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La Moldavie : un territoire coincé dans l'histoire

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BruxellesSociété

En Europe orientale, les appels à la liberté et à l’indépendance envers le vieux frère soviétique semblent se propager. Ils se confondent désormais avec le refus du capitalisme incontrôlé apparu dans les années 90. De Chisinau à la Transnistrie, reportage le long d'un pays qui se cherche encore beaucoup.

La Moldavie compte plusieurs caractéristiques similaires à l'Ukraine avant les manifestations de Maïdan : un soulèvement populaire en 2009 qui n’a pas permis d’apporter les réponses attendues, une importante population russophone et une base militaire russe dans une région séparatiste sur son territoire. Récemment, des manifestants ont planté des tentes et se sont rassemblés devant le siège du gouvernement afin de réclamer le changement pour lequel ils se sont battus en 2009.

Des inégalités à toutes les échelles

Il est surprenant, en se promenant dans les rues de Chisinau, la capitale de la Moldavie, de voir circuler des voitures de luxe qu’on retrouve habituellement en Suisse ou à Monaco. Les Porsches contrastent avec les chiffres : la Moldavie est le pays le plus pauvre d’Europe avec un revenu national brut de 2 550 dollars - 2310 euros - par habitant en 2014 (la Grèce compte un revenu national brut de 22 090 $ par habitant la même année).

Classée 114e sur l’indice de développement humain, la Moldavie  se positionne loin derrière ses voisins : la Roumanie (54e) et l’Ukraine (83e). Et comme si cela ne suffisait pas, la Moldavie a perdu un milliard de dollars d’argent public l’année dernière, soit 12,9% de son PIB volatilisé.

Mais regardons au-delà des chiffres. Chisinau, ville boisée, pourrait facilement gagner le prix de la capitale verte européenne (si seulement elle en avait l’opportunité). Au niveau shopping et restauration, il est difficile d’identifier les enseignes connues de toutes les capitales européennes. Aucun Apple store, pas de H&M, et seulement un Mac Donald pour Chisinau, rebelle pour l'occasion. Les enseignes étrangères présentes sont roumaines, turques ou russes.

Chisinau, ça n’est pas la Moldavie…

En dehors de Chisinau, c'est autre chose : difficile de croiser de belles voitures à la campagne. À un peu plus de 100 km de route de Chisinau, à Capaclia, toutes les maisons n’ont pas l’eau courante. Des enfants portent des seaux plus grands qu’eux pour ravitailler la maison. Le maire, Alexei Busuioc, déplore la situation mais sa priorité était d’apporter l’eau courante dans les écoles. En effet après l’église, les écoles de Capaclia sont les bâtiments les mieux entretenus. Grâce au soutien d’une association alsacienne et à la motivation de volontaires, la France rayonne dans le village.

Alexei Busuioc explique que la décentralisation n’est pas effective en Moldavie. « Seuls les maires de la même couleur politique que le gouvernement central bénéficient de dotations conséquentes », nous a-t-il confié. Il appelle l’Union européenne à décentraliser son aide afin que les Moldaves bénéficient de façon égale du soutien européen.

Le 15 octobre, l’ancien premier ministre, Vlad Filat, a été arrêté par le bureau anti-corruption et sera entendu dans l’affaire du milliard volatilisé, détériorant encore plus la réputation de la classe politique moldave.

Pourtant, les partis au pouvoir ont bel et bien vu venir la déception des Moldaves, en particulier le décrochage des jeunes. Sergiu Boghean, ancien président des jeunes libéraux nous explique : « Les jeunes ont commencé à s’impliquer en politique après les événements du 7 avril 2009. Aujourd’hui cette partie de la population est déçue par la classe politique et son incapacité à réformer le pays ».

En effet, suite à la signature d’un accord d’association avec l’Union européenne, la Moldavie s’est engagée sur le chemin de réformes significatives. Cependant le débat continue de se construire autour d’arguments géopolitiques, laissant la question de la mise en œuvre des réformes sans réponses.

La Transnistrie, la faucille et le marteau

La langue officielle de la Moldavie est le Roumain mais le russe reste la seconde langue la plus parlée dans le pays. Une députée moldave présente le choix de la langue comme un moyen de prendre position dans le débat géopolitique : « Si on en croit les sondages, la population russophone vote pour les partis pro-russes et les roumanophones choisissent les partis pro-UE ». Elle ajoute : « On peut même choisir son camp dans sa foi religieuse entre les églises orthodoxes roumaines ou russes ».

Et dans les rues de Chisinau même les voitures participent au débat, certaines portant un drapeau russe, d’autres arborant les étoiles européennes. Cependant, dans deux régions séparatistes le drapeau européen ne flotte pas : la Gagaouzie et la Transnistrie. La Transnistrie échappe complétement au contrôle de Chisinau. Le gouvernement de facto de Transnistrie produit même sa propre monnaie, le rouble transnistrien, dont certaines pièces ressemblent à des jetons de casino. La capitale de la Transnistrie est la seconde ville du pays et aussi la plus industrialisée : Tiraspol.

Se promener dans les rues de Tiraspol, c’est comme se promener dans l’histoire, et pas forcément la plus heureuse. La ville est construite autour d’un boulevard principal, la rue du 25 octobre, artère commerçante dont les commerces se comptent sur les doigts d'une main. À une extrémité le siège du parti, à l’autre bout la maison des soviets. À chacune des extrémités, une statue de Lénine. Et tout le long des faucilles, des marteaux et des affiches à la gloire de l’armée rouge.

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Article rédigé avec la collaboration de Charles Gomi

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Cet article a été rédigé par la rédaction de cafébabel Bruxelles. Toute appellation d'origine contrôlée.