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L’Europe des solutions

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Article de Michele CIAVARINI AZZI, Président de l’UEF-Belgique

Enfin l’Europe passe en Irlande, le match est gagné !

Le deuxième référendum irlandais sur le Traité de Lisbonne a été remporté par le OUI avec 67,1% des voies contre 32,9%. Par rapport au premier référendum en juin 2008, où le NON l’avait remporté avec 53,4%, 20,5% des voies se sont déplacées cette fois-ci du NON vers le OUI.

Le NON l’a remporté dans seulement deux circonscriptions sur 43. La participation au vote a également été supérieure à celle d’il y a un an, 58% contre 51%.

Quels enseignements faut-il en tirer ?

Premier enseignement : l’Europe l’emporte quand ça va mal. Les analyses du vote ainsi que les nombreux sondages réalisés préalablement, ont montré que les arrangements irlandais sur le Traité de Lisbonne – c’est-à-dire les garanties juridiques données à l’Irlande dans le domaine de la neutralité, de la politique fiscale, et des questions sociales, éthiques et de famille – qui ont permis de sortir de l’impasse et de soumettre le Traité à un deuxième scrutin, n’ont influencé que très peu l’avis des électeurs irlandais. Ce sont les conséquences de la crise économique qui ont réellement déterminé le résultat. L’Irlande est en pleine récession : son PIB devrait se contracter de 13% en 2009, et le taux de chômage a pratiquement doublé en un an. C’est la peur de l’isolement dans une période si difficile qui a rappelé aux irlandais combien ils avaient profité économiquement de l’adhésion à l’Union européenne.

Deuxième enseignement, conséquence du premier : l’Europe reste très fragile vis-à-vis des Etats membres, par rapport aux politiques d’information et de communication. Celles-ci ne sont pas suffisamment claires pour convaincre normalement les citoyens. Pour qu’il devienne le moteur d’une adhésion des Européens, le projet européen doit être beaucoup plus visible et compréhensible. Ainsi, le référendum national tel qu’il est conçu est – d’office – un instrument de blocage. Un référendum sur un sujet aussi vaste n’aurait de sens que s’il avait lieu le même jour, partout en Europe.

Le problème irlandais étant enfin résolu, le parcours futur de l’intégration européenne reste, cependant, parsemé d’obstacles. A commencer par les signatures des présidents polonais et tchèque, qui clôtureraient les processus de ratification du Traité de Lisbonne dans ces deux pays. Mais si le premier ministre polonais a déclaré qu’il ne voulait pas que la Pologne soit traitée comme un pays qui stoppe le processus d’intégration, le président tchèque a affirmé, de son côté, que sa signature n’était pas à l’ordre du jour !

Il y a, ensuite, le contexte socio-économique actuel, conséquence de la crise économique et financière. Si les Etats membres semblent se mettre timidement d’accord sur la nécessité d’une régulation financière accrue – dont la réalisation concrète et l’efficacité resteront, cependant, à démontrer – beaucoup reste à faire sur un plan macro-économique et social. Les Etats agissent individuellement et l’Union n’a pas de plan commun européen. La « stratégie de Lisbonne » arrive bientôt à échéance, bien en dessous des objectifs envisagés préalablement. Cet échec montre le manque d’ambition, alors que la crise ne fait qu’accentuer les conditions sociales difficiles pour plusieurs secteurs de notre société. Les manifestations du monde agricole en sont qu’un premier exemple, d’autres suivront. Ainsi, l’Europe est perçue comme un frein à l’amélioration des conditions des citoyens, alors qu’elle devrait être une source de développement, et son image en sort fort affaiblie.

De ce point de vue, certaines dispositions du Traité de Lisbonne sont déjà dépassées. L’actualité et l’urgence des défis requièrent des mesures plus incisives, des instruments plus efficaces. Dans ce sens, le OUI irlandais représente une demande de plus d’Europe, d’une Europe qui puisse trouver des solutions communes aux problèmes d’aujourd’hui, que les Etats, seuls, ne peuvent plus résoudre.

Autre difficulté : le nouveau contexte institutionnel et politique européen. La présence accrue des partis populistes et europhobes au sein du nouveau Parlement, couplée avec un taux d’abstention dramatiquement élevé aux élections de juin, pourraient affaiblir la légitimité et la crédibilité de l’institution aux yeux des citoyens.

Enfin, les conséquences de l’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande. Le jugement du 30 juin dernier risque d’avoir de fortes répercussions en Allemagne, certes – les motivations de l’arrêt étant fort surprenantes, car venant d’un des pays fondateurs qui a contribué à consolider le principe même de la primauté du droit communautaire – mais aussi dans d’autres pays, en particulier dans ceux dont la tradition pro-européenne est beaucoup moins consolidée qu’en Allemagne. Certains pays pourraient s’inspirer de l’arrêt en question, et solliciter des prises de position semblables … Sans parler des potentiels conflits entre la Cour constitutionnelle allemande et la Cour de justice européenne.

En quête d’une Europe des solutions, les fédéralistes doivent se battre pour une Europe politique, cohérente et démocratique, c’est-à-dire pour un gouvernement européen.