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Panama Papers : le Royaume désuni

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Annick Eiselé

Politique

[OPINION] Les fuites concernant les Panama Papers n'ont pas épargné le Royaume-Uni. Le défunt père du premier ministre - Ian Cameron - figurait parmi les personnes nommées dans le document. Le 7 avril, David Cameron a admis avoir bénéficié de la fiducie offshore de son père. Est-ce un scoop ?  Sans aucun doute. Est-ce choquant ? Pas vraiment...

« L'évasion fiscale n'est pas seulement illégale, c'est immoral. Ceux qui fraudent le fisc devraient être traitées de la même manière que de banals voleurs. »

Je n'aurais pas pu exprimer cela d'une meilleure façon, ce qui rend encore plus surprenant le fait que j'ai emprunté ces mots au chancelier de l'Échiquier (équivalent du ministre des Finances, ndlr) George Osborne. Malheureusement, George Osborne a tweetté cette phrase il y 18 mois et pas maintenant après que son meilleur pote David Cameron a été impliqué dans l'affaire en début de semaine dernière. Depuis, « dans un souci de transparence », les deux amis ont publié leurs déclarations de revenus.

Si Boris Johnson était un trader

Je fais bien-sûr référence aux Panama Papers. Les 11,5 millions de documents qui ont fuité ont mis à jour des milliers de sociétés offshore étabies pour que les riches et les puissants puissent garder leur argent à l'abris du percepteur. Un grand nombre de politiciens en vue, dont Vladimir Poutine, David Cameron, le premier ministre islandais Gunnlaugsson et le président ukrainien Porochenko ont été liés au paradis fiscaux offshore.

L'affaire des Panama Papers nous étonne-t-elle vraiment ? Je sais qu'il est utile que ces choses soient confirmées de temps en temps, mais, au fond, ne savait-on pas déjà ce qu'il se passait ? Beaucoup de gens riches remuent ciel et terre pour mettre leur argent à l'abri. Dieu les garde de donner un coup de main et de payer leur juste part à la société. Qu'y-a-t-il donc de nouveau sous le soleil ?

Cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas être scandalisés. La fuite des Panama Papers est la preuve la plus récente du fait que nous vivons dans une société composée de deux groupes soumis à des règles différentes.  

Si tu es un ministre du Parti conservateur et que tu fraudes avec l'argent public, tu n'es même pas tenu de repayer la majorité de la somme que tu as volé et tu t'en tires avec une tape sur la main. Si tu n'appartiens pas à l'élite et que tu fais la même chose, tu risques une peine de prison pouvant aller jusqu'à dix ans

Le 7 avril dernier, David Cameron a admis avoir bénéficié de la fiducie offshore de son père. Pourtant, hormis un bref hashtag sur Twitter, personne ne semble le pousser à démissionner de ses fonctions. Comment se fait-il que l'on soit naturellement suspicieux des personnes dans les échelons inférieurs de la société, tandis que l'on semble se voiler la face quand cela concerne ceux en haut de l'échelle ?  

Est-ce parce que nous pensons que l'élite a obtenu sa place en haut grâce au mérite ? C'est peu probable, étant donné que la Grande-Bretagne possède l'une des mobilité sociale les plus basses du monde développé. Dans un monde d'égalité des chances, le maire de Londres Boris Johnson aurait pu devenir trader sur les marchés - et il aurait même été très bon dans ce travail - mais il ne serait certainement pas devenu un futur premier ministre potentiel.  

Le contraste entre ces deux groupes au Royaume-Uni n'a jamais été aussi net. À une époque à laquelle ceux en bas de l'échelle doivent compter chaque sous, ceux assis sur les barreaux supérieurs accumulent de plus en plus et font tout leur possible pour ne pas partager leurs gains avec les autres.  

Les Conservateurs, qui se sont eux-mêmes appelés « le parti pour les travailleurs » lors de la dernière compagne électorale, n'ont pas honte de donner autant aux 20% des plus riches de Grande-Bretagne qu'au 20% les plus pauvre. 

Nowhere Fast

En 2016, en Grande-Bretagne, c'est tous les jours Noël pour les riches. Ils reçoivent des cadeaux dont ils n'ont pas besoin de la part de personnes qui peuvent à peine s'offrir les produits de première nécessité.  

Dans la nouvelle normalité, on pense de suite que tu es un « beauf » ou un « parasite » si tu as besoin d'une aide de l'État pour subvenir à tes besoin. Les autorités t'obligent à déplacer montagnes après montagnes afin de s'assurer que « tu mérites tes aides ». La traduction des paroles des Smiths « Les pauvres et les nécessiteux sont égoïstes et avares » est particulièrement puissante en raison de son absurdité intrasèque. Pourtant, d'une certaine manière, c'est devenu le mantra de la société moderne. 

C'est une réalité infâme dans laquelle on assume que les gens qui ont des difficultés à joindre les deux bouts galèrent en raison de leurs propres choix de vie. Un exemple flagrant de cette « diabolisation de la classe ouvrière » – terme du journaliste Owen Jones – est une mesure que Iain Duncan Smith voulait introduire en 2014. L'ancien secrétaire d'État au Travail et aux Retraites – qui a récemment donné sa démission en raison de ce qu'il estimait être une réduction injuste des aides pour les personnes handicapées – voulait que les personnes percevant des aides reçoivent leur paiements sur des « smart cards ». Cela veut dire qu'ils auraient uniquement pu dépenser leur argent pour acheter de la nourriture et d'autre produits essentiels dans un nombre de magasins limités. 

Cette idée était tellement condescendante que Duncan Smith a dû renoncer au projet. Néanmoins, cela montre bien la façon de penser des Conservateurs : si tu vis des aides sociales, tu es probablement alcoolique ou accroc aux jeux d'argent. 

Quelles différence avec le haut de la société où un tel examen à la loupe n'existe pas. Même si l'évasion fiscale coûte au Trésor public 70 fois plus que la fraude aux aides sociales, on pointe toujours du doigts les personnes touchés par des coupures budgétaires.  

On connaît désormais la raison. Les Cameron n'ont pas juste profiter de niches fiscales, le chef des Conservateurs est aussi intervenu personnellement afin de s'assurer que l'UE ne s'attaque pas à ces fiducies offshore. C'est un abus de pouvoir flagrant au service d'intérêts personnels. 

Est-ce un scoop ? Certainement ? Est-ce choquant ? Pas vraiment. Ce qui est choquant, c'est que apporte le nombre d'hitoires de ce type qui sont mises à jour, rien ne semble jamais changer. Nous continuons à voter pour les même personnes, ou nous restons à la maison les jours d'élections parce que de toute façon qu'est-ce que ça change. Lorsque les élections arrivent, tout est pardonné ou, plus problement, oublié et le cirque se remet en marche.

Gardez votre colère pour les élections. 

Translated from Panama Papers: a tale of two Britains