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"Les Menteurs" : le théâtre populaire, Chevalier et Laspalès

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La Parisienne

Par Maeva Daycard La pièce Les Menteurs d’Anthony Neilson jouée par Chevalier et Laspalès est la nouvelle pièce que présente le Théâtre de la Porte Saint-Martin. Retour sur ce spectacle grand public entre humour british et Matmut.

L’intrigue a été imaginée par l’anglais Anthony Neilson. Bien qu’il soit plus connu pour ses créations violentes et provocatrices (dont Penetrator, investigatrice du mouvement in-yer-face - vulgarité, sexe, nudité, humiliation), l’auteur s’exprime ici dans un registre d’apparence légère. Les Menteurs sied à merveille au tempérament de nos deux larrons. La mise en scène, très bien ficelée par Jean-Luc Moreau, est convaincante. L’histoire est tout public et divertit les spectateurs. Les éclats de rires se font entendre et ce du début jusqu’à la fin. Le décor est parfaitement londonien. Le living-room est décoré de cadres et photos diverses. Comme tout sujet qui se respecte, le couple incarné par Roger Van Hool et la distinguée Antoinette Moya a accroché aux murs des photos de Queen Elizabeth II. Un autre British très aimé de son peuple ne manque guère à l’appel : Freddy Mercury, qui se transforme pour le soir en chanteur assommant !

Une pièce ou un duo ?

En sortant de la salle, une pensée est commune aux spectateurs : le duo fonctionne à merveille. C’est indéniable. Ils connaissent très bien leur recette. Laspalès est superbe en policier naïf. Il est à tomber lorsque la vieille dame du n°58 perd la tête et leur sert le thé sur une dinette imaginaire. Son regard étincelle et le rictus qu’il arbore  ravit. On l’adore, ce rictus ! Chevalier nous la joue fine en bobby lâche et décalé. Et que dire du strip-tease ? « A big, delicious and tasty cherry on a cake ! » Au passage, Bruno Chapelle est craquant en sous-vêtements à paillettes.

Les autres comédiens font preuve de belles qualités scéniques et théâtrales, de bien jolies choses sont exprimées. Malgré cela, Philippe Chevalier et Régis Laspalès semblent les étouffer. Dommage, car à l’instar de l’élégant Roger Van Hool, la joyeuse troupe est somme toute convaincante. En vient alors la question suivante : que sommes-nous réellement venus applaudir ? Une adaptation théâtrale ou bien un duo d’humoristes? Philippe Chevalier a déclaré sur le plateau de France 2 que « le côté absurde des dialogues n'est pas si éloigné de ce qu'on fait et ça, je crois ça nous va pas trop mal » CQFD.

Néanmoins, il manque un petit quelque chose à la tenue du spectacle. Serait-ce dans certains gags prévisibles ? Peut-être est-ce dans le rythme, cet à contre-temps so british ? Quelques commentaires ici et là lors du salut dessinent l’impression générale : un démarrage « en dents de scie ». Oui mais pas que.

Qu’importait le flacon…

L’avantage des têtes d’affiche est, c’est entendu, le profit. Avant d’être proposée au duo, cette pièce a été choisie par la production de la Porte Saint-Martin. Autrement dit, la machine est bâtie autour d’une recette efficace. Elle correspond ainsi parfaitement au clivage public/privé. Valorisation de la création ou pression sur la billetterie ? Eternelle question dans le circuit théâtral. Nous sommes venus pour rire, peu importaient le sujet, le lieu ou le flacon. Le contenu serait-il laissé pour compte au profit de la forme ? Cette recherche du rire isole, peut-être, les deux artistes des autres comédiens. En d’autres termes, Les Menteurs pourrait confirmer notre attachement à ce qu’on pourrait appeler de « réflexe conventionnel ». La pièce nous rapproche de ce que nous connaissons (et aimons) déjà : le two-men show.

Au final, la soirée se déroule à merveille, elle frôle les deux heures. L’élégance du théâtre incite les férus d’esthétisme à savourer la soirée. Le rideau tombe, le public applaudi, dit bravo et rappelle les comédiens. Les visages de ces derniers se libèrent de leurs personnages. Le sacré du théâtre s’exprime alors, c’est l’harmonie entre un public et ses comédiens. Lorsqu’on y réfléchit, n'est-ce pas là le but de tout acte théâtral ?

(Photo © Pascal Ito)

Story by

Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.