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Nos voisins nous ont à l’oeil

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En février dernier, le site du quotidien Libération et cafebabel.com lançaient un blog sur lequel des journalistes européens donnent leur avis sur la campagne électorale française. Florilège.

« Il y a quelques semaines, j’ai croisé Jacques Chirac à Paris. Je profite de cet hasard pour l’interpeller : ‘Est-ce que vous allez au tribunal après votre mandat pour clarifier votre rôle concernant les emplois fictifs ?’ Je n’ai guère prononcé la phrase, qu’un policier en civil m’a bâillonné direct, quatre flics m’emportant en courant. Puis la fouille et des propos genre : ‘Rentre chez toi si tu n’es pas content’. On a du mal ici à critiquer les hommes au pouvoir en France. »

L'anecdote est signée Tobias Troll, journaliste allemand de 32 ans, participant au blog ‘Les Européens nous ont ont à l’oeil’, lancé en février dernier en partenariat avec cafebabel.com sur le site du quotidien français liberation.fr. L’idée ? Que des jeunes journalistes européens donnent leur avis sur la campagne présidentielle française. L’initiative a permis de mettre en relief les points communs et les originalités de la politique française par rapport à celle de ses voisins de l’Union.

Les acteurs principaux

Ségolène Royal parviendra-t-elle à créer la surprise comme l’actuel Premier ministre José Luis Zapatero l’avait fait en 2004 en Espagne ? Pour le journaliste catalan Alex Vicente, 26 ans, ces leaders socialistes sont les « chefs de file d’une nouvelle génération politique, ils affichent la volonté d’accepter le libéralisme en corrigeant ses dysfonctions au travers du pacte social-démocrate, de transformer leurs partis sans renier la foi socialiste et de concilier ce renouveau avec la vieille garde de leur formation. »

Sur ce dernier point, la pigiste berlinoise Anna Karla, 24 ans, n’est pas d’accord : à ses yeux, Ségolène Royal « n’écoute plus les ‘vieux éléphants’ du parti socialiste », contrairement à la Chancelière Angela Merkel, « une femme entourée par beaucoup des hommes politiques dans son ombre ».

D’un bout à l’autre du Vieux Continent, la percée du centriste François Bayrou surprend : impossible d’imaginer cela en Espagne, où le centre ne s’est imposé qu’après la mort du dictateur Franco, « quand la transition démocratique obligeait au rassemblement gauche-droite » pour assurer la cohésion du pays. Alex Vicente émet d'ailleurs des doutes quant au profil anti-système de l’étoile centriste française, « ex-ministre des conservateurs Edouard Balladur et Alain Juppé. Comment a-t-il tardé autant à découvrir que le système bipolaire ne fonctionnait plus ? », écrit-il notamment.

Adriano Farano, journaliste italien de 27 ans, compare lui la stratégie de Bayrou à celle de l’actuel Premier ministre italien, Romano Prodi. « Tous les deux sont issus de la mouvance démocrate-chrétienne, ils sont décidément pro-européens et ils ont su regarder au-delà des clivages politiques traditionnels. » « Mais », ajoute le blogueur, « le parallèle s'arrête là : si Prodi gouverne avec l’appui de la droite, Bayrou, lui, gouvernerait ‘avec les meilleurs des deux camps’ ».

Les propositions

« En Italie, on imagine mal Piero Angela ou Sveva Sagramola, présentateurs d’émissions sur l’environnement, lancer une initiative d’envergure pour sensibiliser les hommes politiques aux destinées de la planète Terre, comme le fait Nicolas Hulot, animateur français d’Ushuaïa, pour placer l’écologie au cœur de la campagne, » fait par ailleurs remarquer Farano.

Tobias Troll, lui, salue la proposition de la socialiste Ségolène Royal visant à rendre la maternelle obligatoire, alors qu’en Allemagne « un front de machos vieillissants attaque actuellement la ministre de la Famille qui tente de créer un demi million de places en crèche d’ici 2013. Voilà pourquoi le taux de natalité est si élevé en France et si bas en Allemagne », conclut-il.

Quant à la proposition de François Bayrou de supprimer l’ENA, la très élitiste Ecole Nationale d'Administration où est formée la majorité des personnalités politiques de l’Hexagone, elle suscite l’intérêt d’Anna Karla. Sur le libéblog, celle-ci relève la phrase lancée par le candidat UDF ‘ J'aime bien l'Allemagne parce que c'est un pays où on peut commencer ouvrier et finir PDG’, en ajoutant que le Chancelier allemand Gerhard Schröder avait lui-même été ouvrier en bâtiment dans sa jeunesse.

Nicolas Sarkozy qui caracole en tête des sondages, est celui des candidats qui s’attire les critiques les plus virulentes. Alex Vicente le taxe de « machiste » pour avoir qualifié sa rivale socialiste Ségolène Royal d’ « hystérique ». Les insultes échangées par les candidats n’impressionnent pourtant pas Adriano Farano : comparés au ‘coglioni’ [couillons] employé par Berlusconi pour désigner les électeurs de Romano Prodi, les « menteur » et autres « fraudeur » lancés par les candidats français font pâle figure.

Tobias Troll déplore que le candidat de droite souhaite accroître les pouvoirs du chef de l’Etat français alors que « les Allemands ne connaissent que les élections parlementaires et très peu leur président, dénué de tous pouvoirs ». Pour autant, sa compatriote Anna Karla souligne que son discours est peut-être résolument de droite mais «que ce n’est peut-être pas le plus mauvais effet si ses paroles mènent à l’UMP des électeurs qui auraient voté Front National ». Aux yeux des Allemands, il semble essentiel d’éviter en France des extrémismes qui constituent « une peur assez récente et productive de l’actualité électorale française », avance-t-elle.

Ce qui surprend le plus les Européens bloggueurs au fil de cette campagne, c’est le nationalisme empreint de chauvinisme du discours des candidats français. Entonner la Marseillaise lors des meetings électoraux ou parler de la langue française comme d’une « façon d’être et une façon de penser » est pour Tobias Troll bien loin du « concept de patriotisme constitutionnel, qui serait l’identification d’un citoyen actif avec les valeurs, les institutions et les procédures démocratiques d’un système politique ». La théorie imaginée par le penseur allemand Jürgen Habermas avait été notamment reprise par le dirigeant espagnol Rodríguez Zapatero.

Crédit photos : cafebabel.com

Translated from Francia: te tenemos fichada