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L'UE et ses citoyens, un problème de langage

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Bruxelles

Comment redonner  crédibilité et  véracité aux institutions de l'UE auprès des citoyens ? C'était toute la question de la « Master Class Protagoras : Quel récit pour l'Europe ? » ce 25 octobre dernier à IHECS. Jimmy Jamar, Anthony Lockett et Loïc Nicolas nous donnent des clefs pour comprendre cette crise de la communication.

Protagoras est le laboratoire de recherche en communication publique de l’IHECS. Outre un rôle d’édition de travaux de recherches, ce centre organise à destination des étudiants et au grand public des Master Class consacrées à la communication publique et politique. Celle-ci fut consacrée à la communication publique européenne. CaféBabel Bruxelles est partenaire des Master Classes Protagoras. 

Jimmy Jamar : « L'Europe doit reconstruire une vision avec ceux qui veulent trouver une solution ». 

Le chef de la représentation de la Commission européenne en Belgique souhaite avant tout reconnecter cette dernière avec les citoyens. Pour lui, la Commission est victime de la désaffection croissante car elle ne créée pas assez de passerelles entre les citoyens et les « cols blancs ».  Tout l’enjeu de la crise est ici, la Commission a suffisamment de relais pour communiquer, mais ne les utilise pas, ou alors à mauvais escient. 

Sa solution : créer des ponts, et établir une stratégie de communication stable, permettant de rapprocher la Commission des citoyens, tout en demandant aux Etats membres de faire de la pédagogie sur l’Europe et non de l’utiliser comme bouc émissaire des politiques mal acceptées par leur population. Certes, la Commission a un pouvoir exécutif, mais un pouvoir délégué par les Etats membres, qui sont eux à l’origine des décisions prises à l’échelle européenne en concertation au sein du Conseil.  

Anthony Lockett, chargé de communication à la Commission européenne : « Ma recette a quatre ingrédients ; information, émotion, participation, et mobilisation ». 

British mais profondément européen, pour Anthony Lockett,  la mission la plus importante est d’intéresser tous les citoyens de l'UE aux grands débats contemporains. Celui-ci déplore le désintérêt des journalistes des Etats membres, qui, en dehors du microcosme bruxellois, ne relaient pas assez le côté « positif » des institutions. Le constat de son propos est intéressant, mais les solutions proposées sont loin d'être concrètes. En effet, il faut informer les gens, en faisant appel à leurs émotions, afin qu'ils participent et se mobilisent, en revanche, les solutions tangibles restent encore à être imaginées.  

Loïc Nicolas : « Il faut remettre la rhétorique à l'honneur et redonner au discours politique ses lettres de noblesse ». 

Pour Loïc Nicolas, Docteur en Rhétorique et chercheur à l'Université Libre de Bruxelles, il faut s'inspirer des préceptes de l'antiquité, les grecs donnaient déjà au discours une place primordiale dans la politique, car il sert à illustrer et mobiliser. Ce que, selon lui, Jean-Claude Juncker, président de la Commission n'a pas du tout compris, preuve à l'appui, ses discours vides sur l'état de l'Union. Premièrement, il faut que ces discours servent à retrouver du plaisir à écouter des orateurs qui défendent des projets politiques, en mettant en place la notion de partage entre orateur et auditoire. Deuxièmement, il faut prendre le discours au sérieux, ce qui aux yeux de Loïc Nicolas, n'est pas pris  en compte par les institutions de l'UE. Cette attitude conduit à un désastre communicationnel. Pour lui, il ne faut pas faire un discours qui masque le dissensus, mais au contraire, accepter les contradictions et montrer les désaccords. 

 Sur ce point les États-Unis sont en avance, car ils mettent en perspective et ritualisent à l'extrême leurs discours, loin du détachement palpable que semble fournir Juncker et les autres représentants politiques européens. Loïc Nicolas, en plus de dénoncer les problèmes relatifs à la mise en discours de l'UE, met en exergue des solutions via la rhétorique et la pratique du discours. Un élément peu abordé lors des débats consacrés à la communication européenne. Car au-delà des centaines de millions d'euros dépensés en communication, le problème de l'UE est surtout un problème d'incarnation.