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Migrants en Italie : des jeunes flottent sur « l'après »

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Société

En avril dernier, le naufrage d’un chalutier transportant 800 migrants a ému l’opinion publique. L’UE a décidé de tripler le budget de ses opérations de surveillance et de sauvetage. Mais quid de « l’après » ? Quel avenir attendent ceux qui rejoignent l’Europe au dépens de leur vie ? Rencontre avec Cécilia et Julia, deux bénévoles d’organisations florentines, pour qui la question est vitale.

Cecilia, 36 ans, a rejoint l’antenne de Medici per i diritti umani (MEDU) il y a maintenant dix ans. Florence est l’une des villes d’implantation de l’organisation, également présente à Rome, Turin, Venise et Brindisi, dans la région des Pouilles, au sud de l’Italie. Si l’activité s’est peu à peu centrée sur l’immigration, le MEDU milite au départ pour le droit à la santé pour tous. La trentaine de volontaires de l’association est âgée de 20 à 30 ans. Cécilia travaille pour l’association en plus de son travail de médecin, et fait partie du conseil d’administration.

Les centres d'identification et le phénomène du « caporalato »

Le premier chantier qu’elle présente concerne les Centres d’identification et d’expulsion des migrants, dispersés sur l’ensemble du territoire italien. Y sont envoyés les sans-papiers attrapés par la police dans le but de les identifier et de les renvoyer dans leur pays. Cecilia en a visité plusieurs dans le nord du pays. « Les conditions sont horribles. Les gens vivent les uns sur les autres, parfois dans des pièces sans fenêtre, avec à peine de quoi manger. Nous faisons un rapport chaque année depuis trois ans pour alerter le gouvernement. Cela a été plutôt un succès car nous avons réussi à faire réduire la durée de détention de 18 à 6 mois. Mais nous souhaiterions que ces centres ferment. Pour nous, c’est de la violation des droits humains. En plus, cela coûte très cher à l’Italie et les résultats sont très faibles puisque moins de la moitié des personnes seulement sont identifiées. »  

Autre cheval de bataille du MEDU : le « caporalato », très répandu dans le sud de l’Italie. Pour travailler dans les champs, les migrants vont d’une région à une autre, au rythme des saisons et des récoltes. La plupart sont exploités par des réseaux liés à la mafia et sont sous-payés : cinq euros par jour, parfois moins. Ils vivent dans des squats dans lesquels viennent les chercher le « caporale », qu’ils doivent payer pour accéder aux lieux de travail. Le rapport « Terragiusta » terminé il y a juste un mois par les bénévoles de MEDU relate les conditions de travail et de vie des migrants victimes de ce système. « Nous avons travaillé pendant un an avec une équipe de médecins, de sociologues et en partenariat avec une association d’avocat », explique Cecilia.

Intervention dans les squats

On connaît Florence pour les joyaux de la Renaissance qu’elle détient, moins pour ses squats dans lesquels vivent des personnes dans des conditions précaires. Cecilia et son équipe s’y rendent une fois par semaine pour apporter quelques médicaments et premiers soins, et aussi pour donner de l’information sur leurs droits d’accès à la santé. Pour ces squats, la ville ne fait rien. Et d’ailleurs, aucune des activités de MEDU ne reçoit de financement public. Comme souvent en Italie, ce sont les institutions religieuses qui payent. Alors Cecilia n’a pas d’attentes particulières pour les institutions, et encore moins pour l’Union européenne. Ce qu’elle aimerait, c’est qu’il existe un réseau qui mette en lien les organisations des différents pays entre elles, pour partager leurs expériences, et engager des actions communes.

Cours d'italien et banque alimentaire

Giulia a 28 ans et a terminé ses études il y a deux ans. Cette après-midi, elle donne un cours d’italien. Dans la classe, une dizaine d’élèves aux âges et parcours très différents. Avec un master en lettres italiennes, Giulia avait pour objectif d’enseigner l’italien comme langue étrangère. Son diplôme en poche, alors qu’elle ne trouve pas de travail, elle commence à faire du bénévolat pour une association florentine, qui propose les cours gratuitement. Deux ans plus tard, elle est engagée par l’association dans le cadre d’un service civique. L’association organise aussi une banque alimentaire, ainsi que des activités pour favoriser l’intégration des jeunes. Giulia vient de proposer au responsable de l’association de conclure un partenariat avec son université, pour que les apprentis professeurs puissent s’entraîner, et pour que plus de cours soient proposés. Si Giulia dit ne pas être confrontée à des situations d’urgence, cette activité l’a fait relativiser sur sa propre vie : « je me plains moins ». Comme pour MEDU, la majorité des financements de l’association vient d’une organisation religieuse.

Cet article a été publié sur le site d'Europe next door, un projet pour un tour d'Europe à la rencontre des jeunes européens dans 28 pays différents.