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Multilinguisme : sortir de l'abstrait, une nécessité !

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Bruxelles

Article écrit par Florence Panisse « La Société multilingue ne se fera pas demain », selon Bernadette Bourzaï, sénatrice de la Corrèze (France) et co-organisatrice de la Commission mixte Parlement Européen – Parlements nationaux de l’UE, lundi 8 décembre, au Parlement à Bruxelles.

Cette rencontre proposait de faire le point sur l’apprentissage des langues, le multilinguisme et le dialogue interculturel, principalement. A la lueur des avancées timides acquises en ce sens au niveau européen, l’assemblée réunissant des représentants de chaque pays membres, a affirmé la nécessité d’aller plus loin.

" La langue de l'Europe, c'est la traduction" soutenait Umberto Eco dans La Recherche de la Langue parfaite. Mais avec les récents élargissements, la traduction est-elle assez vive pour faire communiquer 23 langues entre elles, donnant lieu à plus de 500 combinaisons possibles ? Depuis 2002-2003, le contexte général est à une "légère baisse du nombre d'ouvrages traduits à travers l'Europe", constate Thomas Wieder dans un article du Monde de décembre 2008.

La Commission Européenne veut réagir. Pour infléchir dans le domaine de l'édition notamment, l'institution en appelle à une "approche intégrée" . Dans sa communication adoptée en septembre 2008 : "Multilinguisme : un atout pour l'Europe, un engagement partagé", elle se promet d'infléchir les politiques de l'enseignement, des médias, de la recherche, de l'inclusion sociale, de la compétitivité.

"Mais quelles actions concrètes existent aujourd'hui ? " interpelle, dubitatif, M. Owen Bonnici, du Parti travailliste maltais (MLP). Mme Batzeli, présidente de la commission de la Culture et de l’Education, a elle-même regretté le manque d'initiative de l'Union.

"Un défi salutaire" à long terme

paceDes petits pas ont été faits toutefois. Dans les textes, d'abord. En 2006, le Parlement Européen et le Conseil ont adopté un rapport qui encourage l’apprentissage de deux langues étrangères pour les jeunes. Mais, "actuellement aucune tranche d’âge n’est définie" remarque Mr Manolis Mavrommatis du groupe du Parti populaire européen (Démocrates-chrétiens) et des Démocrates européens (Grèce). Mme Redding, Commissaire responsable de l'éducation et de la culture, a répondu que l'apprentissage devait débuter "à partir de la maternelle".

Le 31 janvier 2008, l'Europe s'intéresse au multilinguisme dans la formation professionnelle avec l'adoption d'un rapport intitulé "Un défi salutaire". Ce document de travail fait apparaître une nouvelle terminologie "la langue personnelle adoptive ". Cette langue serait présente au niveau scolaire, universitaire et professionnel du citoyen. L'Europe voit loin. Aujourd'hui, l'apprentissage de langue dans le système universitaire notamment reste à la marge. La Grèce a fait un effort en ce sens mais Mme Maria Kolia-Tsaroucha, présidente du Comité Culture (Grèce), s'interroge : par qui sera-t-elle suivie?

Pour la Commission, la question du "comment" est aussi primordiale. Elle préconise d'instaurer des critères d'évaluation du "bon professionnel des langues" et de favoriser encore la mobilité des enseignants et des étudiants (Erasmus mobilise aujourd’hui à peine 2% de la jeunesse communautaire alors que le programme visait les 10%). Elle encourage enfin la création d'un " organisme commun chargé de favoriser la connaissance de la langue et de la culture de l'autre".

les langues des immigrés : une « richesse culturelle et économique »

languagesQuelques mois plus tard, le 2 juillet 2008, l’agenda social renouvelé de la Commission s'engage à soutenir la diversité linguistique et l’accès à l’information et à la communication de toutes les langues européennes, y compris minoritaires. Mais, pour autant, toutes les langues minoritaires doivent-elles être placées au même niveau? Mme Bourzaï remarque que certains Etats membres sont plus ouverts aux langues régionales, d’autres aux langues des immigrés. Mr Orban a stipulé que la Commission encourageait les migrants à apprendre la langue du pays d’accueil mais que la langue d’origine des immigrés devrait aussi être prise en compte car elle constitue une « richesse culturelle et économique ». Consciente de l’impossibilité d’arriver à une égalité des langues, Mme Graça Moura, Groupe du Parti populaire européen (Démocrates-chrétiens) et des Démocrates européens (Portugal), conseille de se baser sur le critère démographique.

Si les objectifs semblent encore à préciser pour l'assemblée, les interrogations sur les moyens se font plus pressantes. Mr. Manolis Mavrommatis, Groupe du Parti populaire européen (Démocrates-chrétiens) et des Démocrates européens (Grèce), a interpelé Mr Leonard Orban sur le financement communautaire pour la promotion des langues minoritaires. Celui-ci a répondu que plusieurs programmes ont déjà été lancés en 2006-2007 et que d’autres sont déjà prévus.

Des initiatives se mettent donc doucement en place. Fin 2008 , le bureau du Parlement Européen en espagnol et en catalan à Barcelone a ouvert ; la bibliothèque multilingue en ligne Europeana a été lancée. Enfin, la Commission a prévu une conférence sur les perspectives de la traduction littéraire en Europe en avril 2009. Elle devrait aller dans le sens de la définition du "bon professionnel des langues" et de "l’édition du bon livre traduit", en impliquant les syndicats professionnels.

Et si l'Europe est trop lente pour certains, Mr Orban a invité les Etats à s'engager dans la politique du multilinguisme selon le principe de subsidiarité. Car, comme le souligne Paul Magnette, professeur de science politique et directeur de l'institut d'études européennes à l'Université Libre de Bruxelles, dans son ouvrage Le Régime politique de l'Union Européenne (les presses de Sciences Po, 2006), "l'éducation et la culture relèvent principalement ou exclusivement des Etats".

Liens :

communication ''Multilinguisme : un atout pour l'Europe, un engagement partagé''rapport ''Un défi salutaire''