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La première comédie romantique saoudienne sera diffusée à la Berlinale

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Samy Oubouaziz

À l'occasion de la Berlinale 2016, le réalisateur Moahmoud Sabbagh a présenté son long métrage non seulement divertissant, mais surtout édifiant. 

Si l'on s'amusait à compter tous les cinémas d'Arabie Saoudite, multiplexes et autres salles indépendantes confondues, on arriverait à un total de un.  Peu d'industries cinématographiques sont aussi réglementées et aussi pauvres que celle du royaume du désert. Ce simple fait suffirait à faire de "Barakah meets Barakah"un film grandiose.  Néamoins, la beauté de ce film s'étend bien au delà des prouesses logistiques (et politiques) nécessaires à sa réalisation. Véritable oeuvre d'art, ce film équivaut, par ailleurs, à de l'excellent divertissement.

Le film a été annoncé comme étant la première comédie romantique provenant d'Arabie Saoudite, étiquette que son réalisateur Moahmoud Sabbagh n'accepte qu'à contrecoeur. Il relate la relation maladroite de Barakah, employé municipal, et de Bibi, star d'instagram. Alors que les jeunes protagonistes essaient d'entretenir leurs sentiments croissants, un troisième personnage, l'omnipotente et répressive société, va s'interposer pour mettre un terme à leurs tentatives amoureuses. Ils doivent donc apprendre à se connaitre réellement sans avoir à se marrier. Dans une scène, Bibi met en exergue l'impossibilité de la tâche : ils pourraient aller à la plage, se dit-elle, mais ils se verraient alors confrontés à la police religieuse. Ils pourraient aller au restaurant, mais risqueraient l'arrestation.  Où alors, ils pourraient aller se balader, mais s'exposeraient à… vous avez saisi l'idée.

Ce qui rend ce film rafraîchissant, c'est que ce n'est pas une ode aux valeurs occidentales. Il ne nous emmène pas vers la banquette arrière d'une voiture aux vitres embuées, comme le fait si bien "Titanic". Bien au contraire : les personnages ne sont amenés à se toucher qu'une seule fois. Au lieu de cela, l'orientation narrative pointe du doigt le caractère ridiculement restrictif du système saoudien, qualifié à juste titre de draconien, même par les pays les plus conservateurs du monde. L'amour entre les deux personnages n'est même pas utilisé par l'auteur pour manipuler le public en le poussant à déspprouver ce qui retient les amoureux à distance, ce qui, d'ordinaire constitue la clé de voûte de toute intrigue amoureuse, de "Roméo et Juliette" jusqu'au "Secret de Brokeback Mountain". Barakah et Bibi ne savent même pas s'ils sont amoureux l'un de l'autre, ils veulent simplement se battre pour avoir la chance de le découvrir.

Bien qu'une histoire d'amour sur fond d'injustice dans une société ultra-conservatrice puisse paraitre peu engageante, "Baraka meets Baraka" s'avère être délicieusement drôle par moments. Le film commence sur ces mots : « Les pixellisations que vous vous apprêtez à voir sont tout à fait normales, et ne constituent pas un commentaire sur la censure. Nous le répétons, ceci ne constitue pas d'un commentaire sur la censure » Cet avertissement plus qu'ironique devient une source d'amusement au cours du film car plusieurs des objets qui apparaissent à l'écran, comme un verre de whisky, sont floutés, bien que le spectateur reconnaisse clairement les objets affichés à l'écran.

Les personnages sont de fidèles représentants des citoyens saoudiens. Le pays est bel et bien rempli d'avides utilisateurs des réseaux sociaux, le genre de célébrités qu'incarne Bibi est d'autant plus réel qu'elle fait office de soupape pour cette société sous haute surveillance. Barakah, fonctionnaire, bien que mécontent des tabous en vigueur, reste satisfait par le fait travailler au sein d'un tel régime. Tous les personnages s'accordent sur les failles de leur nation, mais les ont acceptées et se contentent de vivre des vies rendues possibles par les ventes de pétrole.

Sabbagh mérite le respect, non seulement pour être passé au travers d'une résistance considérable pour avoir réalisé pareil film, mais aussi pour avoir créé une oeuvre divertissante et édifiante. 

Translated from First Saudi Romantic Comedy Comes to the Berlinale