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Naples et le tourisme : la cité de la peur ?

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Imaginez une belle ville à la météo parfaite. Saupoudrez-la des plus grandes œuvres de la Renaissance italienne et de monuments romains et chrétiens. Mettez cette ville sur la Méditerranée. Sans oublier la gastronomie la plus populaire. Remplissez-la de prix abordables et de gens accueillants. Une destination touristique de première classe mondiale, pas vrai ? Détrompez-vous.

Prendre le train reliant Naples à Pompéi est une expérience digne d’un autre siècle. Les frêles wagons errent le long des plaines désolées et traversent des villes sans âmes, vers l’une des ruines les mieux préservées de l’ère romaine : Pompéi. Les gens transpirent. L’air conditionné ne fonctionne pas. Rien à voir avec les autres expériences touristiques en Europe, que ce soit à Londres ou à Barcelone.

« De nombreux touristes ne veulent pas prendre le train », déclare Federica Rubino, la coordinatrice de séjour touristique au terminal de croisière du port de Naples, « c’est très lent, et ça semble vieux et dangereux. Ils préfèrent louer un bus. C’est une question d’image, le gouvernement se fiche des détails ».

Mme Rubino espère un jour travailler comme guide touristique à Naples, en Italie. Elle œuvre dans l’industrie du tourisme depuis trois ans. Elle a travaillé gratuitement à la réception des hôtels avant d’obtenir un emploi salarié. Son été, elle l’a passé dans le port de la ville, le deuxième le plus fréquenté au monde après Hong Kong.

« Il est presque impossible de travailler comme guide touristique pendant l’hiver, c’est pourquoi j’étudie afin de devenir traductrice », explique Mme Rubino. « Il y avait un examen pour être guide touristique tous les trois ou quatre ans, mais dorénavant il faut attendre au moins sept ans. Le gouvernement a réduit le budget en raison de la crise », ajoute-t-elle. 

46% des 15-24 ans de Naples, la capitale de la région de Campanie, sont actuellement sans emploi. Les taux élevés du chômage sont endémiques dans le sud du pays, qui a également perdu une partie de sa population, partie émigrer au nord et dans le reste de l’Europe depuis 1971

Claudio Todisco, le gérant du stand d’information touristique locale InfoPoint, estime que « le problème est politique ». Pour Mr Todisco, « les ressources historiques, culturelles, naturelles et celles relatives à la plage devraient pouvoir employer des jeunes », mais ils préfèrent recourir « sans cesse à des stagiaires, qui ne sont généralement pas payés ». « C’est incroyable que des étudiants, tout juste sortis de l’université, et qui parlent plusieurs langues, soient au chômage », conclut-il.

« Une mauvaise image »

Naples est un assortiment de rues étroites, d’exquises sculptures de la Renaissance, d’anciennes églises, de panoramas stupéfiants, et d’une gastronomie universellement acclamée. Ici, vous pourrez ainsi trouver le fameux Christ Voilé de Sammartino, des catacombes paléochrétiennes et découvrir le berceau de la pizza et des sfogliatella.

Et pourtant, le tourisme napolitain est à la traîne. « Naples possède la culture et l’art. C’est une ville superbe. La météo y est agréable et la gastronomie est merveilleuse, mais l’industrie touristique n’a pas autant de réussite qu’elle le devrait », soupire Nicolino Castiello, président du cursus de tourisme à l’université Federico II. 

Il explique que le tourisme « est méprisé depuis des décennies dans le sud, faisant le pari du développement industriel, qui a par la suite été touché par la crise ». Pour Mr Castiello, les problèmes principaux auxquels la ville doit faire face sont « l’industrie hospitalière non structurée, la mauvaise gestion politique, la délinquance et une mauvaise image ».

Le professeur Castiello explique que « la plupart des touristes qui arrivent en ville se tournent immédiatement vers d’autres destinations ». Federica Rubino confirme que « presque tous nos clients se dirigent directement vers Pompéi ou la côte amalfitaine. J’ignore pourquoi personne ne reste en ville ».

