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Megaupload, FBI, Anonymous : la question du copyright sur le Net

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Style de vie

Suite à une vaste procédure judiciaire menée par les États-Unis, le site de partage de fichier, Megaupload a été fermé. Entre copyright et troisième guerre mondiale, plusieurs manières d’aborder l’information sont déclinées par un babélien.

Depuis jeudi soir, le Net hésite entre stupeur et colère : Megaupload est « down » ! [Si vous êtes nés sur une autre planète et que vous surfez aujourd’hui pour la première fois sur Internet, il faut que je vous précise que Megaupload est le site de partage de fichier le plus populaire sur le Web, notamment à travers sa plateforme de streaming, Megavideo]. Cette disparition subite d’un des sites les plus fréquentés sur la Toile fait suite à une vaste procédure judiciaire menée conjointement par le FBI et le ministère de la Justice américain contre la galaxie Megaupload. Parallèlement, sept membres clés du site ont été mis en examen tandis que le fondateur, l’Allemand Kim Schmitz (alias Kim Dotcom), a été arrêté en Nouvelle-Zélande avec deux de ses cadres. Accusés d’avoir mis en place un vaste système pour tirer d’énormes profits du piratage, ils risquent jusqu’à 60 ans de prison.

Cette suspension brutale d’un service aussi populaire que controversé a immédiatement déclenché l’ire des Anonymous, un groupe décentralisé de hackers qui prêche la liberté et l’anonymat sur Internet. En rentrant chez moi hier soir, découvrant la nouvelle, je n’ai pu que constater l’ampleur des dégâts : le forum IRC sur lequel les « pirates » coordonnent leur vengeance est en ébullition. En quelques heures, des dizaines de sites sont rendus inaccessibles. Celui du FBI, du département de la Justice mais aussi des organisations de défense des ayant droit américain, musique et cinéma, et même certaines victimes collatérales, comme Hadopi.fr, l’autorité française chargée de lutter contre la diffusion d’œuvres piratées.

Du bon usage de la piraterie

Que faut-il penser de tout cela ? Il y a plusieurs manières de prendre le problème. Il y a la méthode simple, médiatique, efficace, binaire, qui consiste à expliquer que la troisième guerre mondiale est lancée depuis hier soir sur le Web, et qu’elle oppose deux tranchées bien déterminées : d’un côté les internautes, épris de liberté et de partage, et de l’autre les entreprises et leurs bras armés, les gouvernements, qui tenteraient de limiter l’anonymat, perçu comme un dangereux contre-pouvoir et une menace pour l’industrie culturelle. Il y a une autre réalité, plus complexe et moins sexy. On assiste en réalité à un combat entre des entreprises dont les business model s’opposent – ici l’industrie culturelle américaine et Megaupload – et qui font pression sur le législateur et la justice pour obtenir gain de cause. En fait, les questions de copyright et de financement des œuvres culturelles depuis l’émergence d’Internet sont bien plus complexes que cela. J’invite ceux que la question intéressent à se procurer l’excellent livre de Florent Latrive, Du bon usage de la piraterie : cultures libres, sciences ouvertes.

Le plus gênant, au fond, c’est surtout la méthode. Comment la justice américaine a-t-elle pu bloquer si facilement un site qui n’est pas hébergé aux Etats-Unis, mais à Hong-Kong ? Tout simplement parce que l’autorité chargée de la gestion et de l’attribution des noms de domaines est américaine. En attaquant le site à sa source, son adresse, on empêche les navigateurs web des internautes du monde entier de le retrouver et de s’y connecter. Et cela alors que les propriétaires de Megaupload sont présumés innocents, tant que la preuve de leur culpabilité n’a pas été apportée. Au lendemain d’une mobilisation mondiale sur internet contre SOPA et PIPA, deux projets de lois américains jugés liberticides qui proposent de faciliter le blocage des sites ne respectant pas les droits d’auteur, l’Amérique prouve de manière fracassante qu’elle n’a pas besoin de nouvelles lois pour montrer les crocs sur le Net.

Photo : (cc) Ricard Clupés/flickr ; Vidéos : Magaupload song : misterangelalonso/youtube (cc) Barbier(cc) GeekoLife/youtube