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Justice : Microsoft contre le monde 'libre' ?

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Le 17 septembre prochain la Cour européenne de justice devrait statuer sur l’amende infligée en première instance au géant américain Microsoft pour concurrence déloyale.

Le bras de fer entre Bruxelles et Microsoft commence en 2004 quand l’Union européenne sanctionne, une première fois, la firme américaine. Le deuxième épisode se déroule en juillet 2006 : Neelie Kros, commissaire à la la Concurrence, condamne l’éditeur américain de logiciels à une amende de 280,5 millions d’euros. Une sanction qui ne met pas pour autant fin aux pratiques monopolistiques du géant informatique.

Il faut admettre que ce n’était pas la première fois que la société de Bill Gates, basée à Redmond, dans l’état du Washington, avait affaire à la justice. En mai 1998 déjà, des concurrents et des groupes de pression avaient intenté une série d’actions pénales sur le territoire américain. Cette vague de protestation populaire avait réuni des associations comme Microsuck ou la Campagne de boycott de Microsoft. D' autres collectifs pan-européens, comme par exemple l’Association francophone des utilisateurs de Linux et des logiciels libres (AFUL) ou supra-nationaux comme la Fondation européenne pour le logiciel libre (FSFE) se sont par la suite jointes au mouvement. Aux côtés d'autres organisations parapluie regroupant des universitaires, des informaticiens et tout individu réfractaire aux logiciels propriétaires.

Farouchement opposés à l'actuel monopole de Microsoft et favorables à l'essor de ce qu’on a coutume d’appeler les 'logiciels libres', ces groupuscules partagent une même vision de l’informatique. A leurs yeux, toute personne doit pouvoir modifier, améliorer et développer le 'code source', contrairement à ce qui est pratiqué par les entreprises dites 'propriétaires' qui demandent aux utilisateurs de souscrire une licence leur refusant du même coup l'accès au code source.

Dans ce contexte de grogne à l'égard du monopole de Bill Gates, le navigateur 'Firefox', créé par Mozilla, a notamment accru de 15 % sa part de marché en juillet 2007, dépassant Internet Explorateur, le navigateur de Microsoft, dans une grande partie de l’Europe. Certains pays, comme la France, sont encore à la traine mais le marché du logiciel libre est en pleine ébullition.

Guillaume Yziquel, assistant de Georg Greve, président de la Fondation européenne pour le logiciel libre (FSFE), analyse les efforts consentis par l'Europe à travers la décision de justice de la Cour européenne de justice, consentis par l’Europe pour contrer le monopole de Microsoft.

La FSFE (Fondation européenne pour le logiciel libre) se développe-t-elle explicitement comme une alternative aux solutions de éditeurs propriétaires ?

Oui et non. Au départ, la FSFE était une entité sœur de la FSF, son homologue américaine. L'objectif était d’assurer un développement du logiciel libre en accord avec les mentalités européennes, alors assez peu procédurières. La FSFE est née en 2001, au moment où la Commission européenne a entamé une enquête sur les pratiques commerciales de Microsoft et sur sa position de monopole sur le marché des PC. C'st alors que nous avons lutté contre les comportements de Microsoft, figure de proue des solutions propriétaires, et contre tous les autres types de violation de concurrence. Skype a par exemple été condamné en Allemagne en juillet dernier.

Les logiciels libres – comme Ubuntu ou Linux – sont-ils des solutions viables ? Et sont-ils en mesure de faire perdre à Microsoft son statut de domination ?

C’est une solution tout à fait viable en effet. Il y a encore quelques zones de flou, notamment sur le marché des ordinateurs portables car l'ensemble du parc informatique est conçu pour intégrer Windows, le système d’exploitation de Microsoft, plutôt que le noyau du système d’exploitation Linux. Mais la situation évolue peu à peu. Ce que les gens ne perçoivent pas quand ils accusent Linux d’être inexistant en termes de parts de marché, c’est que ce logiciel libre ne concerne pas seulement les systèmes d’exploitation mais également des programmes comme Firefox ou OpenOffice notamment, qui fonctionnent sous Mac OS X et Windows. C’est la raison pour laquelle on peut considérer le logiciel libre comme une véritable alternative aux solutions propriétaires. De plus, le temps où ce type de logiciel était réservé aux as de l’informatique est révolu. Je ne peux pas me prononcer sur l’avenir de la position de Microsoft mais ce que je peux dire c’est que les solutions 'open source' comme on les appelle, c’est-à-dire avec un code source accessible, sont des solutions très professionnelles et qu’elles ont connu un développement spectaculaire ces dernières années.

Comment expliquez-vous que le monopole de Microsoft ait pu aller crescendo ces dernières années ?

Microsoft est devenu incontournable, suite à un accord conclu avec le fabricant IBM en novembre 2003. Le géant informatique a ensuite maintenu sa position dominante en travaillant sur la technologie, le contournement des normes et le manque d’interopérabilité des produits qu’il conçoit. Par la suite, il a tout fait pour que son abus de position dominante s’étende à d’autres domaines : sa mainmise sur le protocole IP en est un exemple significatif.

Comment assurez-vous la promotion du logiciel libre tant auprès des particuliers que des institutions ?

La FSFE travaille de concert avec d’autres associations pour médiatiser le logiciel sur le plan national ou supra-national. Nous travaillons avec l’Union européenne et les Nations unies sur cette question. En tant que mouvement populaire, notre rôle est d’instaurer un dialogue entre les particuliers, l’industrie informatique et le niveau institutionnel.

La grande majorité des programmes 'open source' ont sensibilisé les particuliers à la question du logiciel libre. Et donc, même si ces consommateurs n’ont pas immédiatement le réflexe Linux, ils vont, à l’avenir, être l’élément déclencheur du changement de comportement des entreprises informatiques en faveur du logiciel libre. En attendant, nous devons sensibiliser les institutions politiques. C’est une tâche qui est loin d’être évidente.

Ainsi, le gouvernement français a fait pression puis légiféré pour interdire certains logiciels libres fin 2005. Même si il est parfaitement illégal en France de vendre un ordinateur équipé d’un service sous licence comme Windows, les autorités chargées de la concurrence n’ont rien fait pour empêcher cette pratique. Notre action se concentre sur une prise de parole dans les médias en étroite liaison avec les autres associations en faveur du logiciel libre et avec les institutions politiques et par un important lobbying à Bruxelles pour sensibiliser les entreprises sur les questions de la concurrence.

Vous êtes une fondation européenne. Mais le poids de chacun des pays membres n'est pas le même : ont-ils tous le même intérêt pour le développement des logiciels libres en dépit de leur différence d'avancée technologique ?

A l’origine,notre association pouvait vraiment se targuer d’être européenne, avec une importante contribution de l’Allemagne. Et dans un second temps, les différences culturelles ont donné naissance à une section française indépendante, la FSF France.

En général, l’intérêt concernant le développement du logiciel libre est similaire un peu partout en Europe mais les disparités linguistiques et culturelles européennes est un problème pour dans la prise de parole dans les média par exemple. L’Europe de l’Ouest a plus de maturité dans la pratique du logiciel libre. Et la propriété intellectuelle est acceptée aveuglément en Europe centrale ou en Europe de l’Est en raison du libéralisme. Un libéralisme qui n'est jamais remis en question.

Translated from Trust me, I'm Microsoft