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La solidarité peut-elle être un délit ?

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En France, ce "délit de solidarité", c'est un peu le phare que l'on aperçoit au loin dans une mer agitée. Il s'allume et s'éteint au rythme de la bagarre qui se déroule à l'intérieur.

Le phare allumé, on crie à l'immigration illégale qui menace notre pays, le phare éteint, on constate que la justice se rapproche dangereusement de la non-assistance.

"Délit de solidarité"

Le terme "délit de solidarité" est employé par des associations d'aide, comme la GISTI (Groupe d'information et de soutien des immigrés) pour parler de la loi L622-4 qui encadre l'aide au séjour et à l'entrée sur le sol français, d'étrangers en situation irrégulière.

Cette loi, qui date de 1945 avait pour but de lutter contre les réseaux organisés et les passeurs, qui agissent dans un but purement économique. Ces réseaux n'hésitent pas à réclamer de fortes sommes d'argent aux personnes qu'ils transportent.

Le problème, c'est que la loi française ne fait pas la distinction entre les personnes qui agissent dans un but lucratif et ceux qui le font de manière totalement désintéressée. Contrairement à l'Allemagne, l'Espagne ou l'Italie, dont les lois portent sur l'aide aux étrangers dans un but lucratif, la loi française ne précise pas ce détail : "Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 euros." (article L622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile).

Une loi paradoxale et contradictoire

Cette loi est paradoxale comme le souligne Serge Slama, conférencier en droit publique, interrogé sur France Culture, car la France pénalise l'aide au séjour irrégulier alors que le délit de séjour irrégulier tout court n'existe plus.

Serge Slama : "Grâce à un certain nombre de décisions de la Cour de Justice de l'Union Européenne de 2011 et la loi Valls de 2012, le délit de séjour irrégulier n'existe plus, il a disparu du droit français et le délit d'entrée devrait être lui aussi révisé en vertu d'une autre décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne."

Quant à la question de la légitimité de ce délit, il ajoute :

"Je pense qu'il y a des principes supérieurs en droit, notamment qui sont dans la Déclaration des droits de l'Homme ou dans les conventions européennes des droits de l'Homme et je pense qu'il y a des principes supérieurs qui nous disent de désobéir"

"Il faut changer les lois"

Depuis plusieurs années de nombreuses affaires concernant l'aide aux migrants et aux sans papiers ont été jugées, certains militants ont été condamnés, d'autres relaxés.

Le dernier jugement en date est celui de Cédric Herrou, un agriculteur de la vallée de la Roya, dans le sud de la France à la frontière italienne, qui était venu en aide à des migrants.

Le jour de son procès à Nice le 5 janvier dernier, soutenu par une foule de manifestants, il avait répondu au New York Times : "Si la loi est contre les actions d'aide à des gens dans la détresse, il faut changer les lois."

Le 10 février 2017, Cédric Herrou a été condamné par le tribunal de Nice et a écopé d'une amende de 3000€ avec sursis.

La veille, près de 200 personnes s'étaient rassemblées Place de la République à Paris et de nombreuses associations et organisations ont déjà signé le manifeste du collectif Délinquants Solidaires, contre cette loi. Parmi ces associations : Emmaüs International, Médecins du Monde France ou encore Utopia 56.