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L’agriculture vivrière à la reconquête des assiettes

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Bruxelles

Par Abider Bouzid La crise est une chance pour les paysans des Pays du Sud. C’est la théorie développée par les réalisateurs d’un film disponible sur le site internet de l’ONG SOS Faim.

Pour les acteurs de ce documentaire, le pari est de transformer la crise alimentaire à laquelle ils sont durement confrontés depuis 2007-2008 en une opportunité pour repenser les modes de production agricole et les règles qui régissent le commerce des produits. Réflexions.

Dans la foulée des émeutes de la faim qui ont touché dans le courant de l’année 2008 l’Egypte, le Sénégal, l’Indonésie et bien d’autres pays africains et asiatiques, on assiste à un retour en grâce de certaines des thèses malthusiennes. Mais ce sont cependant, les pourfendeurs de l’agriculture intensive qui se montrent les plus convaincants. Ceux-là ont désormais un nom : les défenseurs de l’agriculture vivrière. Ils sont paysans pour la plupart, mais aussi des scientifiques, des intellectuels, et militants altermondialistes. Pour eux, la planète a assez de ressources pour nourrir 12 milliards de personnes à condition de repenser de fond en comble les choix agricoles adoptés jusqu’ici. Ces nouveaux David de l'agriculture écologique et équitable, de plus en plus nombreux et plus visibles que jamais, posent le problème des crises alimentaires passées et susceptibles de se reproduire à l'avenir, en des termes commerciaux avant tout. Bien plus que l’explosion démographique, ce sont les règles de l’OMC et la logique du libre-échange à outrance qui, à leurs yeux, sont à mettre en cause.

A travers le vécu et les témoignages des paysans africains, mais aussi européens gagnés à la cause d’une profonde réforme agricole, il est facile de retracer la géographie des échecs de l’agriculture intensive et de montrer les dégâts infligés aux populations rurales africaines par les cultures rentières. Pour ce faire, il suffit d’aller prendre la température aux marchés de Niamey et Dakar à la recherche de la vérité perdue. Le constat que font les acteurs sur le terrain est implacable : l’Afrique importe presque toute son alimentation et n’exporte que la misère. Ruinés par les prix bas pratiqués sur les produits d’importation subventionnés, les populations rurales sont poussées dans les villes, et les jeunes attirés par les sirènes de l’émigration dans l’espoir de trouver un gazon plus vert dans les pays du Nord.

Longtemps inaudibles et très peu écoutés, les paysans africains tentent néanmoins d’unir leurs forces et de s’organiser. Leur combat en faveur de la souveraineté alimentaire trouve des partisans au cœur même des grandes puissances industrielles, parmi les organisations professionnelles paysannes. La plateforme paysanne regroupant plusieurs pays africains, défend avec une foi de charbonnier le droit des peuples à décider eux-mêmes, des politiques agricoles qui leur conviennent, au lieu de subir le dictat de la Banque mondiale, des multinationales et des rentiers locaux. Il a été longtemps expliqué, par exemple, aux agriculteurs africains qu’ils gagneraient à se spécialiser dans certaines cultures, en réalité de moins en moins rentables : le cacao en Côte D’ivoire, l’arachide au Sénégal et le coton au Mali et au Burkina Faso. Résultat des courses : beaucoup de pays africains, autrefois auto-suffisants, ne le sont plus. La position du Niger qui s’est payé le luxe de refuser la signature de la dernière mouture des accords ACP (Afrique, Caraibes et Pacifique), témoigne d’une prise de conscience collective chez les paysans africains. Ils refusent d’être les dindons de la farce et ne se sont pas gênés de l’exprimer devant les députés européens lors de leur passage à Bruxelles.

Même sentiment chez leurs alter egos du Nord. Les petits paysans européens subissent eux aussi, les dérives de l’agriculture intensive et aspirent à un retour aux sources. Au Grand-duché de Luxembourg, la réussite de Luxlait est souvent citée en exemple d’une nouvelle forme de corporatisme qui s’organise. Cette coopérative regroupant plusieurs producteurs de lait, permet à ces derniers de transformer et de valoriser leur production et d’échapper au rouleau compresseur de la grande distribution. Ce qui améliore leurs revenus et assure la pérennité de leurs exploitations. La dernière crise alimentaire a sonné le tocsin de certaines idées reçues, à commencer par celle de tout importer au nom de la sacro-sainte compétitivité. Elle a permis entre autres, au Niger, de redonner des couleurs à la filière laitière locale et de réduire sensiblement la facture des importations (27 millions d’euros environ). Même la Banque mondiale, une fois n’est pas coutume, fait profil bas et reconnait à demi-mots l’échec des choix agricoles dont elle était jusqu’ici, un fervent défenseur. Ce qui est un réconfort de plus dans l’escarcelle de la paysannerie et dans son combat pour sa survie.

Pour continuer la réflexion :

Le film « La crise alimentaire, une chance pour les paysans »