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Joseph Ratzinger, un Pape altermondialiste ?

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Simon Loubris

Dogmatique, conservateur, inflexible ? Benoît XVI pourrait étonner.

Dogmatique » (Libération). « Conservateur » (Süddeutsche Zeitung). « Inflexible » (La Repubblica). En somme, le Diable en personne. Pour les commentateurs proches de la gauche, le nouveau Pape Benoît XVI, Joseph Ratzinger dans le civil, brillant bavarois de 78 ans, c’est presque le pire choix que l’Eglise pouvait faire pour son avenir. Pourquoi ? Le monde va mal, l'Irak est envahi et l'Eglise choisit un Pape... « néo-conservateur » : pas moins que le George W. Bush du monde catholique, l’Inquisiteur chasseur d’hérétiques, l’anti-œcuméniste centralisateur qui fait trembler la « périphérie » de l'Eglise romaine !

L’Union européenne ? Pour le nouveau Pape, une menace

Certes, une telle réaction est compréhensible. À la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi (ex Inquisition) depuis 1981, l'ancien évêque de Munich s’est battu pour écraser toute dissidence au sein de l’Eglise catholique. Son acharnement contre la Théologie de la Libération -le courant des années 80 fondé par le théologien brésilien Leonardo Boff, accusé de trop se mêler de politique- est célèbre. Mais encore. Ratzinger est aussi la tête de pont de ce courant ecclésiastique qui voit et perçoit l'Union européenne actuelle comme un vecteur de menaces innombrables :

- la menace d'une possible adhésion de la Turquie, contre laquelle il s’est prononcé dans une interview au Figaro Magazine pendant l'été 2004, alors que l'Eglise n'avait pas encore pris position sur la question ;

- la menace de ces « ismes » (« relativisme, libertarisme, libéralisme... ») que le désormais Pape Benoît XVI a dénoncés durant son homélie-programme qui a ouvert le conclave le lundi 18 avril -et derrière lesquels il range le mariage homosexuel, l’avortement et le clonage thérapeutique ;

- la menace d’un continent qui ne veut pas reconnaître son identité en insérant une référence à des « racines chrétiennes » dans sa Constitution, ce pourquoi Ratzinger s’est âprement battu fin 2000.

Wojtyla ? Le Ministre des Affaires étrangères de Ratzinger

Mais se limiter à l'indignation et à la surprise serait une attitude hypocrite. Ratzinger ne succède pas à Jean XXIII, artisan du Concile Vatican II de 1962 qui modernisa, comme jamais, l'Eglise catholique. Mais à Jean-Paul II, qui -aux dires de nombreux commentateurs- aurait fortement limité le processus d’ouverture de l’Eglise. En réalité, c’est Karol Wojtyla qui a nommé Ratzinger -devenu par la suite ami personnel-, Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, Président de la Commission biblique pontificale et de la Commission théologique internationale, et vice-doyen du Sacré collège (1998). On pourrait même affirmer que le Polonais Wojtyla -avec ses ouvertures sur les autres religions et son mea culpa pour les fautes de l’Eglise, avec son activisme anticommuniste et ses appels à la paix- était déjà devenu, vers la fin de son pontificat, une sorte de Ministre des Affaires étrangères de Ratzinger. Au sein de l'Eglise, c’était la ligne dure du cardinal bavarois qui prédominait. Une ligne partagée entre autres, par Jean-Paul II lui-même.

Devons-nous donc nous résigner à un Pape « néo-conservateur » ? Le nom que Ratzinger s’est choisi semblerait bien suggérer le contraire. Benoît XV (1914-1922) entra dans l'histoire pour s'être opposé, avec force, à la Grande Guerre.

Les altermondialistes et les pacifistes de tous bords peuvent donc jubiler. L'hypocrisie continue.

Translated from Joseph Ratzinger, un Papa no global?