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Les touristes

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La Parisienne

La population parisienne abrite un groupe très important et étendu qui, en dépit de son caractère incohérent et mouvant, fait la fierté de la ville depuis les temps préhistoriques : les touristes.La mobilité et le polymorphisme de ce groupe donne l’impression illusoire de leur existence éphémère.

Pas tout à fait : les touristes arrivent ici comme s’ils avaient passé un mur magique, vous pouvez en ramasser tas sans jamais en arriver à court – ils ont le dessus. Et ils sont abondants : chaque année, Paris en reçoit plus de 30 millions d’exemplaires qui, de leurs yeux grands ouverts observent, et de leur bouche tout aussi grande ouverte sourient sur les photos souvenirs. 

L’essence des touristes

Comment décririez-vous ce groupe multinational où l’on trouve toutes les classes sociales et toutes les opinions politiques ? Je dirais que c’est comme un troupeau de bestiaux. C’est une masse qui couvre toute la ville ; parfois, la couche est plus fine, parfois elle est plus épaisse, comme aux abords de Nôtre Dame où se situe l’ultime concentration de globetrotteurs. Son comportement est assez prévisible ; il est guidé par la dernière version du Routard. N’oubliez pas de tenir vos tablettes à jour si vous voulez éviter  de rencontrer le troupeau !

Pour ma part, mépriser les touristes est un passe-temps tout à fait justifié. Tout d’abord, ils sont à l’origine de la hausse des prix. Deuxièmement, leur présence transforme des endroits typiques du style bo-bo parisien, comme Montmartre, ou des flâneries intellectuelles, comme le Quartier Latin, en ces marchés de culture de masse remplis de bibelots tour Eiffel et de copies d’affiches d’Art Nouveau. Troisièmement, ils privent les Parisiens (comme moi) de la plus grande expérience artistique de leur vie en s’amassant dans tous les musées intéressants de la ville. Ces voyageurs vous gâcheront ce fragile instant artistique en trainant leur tongues le long des couloirs du Louvres et en provoquant des embouteillages devant le moindre tableau intéressant. Je commence à penser que le privilège de pouvoir apprécier les collections d’un musée devrait être uniquement réservé aux personnes dont le code postal commence par 75.

Homo homini lupus est

Quoi qu’il en soit, je suis convaincue que nul ne déteste plus les touristes qu’un autre touriste. Le voyage de n’importe quel touriste serait plus plaisant sans la présence individuelle de chaque touriste, qui finit par bloquer le passage et par former des queues.

Sans la présence des autres touristes, le voyageur pourrait apprécier l’authenticité de la ville et de la culture française. Les prix seraient raisonnables et, tandis qu’il dégusterait son petit noir dans une brasserie de Saint-Germain-des-Prés, ce voyageur solitaire pourrait même entendre deux intellectuels parisiens louer l’existentialisme de Sartre. Remarque, je me demande si l’on y trouverait ces deux intellectuels là ?

Soili Semkina

Traduction :

Sophie Helbert