Les salles d’injections en Europe : piqures politiques ou panacée sociale ?
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Faut-il encadrer la consommation de drogues dures ? C’est une question que l’Europe se pose avec une intensité différente selon les pays. Si certains gouvernements avant-gardistes ont déjà institué ce qu’on appelle les « salles de shoot », d’autres préfèrent calmer les folles ardeurs. Au nom de l’éthique. Evidemment…
Bon, ok. Gageons que l’idée est un peu brut-de-pomme. De but en blanc, réserver des centres spécialisés aux junkies en mal de doses pour qu’ils se fixent en toute impunité, a de quoi faire frémir le peuple. Au demeurant, en France et en Italie, il semblerait qu’on ait peur des piqûres. Les deux gouvernements ont systématiquement repoussé les propositions de l’opposition quant à la prise en charge des toxicomanes. En France, l’intronisation des salles de shoot fait actuellement débat. En Italie la question n’est plus abordée depuis 2006. Les « stanze del buco » (littéralement « chambre de trou ») ont été enterrées. Apparemment pas la cocaïne. A Rome, des études scientifiques ont prouvé qu’il y avait une concentration d’alcaloïdes (molécules de la cocaïne) dans l’air…
Et pourtant, à l’heure où plus de 3 millions d’Européens consomment gentiment des opiacées, certains pays ont tenté l’expérience des « drogatoriums ». Ces endroits où les toxicomanes peuvent consommer crack, héroïne et cocaïne dans une relative sécurité. Suisse, Angleterre, Pays-Bas, Allemagne, Espagne, Luxembourg et Norvège ont testé le dispositif. Au Royaume-Uni, par exemple, un programme relatif aux « shooting galleries » a été impulsé en 2005 par le gouvernement. Et quatre ans durant, les trois cliniques de South-London, Darlington et Brighton, mandatées pour mener l’expérience, ont rencontré un succès probant. Moins de deals dans les rues. Moins de toxicomanes en évidence. Moins de meurtres aussi, selon The Independent.
Bref, les Anglais ont nettoyé leurs rues tout en démontrant que le système était opérant. En Allemagne, il existe 16 « Fixerstubens » (« salles d’injection »). Et, à Berlin, 70% de l’opinion publique serait favorable à leur diffusion. En Espagne, l’agglomération de Barcelone, qui compte aujourd’hui 4 « narcosalas », entend en construire 9 de plus d’ici à 2014.
De l’autre côté des Pyrénées, la seringue est pourtant encore taboue. L’initiative de la (brave) ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a fait l’effet d’un pétard mouillé… Alors, au regard des multiples dispositions voisines en matière de lutte contre la toxicomanie, la France ne doit tout simplement pas être dans la même veine. Snif ?
Photos : Une, Compound Eye/Flickr