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Les Européennes, une auberge (électorale) espagnole

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En Espagne, le débat sur l’Europe est paradoxal. L’intégration dans l'Union ayant facilité la modernisation économique et la démocratisation du pays, l’opinion publique est attachée à l'idée européenne. Néanmoins, le manque de « pédagogie politique » sur l’Union européenne (UE) fait de l’Europe un objet politique lointain et méconnu.

Cette perception a peu de chances de changer à la faveur des élections de juin prochain...

Aucun pays, hormis l’Irlande, n’a autant bénéficié de l’intégration européenne que l’Espagne. Les diverses sources convergent : pendant vingt ans le pays a reçu, via des transferts de l’UE, 1 % de son Produit intérieur brut (PIB) des fonds structurels et de cohésion. Pour autant, l’Espagne n’a jamais renoncé à défendre avec fermeté ses intérêts, les diplomates espagnols se faisant même traiter de « cauchemar » par leurs collègues européens lors des négociations sur le budget ou le poids institutionnel de chaque pays. Cela n'empêche pas que les électeurs espagnols restent parmi les plus enthousiastes en faveur de l’intégration européenne. Les 77 % de « oui » pour la Constitution européenne, en février 2005, en sont le dernier exemple. L’Espagne qui fut longtemps un bon élève de l’orthodoxie budgétaire sachant allier soutien à l’intégration politique et défense de ses intérêts, serait-elle un modèle réussi d’européanisation ? Une analyse qualitative des débats préélectoraux vient ternir cette reluisante image.

En mars 2008, le président socialiste Zapatero était reconduit aux affaires. Sa majorité au Parlement était assurée par le soutien des partis nationalistes périphériques et, en matière de politique sociale, la législature s’annonçait prometteuse grâce aux excédents budgétaires. Aujourd’hui, la situation est tout autre : le chômage est passé de 9 à 15 % et le déficit public se creuse, limitant la marge de manœuvre du gouvernement. Sur le plan politique, Zapatero a perdu le soutien des partis nationalistes à l’issue de changements de majorité en Galice et au Pays Basque lors des élections du 1er mars.

L'opposition de Rajoy favorite

Il y a encore quelques semaines, les Européennes de juin s’annonçaient comme un plébiscite national en faveur de Mariano Rajoy, avec une opposition conservatrice rongée par des scandales de corruption et par une fronde interne contestant son « leadership » trop faible. Sans crier gare, ces élections sont devenues une rude épreuve pour un gouvernement dont le récent remaniement confirme les signes d’essoufflement face à la crise économique. C'est une des raisons pour lesquelles certains politologues qualifient les Européennes d’« élections de second ordre » : l’opposition y voit une opportunité de sanctionner le gouvernement tandis que les partisans de celui-ci peinent à en percevoir l’enjeu et donc à se mobiliser.

Le débat électoral s’annonce comme une transposition, sur le plan européen, des querelles nationales sur la crise économique : qui est responsable de cette situation ? Les politiques, qui n’ont rien expliqué des enjeux européens pendant des années ? Bruxelles, en raison de son éloignement ? Ou les simples circonstances du moment ? En tout cas, l'Espagne n'est pas sortie du « consensus permissif », faute d'une vraie interrogation sur sa place au sein de l'Europe. Le besoin de ce débat risque de s'imposer à elle en 2013, lors de la négociation budgétaire alors qu'elle deviendra contributrice nette au budget de l’Union. Le rendez-vous s’annonce déjà comme un défi.

Image cédée par l'Europe en DébatLa publication de cet article est le fruit d'un partenariat entre Eudebate2009.eu et le blog ARTE - L'Europe en débat - édité par les élèves du Collège d'Europe à Bruges.  Ce blog aborde en français et en anglais l’actualité européenne sur une base thématique. Son équipe, composée d’étudiants, assistants et professeurs du Collège, privilégie dans ses analyses la comparaison, la mise en perspective et le recul.