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Petit conte moderne de Noël

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Camilla travaille sur un marché de Noël, en Allemagne, pour se payer une année d’étude à l’étranger. Mais, vu de son cabanon, les fêtes perdent de leur splendeur !

« Alléluia ! Les marchés de Noël sont là ! Comme tous les ans, Noël est un 25 décembre, ils ont donné l’assaut sur les villes allemandes à coups de bibelots et de fanfreluches, de jouets en bois et de nains de jardin fumant leurs pipes au pied des grands sapins verts.

(Photo: ©le méchant garçon/flickr)

Même les microscopiques, comme Nephten, ma ville. C’est un village du sud de la Westphalie, non loin de Siegen. Je suis une étudiante de 23 ans. Pour m’installer à Londres dès l’automne prochain, et y passer un master, j’ai besoin d’argent. De beaucoup d’argent !

Voilà pourquoi je bosse depuis une semaine à Siegen sur le marché de Noël où je tiens un stand. Sept jours par semaine, neuf heures par jour, quelle que soit la météo ! Dans le froid intense et persistant, qu’il pleuve ou qu’il vente, qu’il neige ou qu’il grêle, je reste là, dans ma petite cabane, assise sur mon tabouret, un réchaud électrique posé à mes pieds, luttant stoïquement contre l’hypothermie au milieu des peluches et des breloques.

(Photo: ©Tim Ellis/flickr)

Quel pied !

Assurément, ces objets sont de bien belles choses mais si onéreuses que personne, ou presque, ne les achète. Peu à peu gagnée par l’ennui, je m’occupe derrière mon comptoir en tricotant des chaussettes. Pour l’instant, ce sont les seules étrennes que je puisse offrir. Cependant, il faut bien avouer qu’on ne va pas bien vite avec les mains gelées. Ce qui n’a pas échappé à la retraitée qui, m’observant depuis un bon moment, m’apostrophe en se plantant devant moi : « A ce train-là, t’es pas rendue ! T’es débutante ou quoi ? ! »

Alors qu’elle me braille dans les oreilles, une autre femme entre deux âges, désigne le tas de peluches autour de moi et bêle à sa copine : « Non mais regarde moi çà !… Qu’est-ce que c’est kitsch ! Comment peut-on vendre des trucs aussi ringards ?! » Des ados qui traînent par là s’exclament : « C’est trop ! Tu l’as vue ? J’hallucine !…. Et en plus elle tricote…. »

Quelle solidarité ! Parfois, la sagacité des badauds n’en finit pas de me surprendre : « On voit à vous regarder que vous devez avoir réellement froid » m’interpelle une autre promeneuse compatissante. Elle tourne les talons et je l’entends poursuivre : « Faut vraiment être paumée pour devoir de faire un boulot pareil ! »

Peut-être, s’imaginent-elle que je passe l’année dans cette échoppe ou bien qu’une fois la saison terminée, je regagne une forêt profonde peuplée de vendeurs de jouets en bois affamés, attendant désespérément Noël prochain.

Laissez venir à moi les petits enfants !

Quand j’en ai marre de lire ou de tricoter, j’observe ce qui se passe autour de moi, dans la rue ou sur les autres points de vente. Dans un stand en face du mien est organisé pour les chères petites têtes blondes, une sorte de mini ‘Trivial Pursuit’ dans la catégorie ‘Enfance du Christ.

Comme tous les soirs, de la musique se déverse à fond la caisse en se répandant jusqu’à mes oreilles. Même ‘en live’, je m’efforce de ne pas l’entendre ! J’essaie vaillamment de me concentrer sur mes mailles en dégustant des amandes grillées. Peine perdue.

Une crèche vivante(Photo: ©Stuck in Customs/flickr)

Un bon verre de vin chaud

Il est maintenant six heures moins le quart. Plus que deux heures à tirer. Sautillant à pieds joints et malgré l’agitation de mes aiguilles, je ne sens plus ni l’extrémité de mes doigts, ni le bout de mes pieds. A cette heure, on voit de plus en plus de gens passer un verre de vin chaud à la main. Je ne vais pas tarder à rentrer dans mon ‘home sweet home’, et demain tout recommencera. Je m’asssirai au même endroit. Et puis après-demain…. Pour ensuite m’envoler pour Londres ! Je m’en réjouis déjà. Alléluia ! »

Photos: ©Leméchantgarçon/flickr; Weihnachtsmarkt ©Tim Ellis/flickr; Mitleidender ©Hubert Grüner/istock; Krippenspiel ©Stuck in Customs/flickr

Translated from 'Alle Jahre wieder'