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Les Magyars : les musulmans intégrés de Budapest

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Story by

rasidk

Translation by:

Default profile picture Daisy Maglia

CultureSociété

Dans un pays où prédomine la religion catholique romaine, les trois autres « religions historiques » – l’Église luthérienne, l’Église réformée et la Communauté juive – représentent environ 20% de la population. Les deux églises officielles  « non-historiques »à Budapest, à savoir les deux communautés musulmanes issues de l’héritage ottoman, semblent désormais ne plus reconnaître l’islam.

Il est vendredi midi et nous sommes dans la rue Safrany à Budapest. Une mosquée à l’apparence discrète accueille les fidèles qui y affluent pour la prière la plus importante de la semaine, la Jumu’a. Cependant, l’appel habituel à la prière ne résonne pas dans le voisinage. Située dans un immeuble récent rappelant le siège d’une institution d’état, la mosquée arbore fièrement le drapeau national hongrois et celui de l’Union européenne. Pour les passants ne se doutant de rien, aucun signe n’indique qu’il s’agit d’un lieu de culte, si ce n’est la présence d’une femme voilée.

« Églises » islamiques à Budapest

A l’intérieur, les fidèles pénètrent dans la spacieuse pièce principale de la mosquée destinée à la prière. Avec son sol soigneusement recouvert de tapis et baignée de lumière, la salle de prière semble assez grande pour accueillir des dizaines de fidèles. Or, quelques minutes avant le début de la Jumu’a, seuls une douzaine d’hommes sont présents, les femmes priant dans une pièce séparée, plus petite, située à l’opposé. La mosquée est entretenue par l’organisation des Musulmans de Hongrie, fondée en 2000 et connue également sous l’appellation paradoxale d’Église islamique hongroise (Magyarországi Muszlimok Egyháza, MME). Il s’agit de l’une des quatre communautés islamiques enregistrées dans la capitale. Cette dernière a été nommée ainsi en raison de la loi hongroise de 1990 sur la religion qui établit qu’une église est une entité légale sui generis, de même qu’aux Pays-Bas, c’est-à-dire une organisation religieuse reconnue par l’État.

Le Sultan Sulok, né en Hongrie, dirige l’organisation depuis un bureau situé dans la mosquée. « La communauté s’étant agrandie, nous avons dû déménager ici », me dit-il dans un bureau où règnent pèle-mêle des livres et des notes dans un chaos créatif. Sulok estime que la majorité des 32 000 musulmans de Hongrie vivent à Budapest. Ce chiffre est contesté par l’autre communauté enregistrée en Hongrie, la communauté islamique hongroise, qui estime le nombre de musulmans à 60 000. L’histoire de la Hongrie, et en particulier celle de Budapest, est fortement imprégnée par les musulmans et l’islam. Dans la capitale actuelle, seuls quelques vestiges historiques de son passé musulman subsistent. Le plus remarquable est le tombeau de Gul Baba, un leader militaire turc ayant succombé lors de la bataille de Budin, la partie de Budapest située sur la rive ouest du Danube. Budin, ville au départ insignifiante, se transforma en un centre urbain important. La ville possédait plus de 60 mosquées et librairies adjacentes ainsi que des bains turcs dont quelques-uns peuvent être visités aujourd’hui en tant que monuments.

