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La Femme : chercher le garçon

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Culture

Ne jouons pas aux vierges effarouchées, le groupe français n’a jamais rechigné à séduire son monde. Du coup, au sein des musiques actuelles, La Femme domine désormais les (d)ébats en véhiculant une certaine idée du beau bizarre à grands renforts de mécanique lubrique. Rencontre à Rock en Seine, en espace confiné.

« C’est pas l’homme, c’est la femme », répond - sans trop d’émotions - Sacha Got, le guitariste de La Femme, à la question empruntée d’un jeune journaliste. Sacha joue au jeu de la conférence de presse comme une star de confessionnal. Affalé dans un canapé trop petit, ravalé par un cuir trop large, le godelureau esquisse un rictus à chaque question con, attend les bonnes formules les bras étendus et s’en tient à des réponses aussi brèves qu’une info sur la ligne 4. Juste à côté, Clémence Quélennec - l’amovible chanteuse du groupe de 6 - soigne la déco vêtue d’un imper, d’escarpins orange et de Ray-Ban fumées.

Lascif do ré mi…

N’allez pas croire que La Femme est farouche. Rencontré au complet peu de temps avant de se diluer dans la masse médiatique, le groupe est tout aussi prompt à racoler le chaland. Nunez von Ritter est à deux doigts de nous claquer une bise quand on reluque d’un œil curieux son nouvel habit de lumière. Sapé à la manière d’un dictateur cubain à raison d’un uniforme « acheté 4 balles dans le Périgord », le percussionniste teint en blond se dit « méga chaud » pour la première du groupe à Rock en Seine. Les autres, en marcel et short en jeans, opinent du chef. Et pour cause, l’organisation du festival leur a confié la deuxième plus grande scène du festival pour allumer la foule.

Logique, quand on sait que parmi les anciennes promos labélisées made in France, La Femme tient probablement le rôle du meilleur élève dans la catégorie « je chante en français ». Et à l’occasion d’un événement musical perçu comme une rentrée des classes, il était bien normal de délivrer une place de choix aux enfants de la patrie. La vérité maintenant c’est que La Femme a surtout séduit les masses - avec la langue certes - mais surtout grâce à un titre recyclé sur pas moins de 3 disques différents. Réhabilitant la surf-music, Sur la Planche devient rapidement un tube dont la vague déferle très très vite jusqu’à faire glisser la bande des caves de l’Est parisien aux plateaux télé d’access prime time. Dans le même genre, d’autres titres suivront (Télégraphe, Anti-Taxi…) et la Femme commencera sérieusement à faire bander les bandits. « On a eu des moments compliqués où l’on ne se retrouvait plus dans notre environnement, confie Sacha les pieds sur les tables. Des gens du milieu venaient nous parler, on ne comprenait pas. Du coup, on a pris notre temps parce que la situation devenait bizarre. »

Avec le temps, La Femme prend surtout son pied. Depuis une tournée autogérée aux États-Unis courant 2010, la formation extensible (les membres sont tantôt 6 tantôt une dizaine, ndlr) se plaît à relayer elle-même ses innombrables premiers EP. Tant et si bien que les jeunes freluquets se posent en hérauts du do it yourself. Le temps d’un triolet, puisqu’ils signeront chez Barclay, le milord des majors. « On voulait confier la promo à quelqu’un qui avait du savoir-faire, se défend Sacha. On est bien chez Barclay. Ils nous ont toujours laissé une totale liberté artistique. » Pour preuve, ce retard à l’allumage dans la sortie de leur premier album, Psycho Tropical Berlin. Promis pour 2012, le disque sortira le 8 avril 2013. Il a fallu trouver « la bonne formule, le bon son » pour que La Femme se désape avec élégance sur 14 morceaux classieux qui auront au moins eu le mérite de couper la chique à pas mal d’éjaculateurs précoces. L’album est un succès et le groupe dont la moyenne d’âge plafonne à 22 ans trace déjà une carrière aussi sérieuse qu’un programme du planning familial.

Garage à beats

Jeté dans l’arène de l’entertainment, le groupe n’a néanmoins pas oublié de cultiver sa différence. À l’heure où le monde entier resuce les comptines bien connues, La Femme préfère embrasser des plaisirs oubliés. La surf music, le rockabilly, le doo-wop… autant de reliques que Sacha et Marlon Magnée (les deux fondateurs du groupes qui sévissent à l’époque sous le nom de SOS Mademoiselle, ndlr) sont allés piocher dans les bas-fonds du Web et de la médiathèque de Biarritz (sud-ouest de la France, ndlr). « La première fois que j’ai entendu de la surf-music, c’était dans Pulp Fiction, confie Sacha. Mais la première claque de ma vie, c’était pendant un concert des Cavaliers à Paris. » Désormais installés dans la capitale, les deux Biarrots s’encanaillent du côté de la Miroiterie, entretiennent leurs références pendant des concerts quasi-clandestins pour finir par s’acoquiner avec de jeunes farfelus. Bref, SOS Mademoiselle s’émancipe et devient naturellement La Femme.

Disons-le sans fard, La Femme devient, avec l’experience, un formidable garage à beats. Capable d’invoquer Gainsbourg avec une thérémine (un des instruments étranges que le groupe affectionne, ndlr), Pyscho Tropical Berlin évoque une certaine idée du beau bizarre. La Femme apparaît sauvage, nue sous un imperméable et plus prompte à danser le twist dans un hall de gare qu’à boire du rosé pamplemousse dans un taxi. Une manière de dire que le côté féminin du groupe s’exprime surtout dans le mystère et la boule de gomme. « C’est vrai que des titres comme Télégraphe sonnent un peu comme les morceaux des bas-fonds pour ceux qui trainent dans le métro et qui aiment la vie souterraine à Paris », confirme Sacha. Un sentiment cryptique auquel les textes et les clips participent beaucoup. Des taxis véreux au Moulinex, du propanol à l’amour dans le motu, vos rapports avec La Femme risquent de piquer. Tant mieux, car « notre but c’est de toucher, et de se faire toucher », conclue Sacha. Alors, tu montes ?

Le superbe - il n'y a pas d'autres mots - clip d'Hypsoline réalisé par le groupe.

La Femme jouera à Paris le 14 novembre prochain au Trianon. 

Story by

Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.