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L’agriculture espagnole au sein de l’Union européenne

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Quand la PAC s'en mêle

Oranges, fraises, tomates, huile d’olive... les produits espagnols sont souvent incontournables. En effet, ils s’imposent sur les étalages des supermarchés français. De manière générale, depuis son entrée dans l’UE, l’agriculture espagnole est très présente dans l’Europe des 27.

L’Espagne, producteur de soleil

Même si l’Espagne tire aujourd’hui le plus de revenu du tourisme, elle est une puissance agricole incontestée. Avec 25 600 000 hectares consacrés à l'agriculture, soit 50 % de la surface totale du pays, l’Espagne possède la deuxième plus grande surface agricole utile de l’UE, juste après la France. La taille moyenne des exploitations espagnoles est de 21 hectares. On pourrait s’attendre à un chiffre similaire à celui de la France (50 hectares), pourtant, elle se situe juste au-dessus de la moyenne européenne (18.5 hectares). En comparaison avec la plupart des autres pays européens, l'Espagne est davantage soumise aux variations météorologiques interannuelles. Ainsi, la production agricole espagnole peut varier de 20% d'une année sur l'autre, ce qui la rend plus vulnérable.

Avec ses nombreuses côtes, l’Espagne est un des pays les plus aquacoles de l’UE. Par ailleurs, à l'intérieur de la péninsule (Castille, Nord-Ouest) les conditions sont difficiles et lorsque l’agriculture y est possible, on y trouve la culture de céréales, de pommes de terre, d'oléagineux et de betteraves à sucre. Les zones irriguées (huertas) des grandes vallées et des plaines côtières produisent des fruits (agrumes) et des légumes (tomates). Ces productions sont en bonne partie destinées aux exportations mais aussi au marché intérieur et à l'industrie des jus et des conserves. La production des fruits et des légumes représente le premier secteur agricole espagnol (plus d'un quart de la production finale au niveau économique). C'est aussi le secteur le plus dynamique. Le vignoble espagnol est aussi le plus étendu de l'Union européenne (plus d'un million d'hectares) avec des vignobles de qualité qui s'affirment. Mais l’Espagne est surtout connue pour ses oliveraies : elle est le premier producteur mondial d'huile d'olive et d'olives de table.

La péninsule Ibérique produit des aliments gorgés de soleil qui se sont affirmées sur le marché européen, mais elle importe quand même aujourd’hui beaucoup de blé, de lait et de viande bovine.

Comment l’agriculture espagnole a trouvé sa place dans l’UE ?

À Madrid, la mort du général Francisco Franco, le 20 novembre 1975, ouvre la voie au changement politique. Le prince Juan Carlos, son successeur désigné, devient alors roi d'Espagne et entame la démocratisation du pays. Faisant suite à la demande formelle d'association restée lettre morte en février 1962 à cause de la dictature, l'Espagne dépose officiellement sa candidature d'adhésion à la Communauté européenne le 28 juillet 1977, soit un mois à peine après la tenue des premières élections législatives démocratiques. La Commission européenne remet, malgré les difficultés pressenties, un avis favorable le 29 novembre 1978. Entamées le 5 février 1979, les négociations, longues et pénibles, aboutissent à la signature à Madrid le 12 juin 1985 de l'acte d'adhésion de l'Espagne à la Communauté européenne. Officiellement, l’Espagne est entrée dans l’UE le 1er janvier 1986.

Les négociations avec l'Espagne s'avèrent compliquées car les agriculteurs du sud de la France et d’Italie sentent leurs intérêts économiques directement menacés par certains produits (huile d’olive, agrumes, tomates,etc.). Par ailleurs, dans un contexte général de récession économique, certains pays craignent que les produits agricoles espagnols n’inondent le marché européen déjà menacé par la surproduction intérieure. D’autant plus qu’au moment de la demande d’adhésion, près de la moitié des exportations espagnoles sont déjà écoulées au sein du Marché commun européen. Tous rechignent également à faire des concessions sur l’Europe de la pêche : la flotte espagnole est alors la plus importante du continent (17 000 bateaux). Lui permettre un libre accès aux eaux européennes risquait de faire voler en éclats la nouvelle politique commune. Les anciens membres redoutent enfin que l'adhésion de l'Espagne ne creuse davantage les disparités régionales de la Communauté.

Les Neuf posent alors des conditions draconiennes à l’Espagne et un consensus est adopté. Par exemple, la baisse des droits de douane concernant les fruits et les primeurs est ainsi échelonnée sur dix ans. En échange, des accords sont prévus pour limiter les exportations de certains produits des pays déjà membres vers l’Espagne, comme le lait, les viandes bovines et porcines, le blé et le sucre.

Globalement positive, l’intégration l’a été en premier lieu sur le plan politique. L’adhésion a contribué en ce domaine à consolider la démocratie et a permis à l’Espagne de s’affirmer comme une puissance internationale. L’entrée dans l’UE a également été un succès sur le plan agricole, en effet, la PAC a participé à la correction de déséquilibres régionaux très forts en Espagne. L’adhésion a également confirmé une modernisation de l’agriculture qui avait déjà été entreprise par Franco sous la dictature.

Des difficultés à résoudre...

Au jour d’aujourd’hui, des pays membres de l’UE, comme la France, se plaignent d’une concurrence déloyale face à l’Espagne.

D’une part, un déséquilibre existe au niveau du prix de la main d’oeuvre : alors qu’il est de l’ordre de 12 euros en France il est seulement de 7 euros en Espagne. Celle-ci engage une quantité importante de clandestins africains, qu’elle n’hésite pas à sous-payer, sans parler des conditions douteuses dans lesquelles ils travaillent. On trouve ce problème particulièrement dans le secteur des fruits et des légumes qui nécessitent une main-d’oeuvre importante.

D’autre part, l’Espagne utilise encore des produits chimiques interdits par l’UE, comme le bromure de méthyle. Il s’agit d’un poison violent interdit par le protocole de Montréal sur les gaz attaquant la couche d’ozone signé en 1987. L’utilisation de ce produit chimique et la diminution du prix de la main d’oeuvre permettent à l’Espagne de réduire ses coûts de production ce qui la rend plus compétitive sur le marché commun, mais qui nuit aux autres pays. Le rôle de l’UE serait de trouver des solutions d’homogénéisation entre les membres de la Communauté pour des échanges commerciaux justes. L’Espagne doit aussi dès à présent faire face aux problèmes sociaux et environnementaux liés à son agriculture.

En parallèle, l’UE va devoir aider l’Espagne à affronter des difficultés pédo-climatiques croissantes. En effet, le pays rencontre de grosses difficultés depuis plusieurs années. Les sols, déjà peu fertiles et souvent surexploités, sont de plus en plus tassés. Par ailleurs, la sécheresse sévit depuis 60 ans. Une modernisation s’impose : celle de l’arrosage des cultures. Il existe des systèmes informatisés qui permettent de doser les arrosages et qui évitent des pertes énormes, mais qui sont encore trop peu utilisés aujourd’hui. Il est nécessaire que l’UE trouve des solutions adaptées aux difficultés dues au réchauffement climatique que rencontrent les agriculteurs espagnols.