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Le Bourgeois Gentilhomme ou l’imbécile heureux

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La Parisienne

Mis en scène par Catherine Hiegel, François Morel joue le Bourgeois Gentilhomme de Molière au théâtre de la Porte Saint-Martin, à Paris. Entre l’incarnation réussie du premier rôle et la restitution impeccable de la société de l’époque, la pièce est une agréable transcription d'un classique théâtral. Il entre comme un tromblon paré d’une robe de chambre indienne.

C’est un obus d’innocence qui vient de traverser la scène du , interrompant d’un coup d’un seul, une discussion d’adulte sur les bienfaits de la danse et de la musique. En deux phrases, vous avez le pitch. Il suffit de resituer la scène dans le contexte de l’époque pour décrire aussi laconiquement qu’est tonitruante l’entrée de notre personnage, la pièce qui nous est donnée de voir.

théâtre de la Porte Saint-Martin

Le tromblon, c’est notre . Au départ, il n’est qu’un individu estimé par son patrimoine, avide de parvenir à un accessit au sein de la monarchie de . Ici et là, ce bourgeois débonnaire fait des pieds et des mains pour compter parmi « ». De la danse à l’escrime, en passant par la philosophie et la bienséance, l’idiosyncrasie de la pièce réside dans le rapport désordonné que va entretenir avec les sciences.

Bourgeois GentilhommeLouis XIVles personnes de qualitéMonsieur Jourdain

La Morel de l’histoire

Le cancre des mondanités, le philistin, l’homme-enfant, la gourde, la candeur ridicule, le pigeon cossu, c’est . Autant sur le plan physique que moral, le comédien incarne, toute la pièce durant, les éléments caractéristiques du personnage créé par . Vaniteux, naïf et capricieux, le Jourdain de Morel devient innocent, compatissant et attachant. La quintessence de la niaiserie en devient même christique lorsque le bourgeois, assis en tailleur au centre de la scène, regarde, ébahi, les farandoles de danseurs et de musiciens animés par le seul dessein de lui soutirer des louis. C’est cet envoûtement qui fera du Bourgeois Gentilhomme un , certes simplet, mais heureux.

François MorelMolièremamamouchi

Proche de dans le physique, c’est à que François Morel fait penser. La façon de se grimer, la bonhomie et l’ânerie feinte qui cache une grande intelligence de jeu sont autant de particularités partagées par les deux trublions. Autre chose : François Morel a de gros mollets. Suffisamment corpulent en tout cas pour renvoyer à l’image d’un bourgeois dont l’embonpoint était aussi une condition pour interpréter le rôle principal. « », confiait Morel au.

DesprogesColucheJe pensais qu’il fallait être un peu rond. Je ne suis pas très mince mais le Bourgeois, je ne me l’imaginais qu’avec le physique de ses grands interprètes passés, comme Louis Seigner ou Jacques Charon. En fin de compte, je pense que je peux en avoir la tête. Journal du Dimanche

L’esprit d’une époque

Mais si l’humoriste-chanteur-comédie-acteur-chroniqueur comporte avec autant d’aisance toutes les singularités d’un personnage tragi-comique, c’est aussi grâce à l’aéropage de rôles secondaires qui l’accompagne. On pense à qui joue sa femme-exténuée (pendant théâtral de , la femme de dans ), à en maître de philosophie ou encore à qui joue en dandy sans scrupule.

Marie-Armelle DeguyValérie BonnetonFrançois CluzetLes petits mouchoirsAlain PralonEmmanuel NobletDorante

Reproduction du classique de Molière, la pièce mise en scène par , ne déroge à aucune règle du genre. Soutenu par des costumes et des décors époustouflants d’authenticité, c’est un véritable spectacle qui nous est donné à regarder. Avec pas moins de comédiens, le Bourgeois Gentilhomme version s’apprécie paradoxalement dans ce qu’il a d’immémorial : les intermèdes musicaux et chorégraphiques sont tout bonnement somptueux. Et c’est aussi la grande réussite de la pièce tant Catherine Hiegel a réussi à plonger le spectateur dans l’univers grandiose de la royauté du .

Catherine Hiegel27201217ème siècle

Le Bourgeois Gentilhomme mis en scène par Catherine Hiegel, au théâtre de la Porte Saint-Martin jusqu’au 27 mai.

Story by

Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.