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L’Europe et les PIIGS : diplomatie de cour d'école

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Politique

Comme dans une cour d’école, le sigle « PIIGS » stigmatise les cinq rejetés de la zone euro. Alors que le Pacte de stabilité vol en fumée, le Portugal, l'Italie, l'Irlande, la Grèce et l'Espagne sont taxés de mauvais élèves et jugés responsables de la fragilité financière de l’Union. Face à leurs mauvaises ? La rigueur.

Une politique bien éloignée de l'idéal de communauté de partage que l'Union Européenne prétend incarner.

Un charmant petit sigle : « PIIGS » (littéralement « porcs » en anglais) qui désigne cinq pays de l’Union européenne indisciplinés sur le plan fiscal : le Portugal, l’Italie, l'Irlande, La Grèce et l’Espagne. Acronyme peu flatteur, il symbolise surtout un quintette d’élèves perturbateurs. Forgé au milieu des années 1990 pour qualifier l'Europe du sud (les « PIGS », dont l'Irlande ne faisait pas partie), l'acronyme devient tendance avec la crise de 2008,  dévoilant désormais un quintette de pays en banqueroute. En reprenant la rhétorique des « PIIGS », les bons élèves de l’Europe ont un peu plus enfoncé leurs camarades dans le désaveu. A mille lieux de répondre aux valeurs d’entraide et de solidarité que l’UE est censée incarner.

La Grèce, bonnet d’âne sur la tête

La quatrième plus grande économie de la zone euro a aussi le cinquième plus gros déficit... en-dessous néanmoins de la moyenne européenne de 53% L’Espagne fut la dernière victime de l’euro-claque. « Pourquoi n’allez-vous pas vous asseoir un peu à la table des PIIGS, le temps de vous reprendre. On vous rappellera », ont sermonné ses camarades de classe. Montrée du doigt pour avoir dit « non » au Traité de Lisbonne, l’Irlande semblait être une proie facile: « Oh mon Dieu, vous avez vu ce qu’a voté l’Irlande ? Ça ne va vraiment pas. Après qu’on ait dépensé tout cet argent pour qu’ils améliorent leur image ? Ils se prennent pour qui ? ». Les commérages des autres élèves ont alors très vite débouché sur l’exclusion des Irlandais de la cour de récréation. Victimes de leur marginalité. Bonnet d’âne sur la tête, la Grèce a longtemps squatté le coin de la salle de classe. Elle a bien essayé de rentrer dans le rang. Mais sa propension à la révolte l’a ramené derechef à son triste sort. Le bouleversement économique et social actuel à Athènes illustre parfaitement cet élève incompris qui est un jour venu en classe habillé en gothique.

Après les PIIGS, les PIIGSUK ?

de quoi l'ériger en symbole du rejet du traité de Lisbonne en IrlandeLes mouvements contraires à l’idéologie libérale des puissants gouvernements de l’UE seraient-ils aussitôt perçus comme étant anticonformistes ou asociaux ? Il semblerait que oui. Les têtes de classe en matière financière impriment la ligne de conduite et décident de qui peut rentrer dans leur groupe fermé. A ce titre, le cas du Royaume-Uni est symptomatique. Tout en restant distant, les Britanniques bénéficient de l’agrément de leurs camarades européens. Entre méfiance et alliance, la Grande-Bretagne reste un allié de poids. Et attise les persiflages pendant la récréation: « Le Royaume-Uni pense qu’il est bien meilleur que nous, juste parce que durant le siècle dernier, il avait tout son Empire, rempli d’autres pays auxquels il pouvait donner des ordres. Mais aujourd'hui, si la Grande-Bretagne est dans le coup, c’est parce qu’elle traîne avec nous », assènent impunément les têtes pensantes. Autrement, on ne dirait pas PIIGS mais PIGSUK.

Mesquinerie  

Dans les couloirs de l’école, chacun à sa manière pratique le cancan. La solidarité plus ou moins sincère de certains, renvoie directement aux enfants hypocrites qui parachèvent leurs beaux desseins. L’Allemagne, en tirant la carte de la Grèce, tend son majeur à la Vénus de Milo, et ceci pendant que la Grèce (qui a maintenant cessé d’y porter attention) place de façon désinvolte un swastika sur la Colonne de la Victoire. Quelle chienne. Cette façon d’appliquer la politique européenne n’a aidé personne et ne nous sortira sûrement pas de la récession économique. Pire, maintenant que ces discussions dégradantes sont devenues particulièrement vicieuses, elles menacent de rompre les liens fraternels. Le risque de bastonnade étant certain, exclure les élèves indisciplinés comme on répudie les pestes est la version la plus simple. Une pétition européenne pourrait par exemple renvoyer les cancres vers une autre école. Cela semble être inévitable au sein d’un continent où les pensées mesquines pullulent. Les « PIIGS » qualifieraient alors moins les nations pourries par la dette que les dirigeants qui tiennent les rennes économiques depuis Bruxelles. Quelqu’un se doit de dire aux États membres européens qu’ils portent mal la couleur de la haine.

Photos : Une: The prodigal untitled13/Flickr and citizenmustard.com; Espagne, course de taureaux à Pamplune par crazypete04/Flickr et soakedsponge.blogspot.com

Translated from Europe and PIIGS: bitchy politics