Une communauté intégrée

Après le siège turc de Vienne en 1683, il fallut trois ans à l’armée autrichienne pour récupérer Budim. Ce fut alors la fin de l’âge d’or de la culture islamique dans cette ville dont la population fut soit expulsée, soit convertie. Budapest a dû attendre jusqu’au 19ème siècle pour voir le retour de l’islam et l’annexion de la Bosnie par l’Autriche-Hongrie. Des musulmans bosniaques arrivèrent alors à Budapest, souvent pour le service militaire, et y formèrent une communauté. La communauté islamique hongroise (Magyarországi Muszlimok Egyháza, MME) – qui n’emploie pas le mot « église » pour se définir - entretient toujours des liens très étroits avec les musulmans bosniaques d’autant plus qu’ils considèrent comme le père fondateur de leur communauté un imam militaire bosniaque qui vivait à Budapest avant la première guerre mondiale et la chute de l’empire austro-hongrois. Le chef de la communauté, Zoltan Bolek, m’accueille dans sa mosquée située dans la rue Robert Karoly. Contrairement à la lumineuse et toute nouvelle mosquée de l’Église islamique, celle-ci est plus modeste et porte les signes du temps. Les parois du corridor conduisant à la salle de prière sont recouvertes de photos. La place centrale est consacrée au premier imam, l’officier militaire bosniaque.

« Les Hongrois sont tolérants »

« Les Hongrois sont tolérants » déclare Bolek. Avant le nouveau projet de loi du parti de centre-droite Fidesz, l’État reconnaissait pleinement son organisation en tant que communauté traditionnelle religieuse. En effet, l’islam a d’abord été légalisé en Hongrie par la Loi XVII de 1916, et cette protection austro-hongroise n’a jamais été abolie. Comme le Sultan Sulok, Bolek est d’avis qu’il n’y a pas de discrimination contre les musulmans. Cette opinion contraste avec la tendance sociale générale actuelle en Hongrie, où les mouvements radicaux et les partis de droite sont en expansion. Le tristement célèbre parti Jobbik antisémite et anti-roms connu pour ses positions radicales envers les minorités en tous genres, gagne en popularité. Cependant, l’imam de la mosquée attachée à la communauté islamique de Hongrie, Jozsef Bordas, dénonce la politique du parti qu’il juge hypocrite : « Le Jobbik veut s’ouvrir à l’Est, mais prône des idées radicales aux électeurs. »

L’unité ou le pluralisme

Les musulmans de Budapest ne prient pas tous dans les deux mosquées officielles. Une douzaine de lieux de prière plus petits, les masjids, sont dispersés à travers la ville, situés pour la plupart dans des appartements ou des bureaux, tels que celui situé dans la mythique rue Bela Bartok. Toutefois, cet endroit est fermé aux fidèles en ce vendredi après-midi. Les masjids et les mosquées sont gérées indépendamment par des communautés locales manquant de cohésion entre elles. Les opinions divergent sur le principe d’une seule communauté nationale islamique. « Une communauté (islamique) ne serait pas une bonne solution », déclare Sulok. Il considère que le pluralisme constitue la juste valeur pour les musulmans hongrois. Bien que l’islam forme le cadre général, on y trouve une myriade dynamique de courants différents et de factions formant les différentes communautés organisées. Sulok estime que le concept d’une communauté islamique européenne, organisée selon le modèle de l’Église catholique, serait une idée plus intéressante ; un « concile » des imams européens. La communauté islamique hongroise ne partage pas ce point de vue avec l’Église islamique. « Une seule communauté islamique européenne avec un grand mufti (européen) serait une bonne chose, déclare Bolek. Il ne devrait y avoir qu’une communauté (nationale). Nous n’avons pas de problèmes avec les diverses interprétations de l’islam et acceptons des opinions différentes. » L’imam Bordas est quelque peu sceptique. « Les autres communautés ne respectent pas les autres interprétations. En pratique, cela n’est pas faisable. »

Cet article fait partie d'une série de reportages sur les Balkans réalisée par cafebabel.com entre 2011 et 2012, un projet cofinancé par la Commission européenne avec le soutien de la fondation Allianz Kulturstiftung. Merci à cafebabel.com Budapest.

Photos Une(cc) .craig/ anabadili.com; Guel Baba (cc) muppetspanker; femme voilée à Budapest  (cc) Nagy David/ courtoisie de flickr  © Rasid Krupalija pour Orient Express Reporter Budapest, 2012/ vidéo (cc) WadoodHUN/ youtube

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Translated from Magyar muslims: Budapest’s integrated communities