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Les "sans-papiers" quittent la place de la Bastille

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Jean Anot

La Parisienne

près 26 jours d’occupation du parvis de l’Opéra Bastille, les grévistes ‘’sans  papiers‘’ ont décidé que la grève avait payé, qu’il était temps de récolter le fruit de leur lutte et de lever le camp.

Vendredi 19 juin, à l’issue de la quatrième réunion entre les 11 syndicats représentants les ‘’sans papiers’’ et les Ministères du Travail et de l’Immigration, de nouveaux critères de régularisation des travailleurs sans permis de séjour ont été établis. Un texte a enfin vu le jour.

Le gouvernement admet une  « difficulté d’application de la circulaire » du 24 novembre 2009 sur la régularisation par le travail. Cette circulaire avait notamment le défaut de déléguer aux préfets son application, ce qui produisait des interprétations arbitraires selon les préfectures.

La contradiction principale soulignée par les grévistes consiste en la non-reconnaissance de leurs droits de travailleurs. D’un côté ils reçoivent leurs fiches de paye, cotisent à la caisse sociale et déclarent leurs impôts alors que de l’autre, les institutions leur refusent un permis de séjour. Une condition d’invisibilité inacceptable pour une « réalité économique et sociale de ce pays » affirme Raymond Chauveau, coordinateur CGT du mouvement.

Entassé sous des tentes improvisées depuis des semaines, le mouvement des ‘’sans papiers’’ apparaît très calme et compact. Sur leurs visages la fatigue de cette longue lutte ne laisse filtrer aucune trace de doute. On a l’impression qu’une grande sérénité règne parmi ces gens. Au son des djembés, le soir ils se rassemblent, discutent et partagent leurs sensations et leurs opinions. On ressent tout autour cette chaleur humaine. Comment ne pas être confiants ? Ils connaissent très bien leurs conditions et sont déterminés à ne rien lâcher. Huit mois de grève démontrent bien leur pugnacité et leur constance.

Mais maintenant un accord est trouvé. Les critères de régularisation ont été mis à jour. Pour obtenir une régularisation, il faudra avoir travaillé au moins 12 mois dans les derniers 18 mois et être présents sur le territoire français depuis cinq ans. Le travail chez différents employeurs sera pris en compte pour protéger aussi les intérimaires. Bien entendu les 8 mois de grève compteront comme activité salariée.

La réunion a été « sérieuse et positive » affirme R. Chauveau. Mais il demeure encore une « grosse ambiguïté » : le Ministère de l’Immigration considère encore l’ancienneté en France, y compris les périodes de travail au noir, ce qui laisse encore la possibilité pour les employeurs d’embaucher des travailleurs sans les déclarer. « M. Besson a du mal à être conséquent. En procédant de cette façon-là, il roule pour les patrons voyous. Soit on prend en compte le temps de présence en France, soit on prend en compte les feuilles de paye », conclut Chauveau.

Les grévistes de la Bastille peuvent pour le moment être satisfaits. Pour eux, la bataille a produit des résultats. Mais les nouveaux arrivants, qui ont récemment commencé à travailler, ne peuvent pas affirmer la même chose. Les négociations ont conduit seulement à des mesures una tantum, juste ce qu’il fallait pour arrêter la grève. Pour l’instant, le travail au noir reste encore une réalité répandue parmi les ‘’sans papiers’’. Peut-être entendra-t-on encore des djembés vibrer sur le parvis de la Bastille.

Par Giulio Marseglia et Victorine Seitz

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