La rencontre d'Einstein et d'un plat de spaghetti bolognaise sous un nuage de cendres volcaniques….
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Par Tania Gisselbrecht, traduit par Camille Portehault
Vous avez déjà pensé à l'impact d'un plat de spaghetti bolognaise sur l'environnement ? Vous vous êtes déjà demandé si Einstein avait une vie amoureuse ? Vous avez déjà rêvé de pénétrer au cœur d'un volcan ? Vous faites peut-être partie des milliers de fans insoupçonnés de la science !
Dans ce cas, le Festival Européen du Téléfilm et des Nouveaux Médias pour la Science qui s'est tenu à Strasbourg, en collaboration avec la Fondation Européenne de la Science, les 22 et 23 octobre 2010 était fait pour vous. Pour en savoir plus sur cet événement et sur la place de la science dans les médias actuels, nous avons interviewé Andrew Millington, directeur et coorganisateur du festival et fondateur de Paws, agence de communication scientifique située à Londres.
Un festival consacré à la promotion de la science à la télévision et dans les programmes des nouveaux médias
Le festival a proposé aux spectateurs une large série de films scientifiques. Outre les revues classiques, cet événement a également mis en lumière des programmes qui présentent une approche informelle, humoristique ou même show-business de la science (pour les synopsis des programmes sélectionnés, consultez cette page).
Les mots d'ordre de ce palmarès? «Qualité, diversité, originalité ». L'un des défis consistait à sélectionner des films qui séduisent toutes les générations. Les docu-fictions semblent convenir aux anciennes générations, alors que les productions des nouveaux médias sont incontestablement adaptées aux plus jeunes. Les reportages de CERNTv (1) diffusés sur Youtube illustrent bien le rôle du web comme vecteur de l'information scientifique.
La soirée de remise des prix 2010 a eu lieu à Londres, dans le cadre de l'année de la Science de la chaîne BBC, le 22 novembre 2010. Les récompenses ont été décernées pour quatre genres, à la télévision et dans les nouveaux médias (documentaire, fiction, programme télévisé général, nouveaux médias). Trois prix spéciaux (meilleur programme traitant de l'environnement, meilleure présentation sur ou par une femme scientifique ou ingénieure, meilleur documentaire sélectionné par un jury d’adolescents) ont également distribués.
Le but du festival est double : diffuser à plus grande échelle le meilleur de la télévision européenne, et donc montrer largement quel est la place de la science au petit écran et dans les programmations des nouveaux médias. Il a également été conçu comme un forum rassemblant les différentes professions concernées, des scientifiques aux ingénieurs, des scénaristes aux producteurs, pour débattre des questions scientifiques sous un angle audiovisuel. L'édition de 2010 du festival a été annoncée comme une nouvelle version. Bien qu'il ait lieu en Europe depuis dix ans, c'est la première fois que le festival aborde tous les genres (télévision et nouveaux médias) et que des prix spéciaux supplémentaires sont décernés. Pour des raisons historiques, depuis sa création, les récompenses étaient toujours distribuées à Londres. Cela dit, les organisateurs souhaitent qu'à partir de l'année prochaine, le festival et la remise des prix se déroulent à Strasbourg. Un tel changement améliorerait clairement la visibilité de cet événement. Strasbourg s'est en quelque sorte imposée comme une évidence : elle est capitale européenne et abrite le siège de la Fondation Européenne de la Science. Malgré les défauts de l'édition 2010 (un budget limité et la diffusion de certains films disponibles uniquement en anglais), les critiques semblent avoir été positives. Le directeur du festival affirme qu'à partir de l'année prochaine, les films seront projetés en anglais et en français afin d'attirer un public plus nombreux.