Les destinations de plage comme celles de Sorrento, Capri et Amalfi sont auto-suffisantes en termes de ressources humaines. « Ils ont assez de travailleurs locaux pour faire face à la demande, de sorte que Naples ne bénéficie pas du tourisme, sauf pour quelques tours opérateurs et les guides touristiques de Pompéi », nous dit Ettore Cucari, président de Fiavet Campania-Basilicata, la branche régionale de la Fédération Italienne des Associations des Sociétés de Voyage et de Tourisme.

L’ombre du danger

L’image que dégage la ville n’aide pas non plus. Les médias dépeignent un portrait peu flatteur de Naples, la présentant comme une ville dangereuse. Christopher Prentice, l’ambassadeur de Grande-Bretagne en Italie, a ainsi dénoncé en août le taux élevé de criminalité envers les touristes de la ville.

Nino Daniele, conseiller du maire de Naples, a répliqué dans un entretien donné au Napoli Today que Naples n’est pas « l’une des villes les plus dangereuses du monde », mais « Londres l’est ».

Une déclaration qu’approuve le professeur Castiello. « Il est évident qu’il y a un problème avec le crime organisé et la délinquance, mais le risque n’est pas si important envers les touristes », explique-t-il. Cela  s’ajoute à un problème « d’hospitalité et de transports de la ville », ce qui rend la ville peu attractive.

« Le tourisme napolitain retrouve un second souffle, mais nous reprenons seulement ce que nous avions perdu les années précédentes. Alors que le reste du monde avance avec des taux de 6 ou 7%, nous n’en sommes qu’à 0,01%. Ceci amène davantage de jeunes à se tourner vers l’étranger ou le crime », conclut Castiello.

La réponse de la société civile

Pour briser ce cercle, la société civile napolitaine se tourne vers le travail autonome et la coopération. « Les associations travaillent très dur pour améliorer l’industrie touristique de la ville », nous dit Daniela Ruggiero, qui dirige l’association culturelle TECLA, qui aide à ouvrir son propre Bed&Breakfast.

TECLA est responsable, avec d’autres organisations, du nettoyage d’une partie de la ville, de parcours de kayak le long des côtes et de soutien aux jeunes sans emplois grâce à des cours de langues.

La ville compte de nombreux groupes auto-organisés. L’un d’entre eux est l’Association Gaiola, qui a mis en place et entretient une réserve naturelle aquatique, qui peut être visitée en bateau ou lors d’excursions de plongée. Une autre association est la Napoli Sotteranea (Naples Souterrain, ndt), qui prend soin des kilomètres de tunnels sous le centre de la ville, ainsi que des restes romains et grecs.

« Nous ne recevons pas d’aide de la part du gouvernement ou de l’hôtel de ville », explique l’un des guides bénévoles de Naples Souterrain, qui préfère garder l’anonymat. « Nous nous autofinançons, et devons couvrir toutes les dépenses ainsi que la maintenance des tunnels grâce aux prix d’entrée. »

A côté des champs, le train flâne entre la capitale sudiste et les ruines de Pompéi. Le soleil brille et Federica Rubino accueille davantage de touristes au port et les emmène hors de Pompéi à bord d’un bus plus rapide et à air conditionné.

Naples, la lanterne rouge du sud, est un bijou oublié. Un bijou ombragé, parfois inconfortable, mais doté d’une histoire unique. Mais alors que la région est étouffée par les effets de la crise, de plus en plus de passagers prennent un bus pour Pompéi, dès leur arrivée au port. Et ne veulent toujours pas prendre le train.

L’auteur et l’équipe Cafébabel voudraient remercier Cafébabel Napoli, en particulier Thai et Valerio pour leur aide.

Cet ar­ticle fait par­tie d'une édi­tion spé­ciale dé­diée à Naples et réa­li­sée dans le cadre du pro­jet Eu In Mo­tion lancé par ca­fé­ba­bel avec le sou­tien du par­le­ment eu­ro­péen et la fon­da­tion hip­po­crène. Retrouvez bien­tôt, tous les ar­ticles en cou­ver­ture du ma­ga­zine.

Translated from Slow Train: Naples’ Struggle to Fulfill its Potential as a World-Class Tourist Destination