisera dans son film, Lost In Translation.

Énorme écho au Royaume-Uni. Pinuts en France. Rien de grave, Phoenix se repose sur son crédit à l’international et revient 4 ans après avec Alphabetical, toujours arrangé par des musiciens de talent style Christophe Chassol. Verdict : 41ème place dans les charts français, 4ème en Norvège et 11ème en Suède. La Suède qui portera en triomphe le troisième album du groupe, It’s Never Been Like That, sorti en 2006. Mais c’est bel et bien 3 ans après que le groupe préféré des étrangers séduit enfin son public à domicile avec leur quatrième production originale. Au départ, il y a une idée qui en 2009 sonne encore comme un truc révolutionnaire. Philippe Zdar et le reste de la bande décident de donner en pâture le premier titre de Wolfgang Amadeus Phoenix. Intitulé « 1901 », le morceau sera disponible en téléchargement gratuit sur le Net et caracole illico en tête du classement Billboard aux États-Unis.

Leak my beat

En France, Phoenix gagne enfin la reconnaissance du public. Et c’est animé d’une aura digne d’un oiseau rare que le groupe va construire une imagerie quasi-my(s)thique dont le silence et l’absence totale d’activité s’apprécie, chez le public, moins avec agacement qu’avec classe. La pré-promotion de Bankrupt! s’est en tout les cas déroulée dans le mystère et la boule de gomme. Phoenix joue la cabale, publie des messages incompréhensibles ou des vidéos épileptiques sur son site pour finalement lâcher une pochette au design dégueulasse suivie d’un premier single - « Entertainment » - qui fleure le running-gag. Seulement voilà, à vouloir jongler avec la vanne, la bande prend l’eau. L’album fuite et l’intégralité du disque se retrouve en orbite sur Internet. Reste ce qu’il contient à savoir de très bons morceaux et un accent grave apposé sur une époque très pop-machine, qui préfère utiliser une boite à rythme plutôt qu’une batterie. Mais quelque part, ici, les 10 morceaux que comporte Bankrupt! importent peu. Parlons plutôt d’un groupe qui a passé la moitié de sa vie à dessiner un service après-vente et qui désormais n’a besoin que d’un ananas et d’une pêche pour vendre du rêve. Finalement, c’est peut être ça devenir « le meilleur groupe français du monde tout court ».

Story by

Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.