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Les sports basques : de la rase campagne aux JO

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Translation by:

Michaël Dias

Style de vie

Une tradition sportive riche, unique, presque aussi « bizarre » que sa langue. Entre le passé et le futur, le nationalisme et la mondialisation, la survie de ces drôles de pratique semble assurée.

Il y a quelques mois, le linguiste George Steiner a déclaré à propos de la langue basque : « Cette langue si mystérieuse est très bizarre, très puissante. C’est peut-être pour cela qu’il est impossible à certaines personnes de ce peuple d’accepter le monde extérieur. » Steiner et ses sorties provocatrices ont déclenché la colère des locuteurs des langues minoritaires d’Espagne. « Les langues ‘bizarres’, poursuit-il, génèrent des locuteurs et des populations obtuses, bizarres et irrécupérables. » 

La vérité, c’est qu’à une époque d’uniformisation, d’homogénéisation fictive et d’assimilation, que vivent les gens bizarres et irrécupérables ! Et surtout, vive le respect de la diversité linguistique, culturelle et sportive en Europe, même si elle engendre des Européens obtus...

Sommes-nous vraiment si bizarres ?

(Wikipedia/fotokán)George Steiner nous a lancé tous ces compliments sans connaître le sport rural basque, appelé en euskera (c’est-à-dire en basque) « herri kirolak » (désignant les sports populaires en général) qui se caractérise par l’alliance nécessaire de la force, de l’adresse et de l’habilité. Dans la majorité des cas, il trouve ses origines dans les tâches quotidiennes du monde rural, les plus connus étant peut-être les « aizkolaris » ou coupeurs de troncs, les « harrijosatzailes » ou leveurs de pierres, les « idi-probak » ou traînage des pierres par des bœufs et les « segalariak » ou faucheurs. Il en existe d’autres, plus répandus au niveau international, comme la « soka tira », des équipes qui s’affrontent au tir à la corde. Ce sport a même une fédération internationale et a participé aux premiers Jeux olympiques modernes.

Il faut le dire : les « herri kirolak » ont toujours éveillé un petit sourire malicieux au coin des lèvres des étrangers et donné une image un peu bête des Basques. Mais soyons positifs. Faire du travail rural une forme de sport ne démontre pas seulement le caractère travailleur et laborieux des Basques mais aussi leur esprit pratique. Comment faire du sport sans sponsors pour vous entretenir ? Dans le monde actuel, c’est impossible. Ajoutons à cela les difficultés pour faire du sport à une époque où le concept de loisir, alors considéré comme de la pure fainéantise, n’existait même pas. S’il faut travailler, mieux vaut s’entraîner soi-même aux heures de travail pour ensuite se distinguer dans les fêtes patronales et les fêtes du village. Et si les « herri kirolak » sont dans la majorité des cas une affaire d’hommes, c’est que nous les Basques, et en particulier les femmes basques, nous nous vantons de presque être un matriarcat. Les femmes ont trompé leurs maris en encourageant le sport… au champ, fauche en main, et le dimanche s’il vous plait. Quelle aubaine !

La pelote, le plus international

(Omar Omar/flickr)Mais c’est sans aucun doute la pelote (basque, bien entendu) qui attire le plus l’attention, à l’international et avec enthousiasme. Il a été présenté à plusieurs Jeux olympiques et dispose d’une Fédération mondialement connue. Son origine remonte à des temps immémoriaux et il existe des légendes de personnages mythologiques jouant avec des pelotes en pierre. Dans tous les villages basques, aussi petits soient-ils, il y a un fronton pour la pratique de ce sport.

Il en existe plusieurs spécialités : la pelote à la main, où l’on lance la pelote directement contre le mur avec la main, mentionnée dans plusieurs chroniques médiévales ; la « pala », où l’on utilise la raquette, généralement en bois, pour lancer la pelote contre le mur, ce qui évite une grande souffrance ; et la spectaculaire « cesta punta », où la pelote est rattrapée par un gant avec un panier à l’extrémité pour être ensuite lancée très fortement et rapidement contre le mur. Cette dernière forme se pratique aussi en France, au Mexique, aux Philippines et aux Etats-Unis. On en raffole beaucoup à Miami où il existe plusieurs frontons couverts, avec un mur sur la gauche, que l’on appelle « jai alai » (jeu allègre).

Les traînières, émotion sur les vagues

(lanpernas 2.0/flickr)

Le Pays Basque est petit et ses habitants ont toujours été d’excellents marins, ce que confirme par exemple Juan Sebastián Elcano, le premier marin, un Basque, à avoir fait le tour du monde en bateau et avoir accosté à Terre neuve en 1540. Les « estropadak » ou traînières sont des embarcations à rames utilisées pour la pêche, qui ont ensuite évolué vers leur version sportive. Si à l’origine la participation aux régates se limitait aux pêcheurs, ce sport s’est maintenant professionnalisé. La compétition la plus importante et la plus ancienne est la  qui a commencé en 1879. Les régates sont très suivies non seulement au Pays Basque mais dans toute la cordillère cantabrique.

En conclusion, nous pouvons dire que durant des siècles, les Basques ont transformé le travail en sport et qu’au 21e siècle, nous faisons exactement le contraire : le sport devient un travail. C’est la roue qui tourne toujours. Et nous ne pouvons jamais savoir vers où. Mais avec l’initiative du gouvernement basque qui souhaite organiser des Jeux olympiques de « Herri Kirolak », on peut garder l’espoir. Le poète colombien Gabriel García Márquez disait qu’il n’y avait pas de lettre pour le colonel. Nous, les femmes basques, n’avons personne pour nous faucher l’herbe, puisque les garçons modernes préfèrent se consacrer au football, au ski, au basketball ou au golf… plus chic. Mais peu importe, de toute façon, nous n’avons pas de jardin. Effets de la crise immobilière.

Translated from El deporte vasco: del campo a sus propios Juegos Olímpicos