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La nouvelle Constitution hongroise : antidémocratique ou seulement faible ?

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Politique

L'extrême unité de la Constitution hongroise tient parmi les principales causes majeures de l'inefficacité gouvernementale de ces deux dernières décennies. Un philosophe de Budapest explique.

La nouvelle Constitution remplace celle qui date de l’ère stalinienne (1949) mais qui fut complètement révisée durant la transition démocratique en 1989-1990. Une préoccupation soulevée pendant ce débat en Hongrie était que la nouvelle Constitution ne respecterait pas le principe de « séparation des pouvoirs » (supposant que la (« séparation des pouvoirs » est un idéal universel du constitutionnalisme). Le professeurBéla Pokol, un illustre mais excentrique sociologuerécemment élu comme membre de la Cour constitutionnelle, n’est pas d’accord. Il soutient que, comme les autres Constitutions européennes, la Constitution hongroise actuelle n’est pas basée sur le principe de séparation des pouvoirs et le nouveau texte ne doit pas l’être non plus. Il reproche cette « fausse interprétation » à l’inefficacité du système gouvernemental hongrois durant les deux dernières décennies.

Système européen contre système américain

Le contraste entre la confiance populaire concernant la « séparation des pouvoirs » et l’opinion de Pokol pourrait faire remonter à un malentendu : la « séparation des pouvoirs » a des significations différentes de chaque côté de l’Atlantique. Aux États-Unis il a deux vrais pouvoirs : le président et le Congrès sont mandatés directement par la population. Ces organes sont complètement séparés car ils n’ont besoin ni de la confiance ou de l’approbation de l’autre pour exécuter les pouvoirs qui leur sont dévolus. Pourtant, leurs pouvoirs ne peuvent prendre effet sans leur coopération..

Cafebabel.com donne la parole aux jeunes Hongrois concernant la nouvelle constitution ici

Par contre, la « séparation des pouvoirs » en Europe signifie la « division des pouvoirs » dans un faible sens. Bien que les compétences de l’État sont divisées entre différentes branches, ces branches ne sont pas nécessairement séparées l’une de l’autre. En Europe, la branche exécutive est subordonnée à la branche législative, ayant besoin de sa confiance pour rester au pouvoir. Les Constitutions parlementaires européennes conservent toujours la structure des monarchies absolues, dans laquelle il n’y a qu’un seul pouvoir ultime : autrefois le roi, maintenant le Parlement. Dans tous les cas, le lien entre le gouvernement et le Parlement est particulièrement fort : la « motion de censure constructive », un concept utilisé à la fois en Allemagne et en Hongrie, signifie que le Parlement ne peut retirer sa confiance au Premier ministre à moins que son successeur soit nommé en même temps. Cela rend le gouvernement si stable qu’il est presque inévitable de partager le sort du Parlement. Dans l’histoire de l’Allemagne moderne, la motion de censure constructive fut lancée seulement deux fois et ne réussit qu’une seule fois (par Helmut Kohl contre Helmut Schmidt en 1982). C’est exactement ce modèle de parlementarisme (appelé aussi démocratie du chancelier) que les Hongrois ont adopté, Pokol a peut-être raison en arguant que la constitution hongroise n’est pas basée sur le principe de séparation des pouvoirs.

Le cas de la Hongrie

Cependant, l’inefficacité du système politique hongrois n’est pas due à une « fausse interprétation » de la Constitution, comme le dit Pokol, mais au modèle constitutionnel de « démocratie du chancelier » lui-même. Un gouvernement stable n’est pas nécessairement un gouvernement efficace. La « motion de défiance constructive » tend à le maintenir au pouvoir même si leur résultat est très pauvre. Malheureusement, ce n’est pas une possibilité purement théorique ou marginale : la Hongrie a passé sept de ses vingt dernières années sous des gouvernements qui étaient trop faibles pour entreprendre d’importantes mesures mais qui ont néanmoins terminé leur mandat. Par exemple, sous le gouvernement conservateur au pouvoir de 1990 à 1994 un million d’emplois ont disparu, avec beaucoup d’anciens salariés touchant une pension d’invalidité ou prenant une retraite anticipée, surchargeant ainsi le système social. Vingt ans après, la Hongrie n’a toujours pas retrouvé ses emplois ou employés perdus et les partis politiques continuent d’être orientés sur les retraités. Plus récemment, le gouvernement socialiste de 2006 à 2010 était incapable de réduire les dépenses sociales ou de rationaliser la bureaucratie de l’État et ont par conséquent augmenté la mort publique de moitié. La Hongrie était virtuellement sans gouvernement pendant plus d’un tiers de cette période : un luxe qu’aucun pays ne peut se permettre.

Du blocus des taxis aux mensonges d’Etat

La Hongrie a connu deux crises politiques majeures depuis la transition démocratique : la première était appelée « le blocus des chauffeurs de taxi » en octobre 1990, quand les chauffeurs de taxis ont complètement bloqué les principales voies de circulation pour protester contre une augmentation du prix du pétrole qui fut longtemps niée. La seconde était le scandale déclenché par le soi-disant « discours d’Oszod » en septembre 2006, quand un discours secret du Premier ministre admettant les mensonges pendant la campagne électorale fut rendu public. Ces deux évènements ont secoué le nouveau gouvernement élu de telle manière qu’il a perdu sa capacité à mettre en œuvre sa politique une fois pour toutes. Cependant, les deux sont restés au pouvoir jusqu’à la fin du mandat car les critiques internes de la coalition au pouvoir et l’opposition ne pouvaient s’entendre sur qui devrait suivre l’impopulaire et politiquement faible Premier ministre.

L’extrême structure « unifiée » de la Constitution hongroise est parmi les causes majeures de l’inefficacité du gouvernement durant les deux dernières décennies. Pas étonnant que les propositions qui ont été faites pour abandonner le concept de « motion de défiance constructive » ou pour trouver une autre solution qui pouvait empêcher le futur système politique hongrois arrivent à une impasse. La version finale de la nouvelle Constitution ne change pas l’ancienne structure, il y a donc un danger pour que la politique hongroise dépense 35% de son temps à ne rien faire. Même sous une nouvelle Constitution.

Translated from Hungary's new constitution from 1 January: undemocratic or just weak?