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La Force de Réaction Rapide et l’OTAN : quelles perspectives ?

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Le développement des capacités militaires de l’Union est en cours. Conduira-t-il à la mort de l’OTAN… ?

La politique étrangère est un des domaines dans lesquels la coopération entre nations est des plus difficiles. En particulier, la coopération dans les affaires de sécurité et de défense soulève immédiatement les problèmes de souveraineté nationale. Elle implique l’acceptation de traditions historiques différentes, la prise en compte des sensibilités spécifiques et des préjugés de l'opinion publique. Une des caractéristiques principales de l’Etat-Nation depuis sa création consiste en une politique étrangère et de défense propre et indépendante, poursuivie par toute entité autonome au sein du système international.

Après la Seconde Guerre mondiale, la sécurité et la défense des états de l'Europe occidentale étaient organisées au sein de l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). L'Union de l'Europe Occidentale (UEP), fondée en 1954 comme composante de défense de l'intégration européenne, visait à garantir le contrôle du réarmement de l'Allemagne et à lui permettre de devenir membre de l'Alliance Atlantique. Pendant la Guerre Froide, la volonté des membres de la Communauté européenne d’étendre l'intégration au-delà des domaines économiques et diplomatiques a été freinée par le rôle de garant de la sécurité de l’Europe occidentale que jouaient l'OTAN et les Etats-Unis. Avec l’effondrement de l'Union soviétique en 1991, la menace durable et directe à l’égard de la sécurité de l'Europe occidentale disparut.

Les objectifs fixés par les Etats membres de l’Union Européenne concernant la politique étrangère et de défense commune lors du traité sur l'Union européenne (TUE) (aussi appelé Traité de Maastricht) en 1992 étaient ambitieux. Le Traité exigeait une politique étrangère élaborée conjointement et mise en oeuvre dans l’esprit des acquis communautaires européens. Qui plus est, cette politique devait envisager une politique de défense commune, menant peut-être une défense commune.

60 000 hommes prêts à être déployés

Dans le Traité de Maastricht, les Etats membres de l’UEO se sont mis d’accord pour développer cette dernière comme pilier européen de l'OTAN, afin de compléter les activités de celle-ci. Cependant, il apparu évident que le Traité était politiquement et militairement inadapté pour permettre à l'UE de faire face aux défis grandissants des relations internationales. Au Conseil Européen de Cologne en juin 1999, les chefs d’états de l’UE ont reconnu que « l'Union devait avoir une capacité d’action autonome, appuyée par des forces militaires crédibles, les moyens de décider de les utiliser, et la faculté de le faire immédiatement, pour répondre aux crises internationales, sans préjuger des actions de l'OTAN. En décembre 1999, au Conseil européen d’Helsinki, l’ « objectif global d’Helsinki » a été établi, fixant entre autres les deux objectifs suivants : premièrement, les Etats membres coopérant volontairement dans les opérations menées par l’UE doivent être en mesure en 2003 de déployer sous 60 jours et durant au moins un an des forces militaires d’un effectif de 50 000 à 60 000 personnes, capables de mener l’ensemble des missions établies par l’article 17 du TUE. Deuxièmement, de nouveaux corps politiques et militaires seront établis au sein du Conseil pour permettre à l'Union d'assurer la conduite politique et la direction stratégiques des opérations nécessaires tout en respectant le seul cadre institutionnel.

Indépendance européenne

Le Conseil Européen de Nice a approuvé la mise en place de trois organes politiques et militaires permanents, le COmité Politique et de Sécurité (COPS), le Comité militaire de l’UE (CMUE )et l'Etat-Major de l'Union européenne (EMUE).A la suite d’une Conférence sur l’amélioration des capacités en novembre 2001, le Conseil européen de Laeken en décembre 2001 a déclaré que « grâce au développement ininterrompu de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD), au renforcement de ses capacités, et la création de structures appropriées, l’Union est désormais capable de conduire des opérations de gestion de crise. L’Union sera en mesure de prendre progressivement en charge des opérations plus délicates, si l’on développe les capacités et les moyens mis à sa disposition ».

