Participate Translate Blank profile picture
Image for Les bobos au fil de l'eau

Les bobos au fil de l'eau

Published on

Translation by:

Default profile picture Fernando Garcia

SociétéPolitique

Ancien emblème de la génération baba, la vie sur l'eau est devenu le privilège des bobos. Fini les péniches crasseuses et excentriques, place à de véritables maisons flottantes entièrement équipées pour matelots…très fortunés.

Le ‘Hendrika-Maria’ est amarré de l'autre côté du numéro 296 de la rue Prinsengracht. Cette maison flottante fait également office de musée péniche, le seul à Amsterdam qui attire les touristes venus des quatre coins du globe. Dans la chambre située à l'arrière du bateau, un épais matelas est installé. A travers un minuscule hublot, on aperçoit une autre embarcation touristique voguant sur les eaux sombres du canal.

Le musée péniche d'Amsterdam, maison flottante devenue musée

Un style de vie baba pour bobos

« Dans les années soixante, Amsterdam a connu une importante pénurie de logements, d'où une flambée des prix de l'immobilier. En comparaison, vivre sur une péniche était vraiment très bon marché. Un grand nombre de hippies ont alors opté pour ce mode de vie alternatif très 'cool' », raconte Marjet van Zadelhoff, la gardienne du musée.

Ces babas qui semblent aujourd'hui avoir laissé la place à des bobos plutôt nantis. Teti Verhoeff, qui travaille pour le service municipal chargé de gérer les péniches amarrées dans la capitale, m'explique que la situation a beaucoup évolué en quelques années. « Au début, vivre sur l'eau représentait la liberté absolue. Aucune règle, aucune obligation, soit une la perspective très attrayante. Ce mode de vie bon marché est très rapidement devenu populaire et de nombreuses personnes ont décidé de l’adopter. Mais peu à peu, les habitants des péniches ont commencé à se plaindre les uns des autres. L’espace est devenu également insuffisant et le fleuve surpeuplé. La municipalité a alors pris la décision d’imposer certaines règles. »

Ce qui n’était qu’une mode lancée par la génération du flower power est depuis devenue un véritable mode de vie, particulièrement prisé par la jeunesse hollandaise aisée. « De nos jours, habiter sur une péniche est considéré comme un art de vivre très raffiné, » poursuit Verhoeff. « Les gens souhaitent acquérir une petite embarcation pour leurs loisirs du week-end ou pour s’y installer de façon permanente. Mais d’une manière générale, ils veulent goûter aux joies de l’eau. C’est devenu une réalité ici à Amsterdam et, de ce fait, les prix ont grimpé. »

Habitations luxueuses pour riches propriétaires

Un peu plus haut sur Prinsengracht, Alessandra Enting garde la maison flottante d’une amie en son absence. « Les gens qui vivent sur des péniches ont tendance à passer pour des excentriques. C’est une idée totalement préconçue : nous sommes au contraire tout à fait normaux, » glisse t-elle dans la conversation. « Il est vrai qu'en général, nous exerçons des métiers extrêmement bien rémunérés, mais la vie que nous avons choisie coûte vraiment très cher. J’aimerais posséder mon propre bateau mais il faut 230 000 à 250 000 euros pour avoir le privilège d’acquérir une péniche traditionnelle » ajoute Enting.

« L’arche » dans laquelle vit Alessandra Enting parait extraite d’un magazine déco, spécialisé dans les demeures cossues. D’élégantes étagères blanches ornent les murs et dans l’angle de la cabine, un ordinateur dernier cri trône sur un ravissant bureau. «Nous avons ici tout ce qui est nécessaire au confort moderne : Internet, machine à laver, télévision. Le poteau électrique à l’extérieur nous fournit, ainsi qu’à nos voisins, l’électricité dont nous avons besoin », poursuit la jeune femme.

À tribord s’étend une terrasse en bois, cernée de hautes plantes vertes. Une petite table et des chaises de jardin meublent l’espace. « C’est le sentiment de liberté que dégage l’endroit qui m’attire le plus. Aucun voisin direct, la possibilité d’écouter de la musique sans se soucier de déranger qui que ce soit et un accès direct sur l’extérieur. Dans un immeuble, pour peu que vous viviez au deuxième étage, il est impossible d’avoir un jardin », conclut Enting.

André Aaldering vit sur sa péniche depuis 25 ans et s'acquitte chaque année d'une taxe de 800 euros. Mais ce sont les frais d’entretien de l’embarcation qui représentent la plus grosse partie du budget. « Le bateau doit être repeint tous les 2 ou 3 ans et le moteur vérifié tous les quatre ans. C’est très contraignant parce que je fais tout moi-même malgré mon penchant pour l’oisiveté, en particulier l’été », avoue-t-il.

Canaux londoniens

Ce mode de vie, qui semble se banaliser et devenir la norme à Amsterdam, est cependant perçu de façon tout à fait différente à Londres, qui aussi attire moult amateurs de vie aquatique. La demande au Royaume-Uni est d’ailleurs à la hausse. D’après le British Waterways, l'organisme qui gère une partie des demandes de mouillage dans les eaux de la capitale britannique, le nombre de propriétaires de bateaux augmente de 2,5 % par an et plus de 300 personnes sont actuellement inscrites sur les listes d’attente.

Adam Slade vit sur une péniche près de King’s Cross depuis plus de 17 ans. « J’adore cette façon de vivre ! Le centre ville est à deux pas et pourtant on est entouré de canards, d’oies, de cormorans, sans parler de la flore aquatique, incroyablement riche. Autre aspect loin d’être négligeable, vous pouvez toujours demander à une jolie fille de venir s’asseoir auprès de vous sur votre péniche », s’enthousiasme-t-il. Adam refuse d'ailleurs de dire le montant de ses dépenses. Il estime toutefois à environ 200 à 400 euros par semaine la location d’un espace de mouillage dans le quartier de King’s Cross.

Pour Dawn Menear et son frère Julian, l’argent n’est pas un problème. Ils aimeraient acheter une péniche pour s’y installer. « J’adore les canaux et la liberté qu’ils procurent. Il s’en dégage une atmosphère tellement chaleureuse et c’est une façon si économique de vivre. Mes enfants ont tous atteint l’âge adulte. Le moment est venu pour moi de changer de vie », confie Menear. Elle reprend : « il nous faut d’abord trouver un emplacement de mouillage, puis nous irons acheter notre bateau dans le nord de l’Angleterre et le ramènerons à Londres. J’aimerais trouver une péniche traditionnelle, rouge et verte. Nous sommes conscients que cela risque de prendre un peu de temps, mais nous sommes prêts à attendre autant qu’il le faudra. »

Si l’on considère ce que coûte l’acquisition et l’entretien d’un bateau à Londres, alors non, habiter sur l’eau n’est certainement pas le mode de vie le moins cher qu’il soit. Toutefois, comparé aux prix des logements terrestres, la solution est peut-être idéale...

Merci à Menno Bart de la rédaction d'Amsterdam

Crédit photos : Péniche ©Facing North East/flickr; Musée à Amsterdam ©Mor BCN/flickr + houseboatmuseum.nl

Translated from Purchase power beats flower power on canals