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L'as dans la manche des Européens

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L'Europe ne doit pas laisser la main aux Etats-Unis avec leur projet de « Grand Moyen Orient ». D'autant qu'elle a des atouts, comme le partenariat euro-méditerranéen.

L’Union Européenne a depuis longtemps développé des relations étroites avec le Monde arabe et Méditerranéen, notamment au travers du Partenariat Euro-Meditérannéen. Mais suite à la guerre en Irak, les Etats-Unis ont affiché leur intention de s’occuper du Moyen-Orient, et ont présenté des mesures pour redessiner ce qu’ils appellent le « Grand Moyen Orient ». L’UE est-elle capable de formuler une réponse à l’initiative américaine ?. Elle pourrait se trouver dans un partenariat stratégique entre les politiques Européennes en Méditerranée et au Moyen-Orient.

« Greater Middle East Project » contre Partenariat Euro-Méditerranéen

C’est dans la forteresse océane de Sea Island que George Bush a présenté son projet de Grand Moyen Orient qui vise à bouleverser la donne économique et géopolitique de la région. Les puissants de la planète ont donc adopté lors du G8 une stratégie globale afin d’initier un cercle vertueux de démocratisation et de libre-échange dans une région allant du Maroc à l’Afghanistan. Reconnaissant qu’il est nécessaire de s’attaquer au sous-développement, à la pauvreté, et au retard économique pour mettre fin au terrorisme, George W. Bush, a opté pour une solution consensuelle qui est sensée résoudre les problèmes à la source. Cependant, nombre de commentateurs se sont montrés sceptiques quand aux buts réels recherchés par les Américains et prônent un engagement stratégique de l’Union Européenne au Moyen-Orient.

Car beaucoup des mesures proposées par l’administration américaine sont en réalités similaires à celles incluses dans le Partenariat Euro-Méditerranéen (PEM), signé en 1995 par l’Union Européenne et 12 pays du bassin Méditerranéen (1). L’objectif défini était de faire du bassin méditerranéen une zone de dialogue, d’échanges et de coopération en vue de garantir la paix, la stabilité et la prospérité. La Déclaration de Barcelone, comprend trois volets qui visent à mettre en oeuvre les principaux éléments d’un partenariat politique et de sécurité, d’un partenariat économique et financier et d’un partenariat dans les domaines social, culturel et humain. Cependant l’objectif majeur sur l’agenda euro-mediterranéen est la création d’une zone de libre-échange d’ici à 2010.

Un des avantages du processus de Barcelone est d’avoir constitué un des premier forum où Israéliens et Palestiniens ont pu être réunis autour de la même table. Le projet de « Greater Middle East » passe également par la résolution du conflit israélo-palestinien. Et les Européens de rappeler qu’ils y ont déjà consacré depuis 1995 des milliards d'euros . De plus, sur la période 2000-2006 le MEDA, instrument financier du partenariat s’est vu doté de 5,35 milliards d’euros. A cela s’ajoute les prêts de la Banque Européenne d’Investissement qui s’élèvent à 17 milliards d’euros sur la période 2003-2006. Or, selon Le Monde, les Etats-Unis n'ont pour l'instant alloué à leur projet des crédits se chiffrant tout au plus à 150 millions de dollars (2).

De la Méditerranée à l’Irak

La question se pose dès lors de savoir quel peut-être l’apport des Européens dans ce projet : comment exporter la démocratie en Irak ? L’Europe se doit de jouer un rôle au Moyen-Orient et le PEM en devient d’autant plus pertinent face aux enjeux actuels. Il faut donc renforcer et faire évoluer le partenariat, les leaders européens devant faire preuve de volonté politique, en évitant de laisser s’instaurer une asymétrie dans leurs relations avec leurs voisins du sud de la Méditerranée.

Le PEM dispose en effet de nombreux atouts, notamment d’un réseau solide et important de programmes qui structurent un espace de coopération en matière économique, d’environnement, d’infrastructures énergétiques ou encore de télécommunications. La guerre en Irak ayant entraîné une déstabilisation globale d Moyen-Orient, il est important, selon Jean-François Daguzan , de ne « pas laisser les pays du golfe Arabo-Persique en tête-à-tête avec les États-Unis, alors même que la conquête de l’Irak a été vécue par les opinions publiques comme une agression et une occupation » (3). Dès lors se pose également la question de savoir si une politique commune est possible entre les 25 vis-à-vis de l’Irak, un pays qui s’enfonce chaque jour un peu plus dans le chaos.

Coopération et partenariat stratégique Méditerranée/Moyen-Orient

Joschka Fisher a proposé de mettre en œuvre une « initiative transatlantique pour le Proche et Moyen- Orient » dans le cadre d’un processus méditerranéen commun à l’Otan et l’Union Européenne. Il s’agit d’accroître la complémentarité des deux initiatives américaine et européenne et de réfléchir aux questions de sécurité, de non-prolifération, de coopération économique, mais aussi de l’avènement de la démocratie dans ces pays ainsi que des droits de l’homme. La Commission européenne a également soumis en mars 2004 un rapport intermédiaire sur un partenariat stratégique avec la Méditerranée et le Moyen-Orient, adopté par le Conseil européen des 17 et 18 juin. L’UE est actuellement en train de consulter les pays de la région (chose que les Américains n’ont pas faite), et présenteront lors du Conseil européen de juin 2004, les principes clés de cette stratégie.

C’est une première étape vers une stratégie distincte de l’UE. Il s’agit d’innover, d’établir un climat de confiance et d’éviter que le Moyen-Orient ne tombe sous protectorat américain. Mais aussi de ne pas imposer un modèle extérieur à ces pays, et de prendre en compte les différentes identités nationales, et de pas stigmatiser l’Islam. Il est donc crucial que les Européens définissent rapidement leur stratégie. Et évitent de laisser les Etats-Unis jouer seuls leurs pièces sur l’échiquier.

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(1) Tunisie, Maroc, Algérie, Chypre, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Malte, Palestine, Syrie, Turquie.

(2) Le Monde, a« Démocratie, développement économique : ce que dit le plan américain », 27 Février 2004.

(3) Jean-François Daguzan, Professeur associé à l’Université de Paris II, Panthéon-Assas, rédacteur en chef de la revue Maghreb-Machrek, in « La Méditerranée au prisme du nouveau panorama stratégique », Revue Défense Nationale, mai 2004.

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