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L’Europe, une Tour de Babel : avantage ou inconvénient ?

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En 2007, l'irlandais deviendra la 21ème langue officielle de l’UE. N'est-on pas en train d'atteindre les limites de la diversité des idiomes au sein de l’Union ?

Forte de 4000 traducteurs et interprètes qu’elle emploie à plein temps, l’UE dirige le plus grand service de traduction du monde qui, rien que pour les textes de lois, doit déjà traduire presque 100000 pages dans les 20 langues officielles. Qui plus est, les interprètes ont aujourd’hui 380 combinaisons linguistiques à traduire ! Pour préserver la richesse de son patrimoine linguistique, l’Europe doit débourser environ 800 millions d’euros par an. Mais ce n’est pas l’argent qui pose vraiment problème : ce qui perturbe de plus en plus le fonctionnement de l’Europe, c’est une baisse d’efficacité. Pour le cas de Malte, on a admis qu’une langue officielle comme le maltais posait des problèmes administratifs. Alors pourquoi toutes ces dépenses colossales ? Après tout, les Nations Unies comptent presque huit fois plus de membres que l’Union européenne, mais seul un quart des langues utilisées bénéficient du statut de langue officielle. Le chaos pittoresque que forment les langues de l’UE s’explique non seulement par les vanités politiques des États, mais aussi surtout par un motif juridique convaincant : les parlements nationaux ne peuvent pas jouer un rôle de « traducteur officiel » entre les citoyens et Bruxelles, ce qui est pourtant le cas en diplomatie classique. L’effet direct du droit communautaire rend alors nécessaire la traduction à outrance en Europe. Mais ceci nous donne l’avantage, à nous citoyens, d’avoir accès à notre droit européen commun en 20 langues, et d’un seul clic de souris !

Les limites du plurilinguisme

En vertu de l’article 21 du Traité instituant la Communauté européenne (TCE), les citoyens européens peuvent s’adresser à chacune des institutions européennes dans chacune des 20 langues officielles. Ils reçoivent alors une réponse dans la même langue. Il n’est pas forcément évident de voir en cela une preuve impressionnante de la volonté de l’Europe de favoriser la diversité linguistique : la création d’États – et l’UE est une formation semblable à un État - entraîne la plupart du temps une homogénéisation linguistique. Dans le rapport mené en 1794 pour le compte du gouvernement révolutionnaire, le célèbre abbé Grégoire comptait encore 30 langues et dialectes en France. À l’époque, presque la moitié des 28 millions de « Français » ne savait parler « français ». Et si l’Europe avait suivi l’exemple des États qui la composent, elle serait malheureusement en passe de devenir une monoculture linguistique sans âme. Mais l'Union européenne n’a jamais voulu devenir un super-État et le multilinguisme a toujours été sa devise. Alors où sont les limites de ce paradis linguistique ?

En fait, on assiste à une hiérarchisation de l’usage des 20 langues officielles.

Sur le plan juridique aussi, la Cour de Justice Européenne a engagé cette « flexibilisation ». Lors de l’affaire Christina Kik, la Cour a observé qu’il n’existe pas de principe constitutionnel stipulant une stricte égalité entre les langues officielles. D’ailleurs, les innombrables langues minoritaires et régionales d’Europe, parlées par environ 50 millions de citoyens de l’Union, végètent dans les couloirs sombres des administrations européennes - même si depuis peu les langues régionales d’Espagne (le catalan, le basque ou le galicien) bénéficient d’un droit d’utilisation officielle - à défaut de s’être vu accorder le statut de langue officielle.

Un espace économique unique pour une multitude de langues

Aux USA, la mobilité est six fois plus élevée que dans Union européenne ; et comme ce sont les barrières linguistiques qui freinent la circulation des biens et des personnes, on a imaginé deux scénarios linguistiques idéaux pour soutenir le secteur économique : soit tout le monde parle une seule et même langue, soit tout le monde parle toutes les langues. Projet utopique ou n’ayant jamais fait l’objet d’une volonté politique, la première variante, c’est-à-dire la création d’une lingua franca, n’a jamais vu le jour. Cela dit, l’anglais est devenu pour l’Europe actuelle ce que le latin était à l’Europe médiévale. Or, ce sont des instances extérieures aux institutions européennes qui ont fait de l’anglais la langue vernaculaire dominante au sein de l’Europe. L’Europe officielle, avec à sa tête la Commission européenne, est quant à elle intéressée par une version allégée de la seconde variante. En effet, elle voudrait que le plus de citoyens européens possible parlent le plus de langues possible. C’est le souhait émis par le nouveau plan d’action européen pour promouvoir l’apprentissage des langues.

La langue de la démocratie

Dans son fameux « arrêt Maastricht » de 1993, la Cour constitutionnelle fédérale allemande avait émis quelques doute sur la possibilité qu’avait l’Union européenne de devenir un jour une véritable démocratie, vu l’absence d’un espace public commun et d’un débat européen. Qu’est ce qui manque alors à la démocratie européenne ? Une langue européenne ? Non – sinon, comment expliquer l’existence d’une démocratie en Inde comme en Suisse ? Ce qui manque à l’Europe, c’est une presse européenne qui traite de sujets européens visant un public européen. Les initiatives multilingues telles que café babel répondent à cette nécessité actuelle. Leur but est non seulement de défendre la diversité linguistique, mais aussi d’exprimer leur amour pour l’Europe.

Translated from Europas Sprachenbabel: Perle oder Stolperstein?