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La pièce de théâtre « Bye bye world » ou comment tout plaquer

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Default profile picture Daisy Maglia

CultureStyle de vie

La pièce lauréate du festival fringe 2011 d’Amsterdam explore le désir profond de changer d’existence et de tout recommencer. Elle a été présentée par la troupe de théâtre néerlandaise Gehring & Ketelaars en août au festival d’Edimbourg.

Deux femmes, l’une brune et l’autre blonde, sont assises côte à côte. Dino est allongée sur le sol. « Oui » chuchote-t-elle sereinement, « oui ». « Non », grommelle Olga, adossée contre un bloc de bois à côté de Dino. « Non, non ». Cette scène incarne de plusieurs manières le ton de la pièce expérimentale Bye bye world, dirigée par Marjolein Frijling, 31 ans. Le drame alterne narration et performance pour raconter l’histoire de deux femmes très différentes qui finissent toutes deux par enfiler leur manteau et quitter leur maison un matin pour ne jamais y revenir.

Êtes-vous une Olga ou une Dino ?

Pour Dino, socialement maladroite, la décision soigneusement planifiée de s’en aller est une affirmation, une chance de tout recommencer à zéro. Pour Olga, mariée depuis 10 ans, possédant une maison et menant une carrière à succès dans la communication, son désir de changement impulsif est né de l’isolation et de la frustration, sa vie trépidante manquant de plus en plus de sens. Bye bye world est une chose rare : une pièce expérimentale où chacun peut se retrouver. C’est en partie dû au fait que la pièce raconte simplement une bonne histoire. Une interprétation parfois absurde, une narration bien présente qui rehausse l’histoire et une utilisation ingénieuse de tout l’espace entraînent le public au cœur de l’action.

Cependant, le plus important, ce sont les deux protagonistes tout à fait crédibles. « La plupart des gens disent, "Oh, je suis vraiment une Dino" ou "Je suis vraiment une Olga" », déclare l’actrice néerlandaise Vera Ketelaars, 26 ans. Sa collègue, Anne Gehring, 29 ans, qu’elle a rencontrée à l’école de théâtre, approuve. « La plupart des femmes dans la trentaine s’y retrouvent, que ce soit dans Olga ou Dino », déclare-t-elle. Les deux caractères sont isolés de la société et de leur entourage. Ceci est mis en scène par de nombreux dialogues douloureusement familiers : questions-réponses de routines dénuées de tout sens profond et monologues à sens unique lors desquels la personne qui parle semble ignorer la présence de l’autre. Une interprétation parfois exagérée ou satirique, en particulier lors des échanges avec Olga la surdouée, illustre parfaitement l’aliénation de la protagoniste tout en y apportant une touche comique. Le génie de Bye bye world réside dans le fait qu’il ébranle un discours dominant. Alors que nous vivons dans un monde de vidéosurveillance et de téléphones portables, où il semble que l’on peut suivre à la trace presque tous nos déplacements en prétendant que c’est pour notre propre bien, Vera Ketelaars se tourne vers le public et déclare avec allégresse que « C’est possible ! Vous pouvez monter dans un train ou un avion et ne laisser aucune trace. C’est possible. »

Partir

Gehring and Ketelaars reprennent un fantasme que nous avons tous eu mais qui est de plus en plus tabou. Le drame normalise l’aliénation des caractères, refusant de leur poser un diagnostic de dépression, de troubles anxieux ou d’attaques de panique. « Nous ne voulions pas en faire un drame psychologique ni attribuer des raisons psychologiques aux actes des protagonistes », déclare Anne. Au lieu de cela, leurs désirs demeurent ceux que tous les spectateurs peuvent reconnaître. « L’idée de cette pièce nous est venue car c’est quelque chose que tout le monde aimerait faire », admet Anne. « Nous avons tous une fois ou l’autre ce désir ; nous éprouvons tous le besoin de tout recommencer. Nous étions fascinées par l’idée que nous ne sommes pas obligés de vivre la vie que l’on vit, nous pouvons faire autre chose. » Le public y a certainement répondu. « En Australie, une femme nous a confié que c’était exactement ce qu’elle avait ressenti le matin même, elle avait vraiment envie de le faire, de partir tout simplement », déclare Vera.

« Nous ne sommes pas obligés de vivre la vie que l’on vit, nous pouvons faire autre chose »

Bye bye world laisse le public dans le doute quant au dénouement, ce qui peut être considéré à la fois comme une critique et une force. Se terminant au moment où Dino et Olga montent dans un bus pour quitter leur ville, la pièce refuse de nous dire si les femmes réussiront dans leur quête de réinventer leur vie. Pouvons-nous vraiment fuir nos problèmes ? Qu’arrive-t-il au mari d’Olga et à la mère de Dino ? Cependant, cette pièce commence avant l’arrivée du public et se prolonge après son départ. Elle ne nous donne aucune réponse, nous offrant seulement un regard dérangeant sur deux existences familières et, par conséquent, sur notre propre vécu.

Bye bye world se joue chaque jour jusqu’au 26 août à l’Underbelly d’Edimbourg. Elle est programmée au festival d’Amsterdam en septembre, et lors d’une tournée à Londres et probablement en Israël et en Iran durant ces prochains mois.

Photo : mise gracieusement à disposition par © gehringketelaars.nl

Translated from Dutch play ‘Bye bye world’: 'We all crave to start all over again'