Il est évident qu’un modèle clair d’amélioration et d’intégration de la stratégie de défense commune et qu’une progression vers une certaine indépendance militaire de l’UE ont été développés au cours des dix dernières années. Mais l’Union ne manque pas de rappeler à tout un chacun que « l’OTAN est la base d’une défense collective de ses membres et jouera un rôle primordial dans la gestion des crises ». Le développement d’une « Force de Réaction Rapide » (FRR) conduira à un véritable partenariat stratégique entre l’UE et l’OTAN en matière de gestion de crise, dans le respect de l’autonomie des processus de prise de décision des deux organisations. Les structures militaires de l’Union Européenne seront distinctes, mais non isolées de celles de l’OTAN. L’objectif est de ne pas avoir de répétitions inutiles.

La question la plus importante concernant l’autonomie de l’UE est de savoir dans quelle mesure sa souveraineté politique dépend du lien entre les structures militaires de l’Union Européenne et de l’OTAN. Historiquement, un état nation ou une fédération a toujours utilisé ses capacités militaires pour défendre ses intérêts politiques, économiques et géopolitiques sur tout le globe. Les Etats Unis en sont un parfait exemple. Les Etats Unis sont conscients du fait que le but principal de leur politique étrangère est de s’assurer qu’à l’avenir aucune autre entité dans le système international ne sera capable de défier leur supériorité politique et militaire.

L’Union Européenne pourrait devenir l’une de ces entités concurrentes, si elle parvient à devenir un acteur politique et militaire autonome dans le système international. C’est pourquoi en décembre 2001, les Etats Unis ont essayé de limiter les possibilités d’action de la FRR européenne en prenant prétexte des « intérêts vitaux nationaux » de la Turquie. A l’époque, les Etats Unis ont avancés les arguments selon lequels : d’une part l’UE n’aurait pas été capable d’utiliser les structures de l’OTAN ; d’autre part la nécessité pour la Turquie d’intervenir dans la conceptionde toute opération menée sous la houlette de la FRR dans des zones d’intérêts vitaux géopolitiques pour la Turquie.

Disparition de l’OTAN ?

Malgré tous les discours sur une « étroite coopération » et l’habile diplomatie employée par l’OTAN et l’UE, les responsables des deux organisations savent pertinemment qu’à un moment donné, l‘UE deviendra suffisamment puissante politiquement et économiquement pour saisir l’opportunité historique de remplacer sa sécurité commune, organisée au sein de l’OTAN par une force militaire européenne complètement indépendante. Dans ce cas, l’OTAN s’avérera inappropriée et vouée à la dissolution. Il faudrait cependant se demander si la création d’un nouveau bloc de sécurité, c’est à dire l’Union Européenne, est judicieuse et profitable ? Une nouvelle rivalité entre les deux grandes puissances les Etats Unis et les 25 Etats membres de l’Union Européenne est-elle souhaitable ?

Peut-être le moment où l’Union Européenne sera politiquement et militairement indépendante face aux Etats Unis et à l’OTAN n’est-il pas aussi éloigné que nous le pensons. Le point de vue de Jacques Chirac concernant la deuxième résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unis sur la question du désarmement en Irak pourrait être un signe avant coureur d’une position de souveraineté politique exprimée par l’UE dans un des domaines les plus importants des relations internationales, la sécurité. La nouvelle constitution de l’UE va considérablement faire progresser le processus d’intégration, et l’adhésion de dix nouveaux membres et éventuellement de deux autres en 2007, améliorera la sécurité de l’Union Européenne en favorisant un contrôle géopolitique du continent européen.

Ces deux aspects vont inéluctablement améliorer la situation de l’Union et lui permettre de traduire son poids économique comme qu’organisation internationale. Comment les Etats membres et le reste du monde en disposera se vérifiera dans l’évolution à court et long terme de l’espace international.

Translated from The European Union Rapid Reaction Force, between NATO and a Common Foreign and Security Policy