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Les sans-abris à Paris : dormir sous la bonne étoile 

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Julien Rochard

Société

À Paris, plus de 10 000 personnes vivent dans la rue, dans les métros et dans des hébergements de fortune faits avec des cartons et des palettes. Ils arpentent la ville avec tous leurs biens. Parfois en quête d'un nouvel abri, parfois juste pour un simple café chaud. Petit tour dans une association d'aide aux sans-abris.

Chaque jour, ce sont d'innombrables passants qui circulent entre la gare de Lyon et la gare d’Austerlitz. Les touristes poussent leurs bagages sur les quais de Seine. Les hommes d'affaires se ruent vers les trains, les groupes scolaires prennent avec engouement les premiers clichés de Paris.

Dans cette foire, deux hommes plus âgés avec des chariots bien remplis. Ils traînent avec eux leurs sacs déchirés, des sacs de couchage et des couvertures. Contrairement aux autres personnes, ils ne vont pas à la gare mais vers la maison en brique rouge, à l'angle du Quai de la Rapée et du Boulevard de la Bastille. Un bâtiment banal vu de l'extérieur, qui jouxte directement le « Bassin de l’Arsenal », où des yachts de sport circulent agréablement ici et là.

Devant l'entrée de la maison, se trouve un écriteau sur lequel on peut lire Aurore Association. Je rentre à l'intérieur. Mon premier regard se pose sur une grande salle de séjour, où une soixantaine d'hommes sont assis, boivent du café, lisent des magazines et regardent la télé. À l'écran, on diffuse déjà un reportage sur le nouveau Star Wars. Sur le sol sont posés des sacs à dos de trecking et des valises. On pourrait croire qu'il s'agit d'un hall de gare, on pourrait croire...

« Bonjour Monsieur », lance Fanny Rosoy à un des hommes qui est entré et que j'ai suivi jusqu'ici. Elle dirige l'établissement et s'adresse à chaque personne en disant « Monsieur », parce que c'est tout simplement ce qu'il convient de faire. « C'est une question de respect », m'explique t-elle.

Du café pour briser la glace

Chaque jour, elle reçoit avec son collègue une centaine de sans-abris arrivant de partout. Parmi eux, « des habitués », mais aussi des nouveaux venus et des réfugiés. « Le premier contact passe par un café », dit-elle en ajoutant : « Beaucoup ont honte, ne parlent pas beaucoup. Notre rôle est de leur souhaiter la bienvenue et de les aider à trouver un logement. »

Les personnes dans le besoin peuvent se doucher, laver leurs vêtements et consulter un médecin. Gratuitement, mais avec une obligation de rendez-vous au préalable. Il y a quelques années, on accueillait encore des femmes qui allaient et venaient. Mais il y a souvent eu des soucis dans la salle de douche, qui se compose de trois cabines individuelles. « Nombre de femmes se sont senties gênées », me confie Fanny Rosoy. Afin d'éviter tout risque de conflit, un établissement pour les femmes a été construit. À seulement quelques kilomètres de Aurore. Les deux centres sont placés dans les locaux de la ville de Paris.

Passé un petit jardin, que tous surnomment affectueusement « Cour Royale », la directrice m'emmène dans son bureau. Des bouteilles de Coca-Cola, des cartons avec des écharpes et des jus de fruits s'accumulent. « Ces dons sont pour le jour de Noël. Je les ai gardés uniquement pour le 25 décembre », dit t-elle d'un ton réjoui. Le premier jour de Noël, elle convie 80 sans-abris à un dîner dans son établissement. Les cartons d'invitation sont déjà prêts.

Aurore Association n'organise pas uniquement un repas commun pendant la période des fêtes, mais Fanny Rosoy et son équipe fournissent également aux sans-abris un repas deux fois par semaine.

3,8 millions de personnes sans « logement convenable »

Selon l'institut national des statistiques Insee, le nombre de sans-abris en France de 2001 à 2011 a augmenté d'environ 50%. En 2012, 140 000 personnes étaient sans domicile fixe, dont 10 000 sur Paris. Ce chiffre pourrait s'expliquer par les prix de l'immobilier qui flambent, le manque de logement sociaux et les refuges qui débordent. Dans le dernier rapport annuel de la fondation Abbé-Pierre pour l'aide au logement envers les plus démunis, il en est ressorti que 3,8 millions de personnes en France n'ont pas de « logement décent ». Elles vivent dans des caravanes, des sous-sols, des garages et des refuges. Comment est-il possible, qu'au coeur de l'Europe, autant de personnes, environ la population de Berlin, soient si démunies ?

Les chiffres sont effrayants et dévoilent face aux lumières scintillantes d'avant-Noël toute leur amertume. Noël - la fête de famille au coin du feu. Noël - l'instant où l'on se plaît à se retrouver chez soi. Nöel – un jour comme tant d'autres, pendant lequel Serge dort les pieds gelés et l'estomac vide. Serge ? Un SDF, sans domicile fixe, que j'ai suivi au sein de Aurore. Il me raccompagne à mon vélo. Lorsque je lui demande, ce qu'il entend par « habitat » et « chez soi », il me répond : « Avoir une clé et pouvoir refermer derrière soi, c'est ça pour moi avoir un chez soi ». 

Translated from Wohnungslos in Paris: Schlafen unter freiem Himmel