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Mustafa Nano : «L'Albanie dans l'UE ? Dans 15 ans!»

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Default profile picture Gilles Pansu

BrunchSociété

Nano, journaliste de 40 ans, vit et travaille à Tirana. Dans ses éditos, il n’hésite pas à critiquer la classe politique de son pays et les médias soumis au pouvoir. Rencontre.

Un pays semble avoir disparu de la scène internationale. Un pays qui pourtant se trouve juste aux portes de l'Union européenne. Tirana est à moins d'une heure d'avion de Rome. L'Albanie, et ses bateaux chargés de migrants, après avoir été pendant des années au cœur de l'actualité italienne, semble depuis quelques temps avoir été oubliée.

(GR)Mustafa Nano, qui me parle de l'Albanie d'aujourd'hui, est un des plus importants journalistes indépendants du pays. Né à Durazzo en 1960, diplômé en ingénierie électronique, il a travaillé pour Telekom Serbia jusqu'en 1992. Ensuite il a participé à la fondation du parti démocratique de Sali Berisha. Désormais, il est politologue et a travaillé pour différents journaux, parmi lesquels Shekulli, Corrieri et Klan. Il est actuellement éditorialiste pour Gazeta-shqip.

Nano est une des rares voix indépendantes du pays et critiques à l'égard de la classe dirigeante albanaise. Nous nous sommes rencontrés à Torino Spiritualità, une manifestation sponsorisée par la capitale piémontaise, dans le but de favoriser une approche plus émotionnelle des petits et grands dilemmes de la vie quotidienne. Le leitmotiv de l'édition 2008 était l'espérance. Qui mieux que Nano pouvait montrer l'espérance d'un pays comme l'Albanie, en pleine agitation sociale et qui s'offre au regard de l'Europe ?

« Cela fait désormais presque vingt ans, depuis 1990, que l'Albanie est sortie du communisme. Bien des choses ont changé depuis. La situation s'est améliorée plus vite que ce qu'on pouvait imaginer, surtout depuis la crise économique de 1996. » Mustafa Nano commence par rappeler toutes les époques que son pays a traversées, de la chute du régime communiste de Hoxa, en passant par la crise financière de 1996, jusqu'à la stabilisation économique, politique et sociale de ces dernières années. Un pays qui a vécu l'expérience terrible de cinquante ans de communisme et qui maintenant, après presque vingt ans de transition, n'est pas encore parvenu à se libérer du souvenir d'un passé encore trop encombrant.

Démocratie en voie de développement

D'après Nano, la classe politique et la situation des médias albanais empêchent le pays de renforcer un système démocratique stable. « Les conséquences de l'absence totale de principes méritocratiques dans l'attribution des charges publiques, sont visibles aux yeux de tous ». Il ajoute, en agitant son stylo : « L'establishment politique est entouré d'un réseau clientéliste dense qui va du monde des affaires à celui des médias. »

La classe politique semble immunisée contre toute attaque, qu'elle soit judiciaire ou médiatique. Elle fait bloc, derrière le bouclier que constituent les médias, directement contrôlés, et se perpétue ainsi depuis presque vingt ans. De l'autre côté, Nano observe une presse albanaise passive et sous l'emprise du pouvoir politique, dont elle devrait être le chien de garde. Les médias albanais déversent dans la presse ou les journaux télévisés des nouvelles inutiles et loin des réalités quotidiennes. « Les Albanais ont soif d'informations authentiques, et au lieu de cela, les médias nationaux n'offrent que l'agenda politique officiel. » L'espace pour une information libre et indépendante est réduit, mais est surtout victime de fortes pressions de la part du monde politique.

Bruxelles et Tirana : quinze ans de relations distantes

L'Union européenne a engagé récemment des négociations avec le gouvernement de Tirana en vue d'un futur élargissement dans la région des Balkans. Mais alors qu'on parle de 2012 pour la Croatie, aucune date n'est encore envisagée pour l'Albanie. L'UE est peut-être le chemin à prendre pour renforcer une démocratie qui montre encore beaucoup de limites. « Je suis assez pessimiste en ce qui concerne une entrée rapide de l'Albanie dans l'Union européenne », lance Nano qui voit encore une bonne quinzaine d’années de négociation.

Les conditions de Bruxelles restent encore à remplir : un taux de développement économique du PIB stable, une démocratie libérale renforcée, des élections libres non contestables et des institutions solides et indépendantes. « Le processus de rapprochement avec l'UE se poursuit donc, mais je répète, la route est encore longue », insiste le journaliste. Les problèmes de la démocratie albanaise ne semblent pourtant pas si éloignés de ceux des démocraties européennes les plus solides. Sauf qu’en Albanie, le système n'est pas encore mûr pour les régler.

Quel chemin suivre alors ? L'éducation. Pour Nano, la seule solution est d'investir aujourd'hui pour créer une génération de citoyens instruits et responsables demain. Le seul antidote possible qui permettra, avec le temps, de s'opposer à la dérive d'une démocratie qui ne s'est jamais vraiment affirmée.

Translated from Mustafa Nano: «L’ingresso dell’Albania? Non prima di quindici anni»