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Lois européennes sur la vie privée : entre protection et exploitation

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Société

La directive vie privée et communications électroniques du Parlement européen et du Conseil votée le 12 juillet 2002 a voulu harmoniser les législations en vigueurs dans les Etats membres sur la questions de la vie privée, rendant à celle-ci le statut de droit.

Publicité ciblée, droit à l'oubli numérique, la directive prévoit des clauses pour protéger les citoyens de l'utilisation excessive de leurs données personnelles. Mais au même moment, les lois nationales exploitent ces données pour des raisons plus ou moins avouées. Etude de cas en Allemagne, en Italie et en France.

En 1819, Benjamin Constant distinguait la liberté des modernes avec la liberté des anciens. Grossièrement, les anciens n’avaient aucune indépendance dans la vie privée mais jouissaient de tous les droits publics, et vice versa. 200 ans plus tard, Mark Zuckerberg a fait exploser la théorie du penseur libéral français, car après la liberté publique, la liberté privée n’est plus qu'un vieux souvenir. Merci et au revoir ? Non, facebook n’a pas (complètement) anéanti notre sacro-sainte sphère privée, et les lois nationales en Europe s’attachent à la protéger. Avec plus ou moins d’insistance…

Allemagne : Big Brother reprend du service 

En Allemagne, Big Brother de plus en plus occupé. Pour une fois nos voisins d'outre-Rhin sont rebelles : la protection de la vie privée y a longtemps été un sanctuaire. Pourtant, selon l’index de 2007 réalisé par l’ONG Privacy International basée à Londres, le premier de la classe européenne est descendu à la septième place. Une vidéosurveillance accrue, l’introduction des passeports biométriques, l’accès aux données des citoyens allemands pour des institutions officielles et des déficiences concernant la protection de la vie privée des employés. S’il est un classement où l’Allemagne reste numéro un, c’est au niveau de la surveillance dans le secteur de la télécommunication : appliquée dans le cadre du Telekommunikationsgesetz de 2007, elle a permis l’enregistrement de tous les appels pendant 6 mois... Jusqu’en mars 2010 où elle a été a été déclaré anticonstitutionnelle après plusieurs plaintes. Ce qui n’empêche pas les atteintes à la vie privée de s’essaimer aux cours des années : la chaîne Lidl qui surveille ses employés avec des vidéo caméras et recueillant leur état de santé, des tests de sang chez Daimler… Une nouvelle loi sur la protection de la vie privée de l’employé est en cours d’élaboration. Elle touchera aussi à l’épineux problème des réseaux sociaux.

Italie : Protection garantie au pays du show off

Dans le pays de la botte, elle doit prévenir 3 jours avant de passerC’est peut-être à cause du potentiel expansif des citoyens italiens (oui, c’est totalement gratuit, vous pouvez commenter votre indignation ci-dessous) que les autorités du pays de la botte portent une attention particulière à la protection des données personnelles et de la vie privée. En juin 2003, le code pour la protection des données personnelles a réuni toutes les lois et régulations en vigueur sur le sujet. Mais le plus marquant dans cette législation tient à l’obligation faite à Google d’informer les citoyens quand ses voitures passent prendre des photos pour son service Google Street view. La protection de la vie privée est enseignée dès l’école, où on interdit de publier sans autorisation des films réalisés avec les téléphones portables et où l’empreinte biométrique est interdite à la cantine. L’autorité de protection des données personnelles a récemment lancé une campagne sur les effets collatéraux des réseaux sociaux à destination des jeunes. Vade retro Zuckerberg ! Pendant ce temps, le pétillant et jeune président du conseil Silvio Berlusconi a tenté en vain de faire passer la legge bavaglio interdisant les journalistes de publier des informations nées d’écoutes téléphoniques… Sous la pression des médias italiens et du Conseil de l’Europe, il a finalement dû y renoncer en juillet 2010.

La loi française, entre protection et contrôle de la vie privée

Deux tendances contradictoires en apparence sont mises en avant dans le droit français. D’un côté, le droit à l‘oubli numérique fait de l’adresse IP une donnée personnelle et permet à « toute personne justifiant de son identité de supprimer les données la concernant.» L’objectif ? Respecter la directive européenne du 24 octobre 1995 qui demande aux responsables de fichiers (fournisseurs d’accès, moteurs de recherche, médias sociaux etc.) de ne pas des données personnelles au-delà de la période nécessaire à leur traitement. Un projet de bonne volonté contre les « boulets virtuels » que peuvent se traîner des candidats à un emploi par exemple. Seulement voilà, cette « charte du droit à l’oubli dans les sites collaboratifs et les moteurs de recherche » ne concerne ni Facebook ni Google…Autant dire pas grand monde.

(cc) Infographie de Anne Helmond

De l’autre, la Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) prévoit de pouvoir filtrer puis bloquer les sites pédopornographiques. D’accord, les pédophiles, c’est vilain, personne ne dit le contraire. Les détracteurs de cette loi ne défendent pas la pédophilie mais redoutent plutôt que cet outil législatif ne s’élargisse à terme à d’autres objets que la lutte contre la pédophilie… Déjà les distributeurs de produits culturels (maison de disque, maison d'édition) se sont manifestés pour pouvoir utiliser cet outil contre les internautes qui téléchargent certaines œuvres sous droit d’auteur… Prochaine étape, les journalistes pédophiles ?

Photos : Une (cc)Photon™/flickr ; Google car : (cc) Stuck in Customs/flickr ; flow de data : (cc)Anne Helmond/flickr ; vidéo Lidl : courtoisie de YouTube ; vidéo "A life on facebook" : http://www.maxluere.com/