Les défis de la transmission de la science
PAWS se décrit comme une agence de communication scientifique. Elle s'est fixée l'objectif de déployer toute la gamme d'outils audiovisuels disponibles pour améliorer la communication et la compréhension de la science et de la technologie. Dans un monde qui évolue rapidement et où des nouveaux médias ne cessent de voir le jour, une telle activité jouera un rôle de plus en plus essentiel. Afin de transmettre la science à un public varié (grand public, producteurs de TV, etc...), PAWS produit différents programmes et organise divers événements accessibles à tous. Lorsqu'interrogé sur les difficultés rencontrées pour trouver de nouveaux moyens de cibler une audience plus large, notre interlocuteur réfute catégoriquement l'idée que les spectateurs, quel que soit leur âge, sont insensibles à la science. Il faut simplement trouver comment les intéresser. Bien sûr, aujourd'hui, bon nombre d'entre nous veut en savoir plus sur la science et sur la technologie. En particulier parce que nous voulons être au courant des problèmes qui affectent notre quotidien (énergie nucléaire, énergie, changement climatique, nouveaux traitements thérapeutiques...). Même si nous ne nous en rendons pas toujours compte, la connaissance scientifique est devenue primordiale pour prendre une bonne décision, que ce soit dans le cadre de notre vie personnelle ou dans le processus de décision politique. Lorsque je l'ai questionné sur la place plutôt réduite de la science à la télévision, il m'a répondu clairement: "Non, ce n'est pas vrai!. C'est la quantité de science pure et dure qui est réduite, qui décline même probablement, mais si l'on y regarde de plus près, on trouve plus de science dans les médias que ce que l'on pourrait penser. Les nouveaux traitements, les problèmes environnementaux, les nouveaux moyens d'assurer la sécurité... ce sont des sujets qui se frayent régulièrement un chemin jusqu'aux programmes télévisés (dans les nouvelles émissions, dans la fiction). Ce qui nous amène à l'un des problèmes principaux de la transmission de la science : comment la vendre à des producteurs et à des responsables de la diffusion qui se préoccupent principalement de leur audience ? Et voici l'argument de vente : si la science reste isolée dans un ghetto, elle n'intéressera aucune audience. Pour la transmettre, il faut donc convaincre les producteurs et les diffuseurs que le public est large, justement parce qu’elle est intéressante. En effet, elle peut se cacher derrière le sport, la cuisine, etc. C'est justement le but de ce festival et de la soirée de remise des prix ».
« Quand des spécialistes des médias rencontrent des scientifiques et des ingénieurs, ils finissent immanquablement par discuter de vulgarisation. Ce qui n'est pas foncièrement mauvais. Les scientifiques eux-mêmes doivent simplifier les choses, car seules quelques personnes peuvent comprendre leur domaine de recherche spécifique. On peut soit simplifier, soit pécher contre la science. Le premier est tout à fait justifiable, mais le second ne saurait être toléré. A moins que l'on enfreigne les règles avec un humour évident : comme dans Star Trek ! Si elle est bien utilisée, la vulgarisation peut constituer un fantastique instrument de communication. C'est pourquoi cette pratique doit être surveillée de près par des spécialistes. Cela dit, tous les experts ne se montrent pas si enthousiasmés à l'idée de se lancer dans la production de programmes médiatiques. Leur participation n'en est pas moins essentielle. Par exemple, au Royaume-Uni, les scientifiques doivent investir un certain pourcentage de leurs subventions dans la vulgarisation. L'initiative est peut-être unique en Europe, mais c'est une idée qui pourrait germer dans d'autres têtes. »
Au cours de cette discussion avec le directeur du festival, il m'est apparu de plus en plus évident que les efforts en faveur de la science, et en particulier de sa diffusion sont essentiels à l'émergence d'une identité européenne. Il faut agir à un niveau européen, car des efforts nationaux représentent une énorme perte d'énergie. En établissant une comparaison avec le sport, Andrew Millington m'a expliqué que l'Europe disposait désormais de moyens d'expression. Une structure comme le congrès ESOF(2), similaire à la Ligue des Champions et à la Ryder Cup en termes de fonctions, peut permettre de développer le rôle de l'Europe dans le domaine des sciences et combler le fossé avec les citoyens. Avec un tel événement, l'Europe peut relever la tête et évoluer côte à côte avec les Etats-Unis ou les autres concurrents scientifiques mondiaux. Néanmoins, les scientifiques européens ne doivent pas oublier l’ouverture sur l'extérieur.
1 L'Organisation européenne pour la recherche nucléaire est l'un des plus grands et des plus prestigieux laboratoires scientifiques au monde. Il a pour vocation la recherche fondamentale, et tente de découvrir la composition et le fonctionnement de l'Univers. Pour ce faire, il utilise le Grand collisionneur de hadrons, accélérateur de particule installé à Genève.
2 ESOF – Euroscience Open Forum – est une rencontre biennale paneuropéenne consacrée à la recherche et à l'innovation scientifiques. L'ESOF est l'occasion de rencontres entre d'éminents scientifiques, chercheurs, hommes d'affaires, chefs d'entreprise et innovateurs, législateurs, responsables de la diffusion de la science et de la technologie, et public en général, qui viennent de toute l'Europe pour discuter des nouvelles découvertes et débattre de la voie dans laquelle la science est engagée.