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Motion de censure contre Juncker : quand les europhobes s'allient

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Bruxelles

La Commission Juncker a survécu à la motion de censure déposée par un front commun d'europhobes. On s’en doutait ! Mais pour la première fois, Nigel Farage et Marine Le Pen s’unissent dans un intérêt commun. L’affaire Luxleaks a-t-elle déclenché l’union des eurosceptiques de tous bords ? 

La session plénière du Parlement européen à Strasbourg du 24 au 27 novembre promettait d’être riche en émotions. Au programme, la venue du pape François dans l’hémicycle et l’explication détaillée du « superplan » d’investissement de 300 milliards d’euros, figure de proue de la nouvelle Commission Juncker, promettant de relancer les économies européennes mises au pas des mesures d'austérité. C’était sans compter sur les députés europhobes qui ne pouvaient manquer l’occasion de se joindre à la fête... Ceux-ci ont déposé une motion de censure contre cette même Commission, reprochant à son nouveau Président son implication dans l’affaire Luxleaks.

Des europhobes isolés... mais entendus

Avec seulement 101 votes favorables, 461 votes contraires et 88 abstentions, la Commission Juncker sort renforcée de cette épreuve. En effet, le 22 octobre dernier, plus du double des députés s’étaient opposés à l’investiture du collège de commissaires. La principale raison : la GUE (Gauche Unitaire Européenne) et les Verts, qui avaient massivement voté contre l’investiture de cette Commission, se sont cette fois abstenus ou opposés à la motion de censure, ne voulant pas être associés à une initiative lancée par des europhobes purs et durs. Mais l’effet escompté par ces derniers a été atteint : on en a entendu parler ! Il semble en effet évident qu’aucun signataire de cette motion n’ait réellement cru en son succès. La stratégie étant plutôt d’utiliser l’affaire Luxleaks pour légitimer un coup de pub. Dans une Union européenne où la communication est en panne, les europhobes, eux, savent nous rappeler qu’ils existent.

Une première alliance inattendue ?

En réunissant un peu plus de signatures que le nombre minimum pour rendre cette motion légale, l’EFDD (« Europe de la liberté et de la démocratie directe ») de Nigel Farage s’est alliée pour la première fois avec des partis politiques aux tendances « xéneurophobes ». La délégation du Front National de Marine Le Pen ou encore la Ligue du Nord de Matteo Salvini, que Farage considérait comme « infréquentables » au lendemain des dernières élections européennes, comptent parmi ceux-ci. Selon le leader du groupe ADLE (Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l'Europe), Guy Verhofstadt : « la seule chose intéressante dans cette motion de censure n’est pas son contenu mais plutôt le fait que M. Farage et Mme Le Pen aient finalement dévoilé leurs relations secrètes ». Une hypothétique alliance entre l’EFDD et la délégation du Front National, qui compte 23 députés, n’aurait pas beaucoup plus de poids politique dans l’hémicycle actuel. Cela leur permettrait néanmoins de faire entendre leurs messages « anti-UE » d’une seule voix.

Contrôle démocratique sur l’exécutif

Pour rappel, la motion de censure est l’un des plus anciens moyens de contrôle du Parlement européen sur la Commission. Déjà lors de la création de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) en 1951, l’assemblée parlementaire, à l’époque simple organe consultatif, pouvait démettre la Haute Autorité (comparable à la Commission actuelle) de ses fonctions pour mauvaise gestion. Sur la douzaine de motions de censure déposées dans l’histoire du Parlement européen, aucune n’a jamais recueilli la majorité suffisante des deux tiers. Cependant, en 1999, c’est sous la menace de l’une d’entres elles que la Commission Santer avait démissionné suite à l’affaire Edith Cresson.