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Mariage gay : 1-0 pour le libéralisme irlandais

Published on

Story by

Niall Lane

Translation by:

Adrien Souchet

Société

Bien que l'Irlande ait clairement voté en faveur du mariage homosexuel au cours du référendum de la semaine dernière, ce résultat a mis en exergue le fossé qui sépare le conservatisme catholique du pays de la nouvelle vague du libéralisme social. 

Les citoyens irlandais sont habitués au processus de démocratie directe. Le référendum du 22 mai dernier marquait le dixième référendum, en autant d'années, au cours duquel les citoyens étaient consultés sur une question nationale.

Toutefois, susciter l'intérêt des électeurs sur des sujets comme le pacte budgétaire européen ou la rémunération des juges peut se révéler compliqué pour la Commission référendaire, d'autant plus que de nombreuses élections au cours des dernières années ont souffert d'un faible enthousiasme de la population et donc de résultats à la hauteur de ce désintérêt.

Tandis que le vote qui visait à modifier l'âge du candidat à la présidence du pays suivait religieusement cette tendance, le vote sur le mariage homosexuel, qui a eu lieu le même jour, relevait d'une toute autre histoire. Plus que les spécificités du processus politique irlandais, les citoyens votaient dans le but d'élargir les droits de la communauté LGBT au sein du pays.

En Irlande, il est rare de voir des expatriés revenir dans le pays pour le sens du devoir démocratique. Pourtant, les citoyens sont revenus nombreux dans le pays, et ceux qui se trouvaient dans l'impossibilité de rentrer ont exprimé leur déception sur les réseaux sociaux et ont invité leurs compatriotes à participer au changement auquel ils ne pouvaient pas prendre part. Les raisons qui expliquent un tel degré d'enthousiasme dans les deux camps du débat sur le mariage homosexuel ne sont pas difficiles à comprendre. La question du mariage homosexuel renvoie à une partie bien spécifique de la démocratie irlandaise. Elle est une manifestation indéniable de la lutte entre le conservatisme catholique et la nouvelle vague du libéralisme qui a fleurie au cours de ces 20 dernières années. Parmi ces épisodes les plus marquants, on retrouve la question du divorce (légalisé avec succès en 1995) et le conflit sur la question des droits du foetus et du droit à l'avortement qui ne cesse de faire parler de lui.

La vigueur de la campagne sur la question du mariage homosexuel a clairement été ressentie dans un seul camp : le camp du oui a dominé en termes de financement et d'engagement des bénévoles, avec une couverture médiatique importante abondant en ce sens. Le camp du oui a également pu compter sur le soutien généreux d'un ensemble de personnalités nationales et internationales, allant de l'ancienne présidente de l'Irlande Mary McAleese au charismatique érudit britannique Stephen Fry. Mais personne n'a crié victoire avant le jour du référendum. Les élections au Royaume-Uni qui ont eu lieu au début du mois de mai ont fait craindre le pire en ce qui concerne les estimations de vote. Les citoyens irlandais ont davantage pris conscience du fait que certains n'assument pas leur vote et ne se rendent donc pas aux urnes, réalisant ainsi les conséquences que cela pourrait avoir.

Sans surprise, les partisans du non se sont davantage fait entendre, comme par exemple le sénateur Ronan Mullen. Lors du récent événement « No Debate » qui s'est tenu à la University College Dublin (UCD), le sénateur Mullen est intervenu sur les problèmes potentiels que pouvait causer un vote en faveur du oui pour les enfants de couples gays, en avançant que « l'argument principal pour le vote en faveur du non est le droit fondamental des enfants ». La principale inquiétude qu'il a formulée concernait le statut des donneurs de sperme et d'ovules, le recours aux mères porteuses et le manque inné que semblerait apporter l'unité familiale homosexuelle. Ainsi, le slogan de la soirée était : « l'égalité pour tous avec l'unité familiale optimale d'un père et d'une mère ».

Ce type de rhétorique offrirait sans conteste des opinions partagées de la part d'un public aux accents politiques. Toutefois, la division presque égalitaire des opinions qui ont été exprimées lors de ce débat, et particulièrement au sein d'un bastion libéral tel que UCD, a démontré l'existence d'un clivage qui ne s'est toutefois pas répercuté dans les urnes, créditant les intentions de vote pour le oui entre 70% et plus. Avec 62,06% de voix pour et 37,94% de voix contre, les résultats finaux du référendum ont démontré qu'il existe toujours une division substantielle au sein de la société irlandaise qui doit être résolue si d'autres réformes veulent voir le jour.

En approuvant le mariage homosexuel, l'Irlande est devenu le premier pays au monde à légaliser le mariage gay par un vote populaire. Cela va permettre de renforcer l'image de l'Irlande en tant qu'État moderne et socialement tolérant. Une image que beaucoup voient ternie par le débat actuel sur l'avortement et l'influence continue de l'église catholique.

Tandis que la figure de l'église catholique connaît un net déclin ces dernières années, sa contribution à la Constitution irlandaise de 1937 (Bunreacht na hÉireann) se fait toujours sentir aujourd'hui, que ce soit par des lois blasphématoires qui restreignent les libertés ou l'affirmation du rôle de la femme au sein du foyer. En votant oui vendredi dernier, l'Irlande a choisi de prendre ses distances avec les traditions de l'église catholique et a suivi une approche plus libérale face aux changements de la société. Et même si cet obstacle conséquent a été franchi, l'Irlande a encore du chemin à parcourir avant de se considérer comme un représentant des valeurs libérales.

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Translated from Despite marriage equality, more battles lie ahead for Irish liberalism