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Les Petits Riens de Bruxelles : grand bazar solidaire

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CultureSociété

A Bruxelles, tous ceux qui n'ont plus les moyens de s'offrir des fringues de marque et des meubles design se donnent rendez-vous au magasin de l’association Les Petits Riens. Le lieu, adepte de l'économie sociale mais rentable, investit ses profits dans le logement des sans-abri.

 Laurent et Johan sont dans la zone d’accès du magasin Les Petits Riens, au 101 rue Américaine. Ils rassemblent des petites fiches roses et bleues où sont notés les numéros de vente des clients, puis font passer des sacs de course et saluent les clients. « Merci, et au revoir ! » fait Laurent à une vielle dame, avec un léger signe de tête. Laurent porte une gapette grise enfoncée sur le front et tire sur une cigarette, « Mouais » dit-il. « C’est bien que ça existe. Mais franchement – ce n’est rien de plus qu’un business. Un business social. Ils se font de l’argent avec ça. » Après avoir passé trois ans en prison, il vit dans un des logements des Petits Riens et travaille ici depuis 2009. « Je veux travailler pour de vrai et gagner de l’argent », dit-il tout en saluant d’un geste amical un autre client. « Bien sûr, je comprends qu’il y a des gens ici qui n’ont jamais travaillé de leur vie et qu’il faut d’abord qu’ils s’y habituent. Mais pour des gens comme moi ? Je serai prêt à faire n’importe quel travail. Et pas seulement ces activités, comme ils appellent ça ici. Mais je suis quand même content d’être ici ». Par « activités », il entend sa tâche à l’entrée du magasin. Aux Petits Riens, on est logé, nourri, blanchi; on doit donc en contrepartie assumer certaines responsabilités.

La grande Histoire des Petits Riens

Tout a commencé dans les années 30 lorsque le vicaire Edouard Froidure fit construire des terrains de jeux pour les enfants défavorisés et se mit à collecter des vêtements et des meubles pour les distribuer aux plus démunis. En 1937, il créé le premier centre d’accueil pour hommes sans domicile fixe. Ils pouvaient y vivre ensemble mais aussi y travailler, en collectant des meubles et des vêtements pour les revendre.

Nous tentons de proposer des solutions durables aux personnes qui s’adressent à nous »

L’idée de Froidure est toujours d‘actualité : « La mission des Petits Riens est la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale en Belgique. Nous tentons de proposer des solutions durables aux personnes qui s’adressent à nous », affirme Julien Coppens, directeur général des Petits Riens. L’association assume pêle-mêle la collecte des dons d’argent et d’objets, la vente des articles de seconde main, puis investit ses bénéfices dans divers projets sociaux, comme les logements destinés aux sans-abri. A Bruxelles, un centre d’accueil peut accueillir 120 personnes, plus 20 places réservées aux anciens sans-abri qui bénéficient d’un suivi dans le cadre de projets de logements sociaux. 170 employés réguliers travaillent dans les magasins de seconde main. Enfin, 120 personnes sont employées en CDI pendant un an, afin de préparer leur retour à la vie active. Ce genre de projets existe d’abord grâce aux dons, mais aussi aux clients, qui viennent acheter des articles de seconde main dans les magasins. « Environ 60% de notre clientèle ne dispose pas de revenus du travail. Ces clients sont soit chômeurs, étudiants, minimexés [ndlr : bénéficiaires de revenus garantis ] ou pensionnés. » Les 40 % restant disposent de revenus normaux. Ceux-ci « viennent chez nous pour le prix, l’originalité, le plaisir de fouiller et trouver une pièce rare ou originale… » précise Julien Coppens.

SDF en temps de crise

 témoignage dans le café social des Petits RiensAu premier étage, il y a des meubles : des tables à manger, des tables basses, des chaises, des fauteuils, des canapés. Sur certains, une étiquette affiche le prix, sur d’autres, un autocollant annonce « vendu ». Bayram est assis à l’une des tables et passe son temps à rouler des cigarettes. Il en a déjà cinq devant lui et est en train de faire la sixième. Bayram porte un bleu de chauffe et une casquette noire, il aura 59 ans au mois de mars. « Oui, je travaille ici » dit-il. « Problèmes de famille, et puis je suis tombé au chômage ».témoignage dans le café social des Petits Riens

Né près d’Ankara en Anatolie, c’est en 1973 qu'il est venu en Belgique. « J’ai toujours travaillé, jusqu’en 2006 ». Le chômage l’a fait venir aux Petits Riens en 2007 pour la première fois. Puis entretemps, il a vécu dans un autre centre d’accueil et depuis juillet 2009, il habite et travaille à nouveau ici. Il le vit comme une crise personnelle. « Mais je ne regrette rien, je suis content. Et de la crise, là-bas, dehors, on ne perçoit pas grand-chose ici. En ce moment, je travaille gratuitement, mais ce n’est pas grave. » Il continue de rouler sa cigarette puis interrompt son geste : « Au fait, à propos de la crise. On n’a plus le droit de fumer à l’intérieur », dit-il tout en souriant à travers ses verres de lunettes.

 « Les locataires apprennent ici à travailler et à respecter les autres » confie pour sa part Henri pour expliquer le concept de la structure. Cet homme de 49 ans travaille depuis trois ans aux Petits Riens et est responsable du premier étage. « Parfois, il faut simplement savoir écouter. Pas seulement les locataires qui donnent de l’aide, mais aussi les clients. Ils ont parfois simplement besoin de quelqu’un qui les écoute. » La collaboration des bénévoles, des employés et des locataires semble être une chose bien particulière. « Faut aimer ça », admet-il. La crise économique n’a eu aucune incidence particulière sur les ventes ou les dons. Selon le directeur général, la vente de vêtements a baissé de 5 % depuis mai 2009. « Les autres filières ont réussi à maintenir leur chiffre d’affaire stable, voire en légère augmentation. » Par contre, les demandes d'hébergement et de nourriture n’arrêtent pas d’augmenter depuis trois ans : « La crise n’a fait qu’aggraver des problèmes déjà existants. », soutient Julien Coppens. Ce qui semble surtout poser problème à l’association, c’est la difficulté du monde politique belge à travailler ensemble pour un même projet, à cause des multiples instances de décision et d’un manque cruel d’investissement dans le système social. « L’accumulation de problèmes auxquels doivent faire face nos usagers rend leur réinsertion de plus en plus difficile » conclue le directeur.

Photos: ©Stanislaw Jagiello; petitsriens.be/

Translated from ‘Les Petits Riens’ in Brüssel: Soziales Netz in Krisenzeiten